Ce qu’il faut retenir
→ Les PFAS sont des polluants persistants présents partout. Ils peuvent présenter des risques pour la santé : cancers, perturbation de l’activité du foie et des reins, augmentation du cholestérol, baisse de la fertilité, modification du système hormonal…
→ Les populations les plus exposées sont les salarié·es qui manipulent ces substances. Viennent ensuite les riverain·es des usines qui les produisent ou les utilisent.
→ Une proposition de loi va être discutée le 20 février prochain à l’Assemblée nationale, afin d’interdire les PFAS dans plusieurs produits du quotidien.
«Les gens sont malades et nous ne savons plus quoi faire pour eux.» Mélanie Popoff, médecin et spécialiste des perturbateurs endocriniens (qui affectent le système hormonal), est intervenue lors d’une conférence de presse organisée par le député (Les Écologistes, Gironde) Nicolas Thierry à l’Assemblée nationale, mardi. Un événement en écho à la journée mondiale contre le cancer.
La docteure a parlé de l’impact sanitaire des PFAS : ces polluants persistants dans l’environnement et le corps humain, que l’on retrouve partout et qui contaminent toute la population française. Chaque personne est exposée à des risques plus ou moins importants, selon la quantité présente dans son corps et le potentiel effet cocktail des différentes molécules qui s’y accumulent.

La liste des menaces est longue : perturbation de l’activité du foie et des reins (là où les PFAS se concentrent), augmentation du cholestérol, avec des risques cardio-vasculaires associés, ou baisse de la fertilité. Ces substances agissent aussi comme des perturbateurs endocriniens (notre article), c’est-à-dire qu’elles modifient notre système hormonal.
Salarié·es et riverain·es d’usines en première ligne
Francelyne Marano, de la Ligue contre le cancer, insiste : «Les PFAS font partie des polluants de l’environnement responsables de l’augmentation des cancers. On les soigne de mieux en mieux, mais ils concernent des personnes de plus en plus jeunes.»
Deux PFAS, qui étaient couramment utilisés en France, avant d’être interdits – le PFOA et le PFOS –, sont reconnus par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme «cancérogène» pour le premier, et «cancérogène probable» pour le second.
Les travailleur·euses et riverain·es d’usines qui ont produit ou utilisé ces substances sont en première ligne. Elles et ils sont au contact d’une plus grande quantité de ces molécules, et sur un temps plus long par rapport au reste de la population. «Les salariés qui manipulent ces substances sont les plus exposés», rapporte à Vert Pauline Cervan, toxicologue pour Générations futures, association qui lutte contre les pesticides.
Pour autant, il est difficile de prouver que c’est bien l’activité de ces salarié·es qui entraîne une pathologie. La pollution aux PFAS n’a pour le moment jamais été reconnue comme maladie professionnelle en France.
Et pour cause : «les études épidémiologiques manquent», souligne Pauline Cervan. Elles sont pourtant réclamées par les ouvrier·ères et les voisin·es des usines.
Le TFA, un petit PFAS aux effets méconnus
Sophian Hanous, opérateur de fabrication à Salindres (Gard), dans l’usine du groupe de chimie Solvay, a raconté l’impact de cette contamination sur sa vie, dans une lettre lue à l’Assemblée mardi. L’un des plus hauts taux de TFA au monde, le plus petit des polluants persistants, a été mesuré autour de son lieu de travail, avait révélé Générations futures en 2024.

«Malgré toutes les publications concernant la probable dangerosité des PFAS, et particulièrement du TFA, nos conditions de travail ne changeaient pas», écrit le salarié. Après avoir d’abord accepté de mener une étude sur la contamination de ses employé·es, la direction de l’entreprise s’est finalement rétractée. Et, en septembre dernier, elle a annoncé la fermeture prochaine du site et le licenciement de 68 personnes, en raison d’«une performance financière du site de Salindres qui se dégrade», selon elle.
Solvay assure que la dangerosité du TFA est moindre, comparé aux autres PFAS. Mais selon Pauline Cervan, de Générations futures, «nous n’avons que des connaissances partielles» sur cette molécule. De premières études commandées par les autorités sanitaires évoquent des perturbations du fonctionnement du foie et du système reproducteur.
Sophian Hanous réclame «la possibilité de savoir si nous sommes imprégnés par ces produits et si des affections de la santé sont surreprésentées parmi nous.» Il espère multiplier les preuves de liens entre l’exposition des travailleur·euses aux PFAS et le développement de certaines pathologies.
Les femmes enceintes et les enfants sont plus vulnérables
Si les effets cancérogènes des PFAS menacent davantage les salarié·es et riverain·es, «de faibles expositions, comme le vit la population en général, peuvent suffire à développer des perturbations du système nerveux et endocrinien dans la période in utero», relève Pauline Cervan.
Elles peuvent aussi diminuer l’efficacité des vaccins chez les enfants. De fait, les plus jeunes ne sont pas épargné·es : une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), publiée en septembre dernier, démontre la présence de PFOA et de PFOS dans le lait maternel.
Pour s’en prémunir, «mieux vaut éviter le poisson», recommande la toxicologue, car les PFAS s’accumulent dans les organismes des animaux que nous mangeons, surtout les poissons prédateurs.
«Chaque année compte»
Face à ce constat, Yoann Coulmon, de l’association Générations futures, insiste sur l’urgence de légiférer pour restreindre l’usage des produits qui contiennent des PFAS. «Chaque année compte, vu la persistance de ces substances dans l’environnement», affirme-t-il.
Au printemps 2024, les député·es avaient voté à l’unanimité une proposition de loi pour interdire les PFAS dans plusieurs produits du quotidien. Celle-ci avait été élaborée par Nicolas Thierry. Mais la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024, a suspendu le projet. Le 20 février prochain, les parlementaires décideront de l’avenir du texte.
Alors, l’enjeu sera qu’«aucun amendement supplémentaire» ne soit déposé, précise Nicolas Thierry. Cela risquerait d’affaiblir la mesure et de reporter le vote. Mardi, l’auteur de la proposition de loi a rappelé qu’«une modification, même à la marge, condamnerait le texte pour une durée indéterminée.»
Générations futures a lancé un site collaboratif pour réunir tous les témoignages des victimes des PFAS en France, et cartographier les sites les plus pollués : il est accessible en cliquant ici.
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