Après avoir fait planer le suspense jusqu’au bout, l’Assemblée nationale a finalement adopté mardi le projet de loi de «simplification» et sa mesure controversée d’abrogation des zones à faibles émissions, qui visent à lutter contre la pollution de l’air. À l’issue de trois mois d’un examen marqué par de multiples reports, il a été adopté par 275 voix contre 252, et ira devant une commission mixte paritaire, où sept député·es et sept sénateur·ices devront s’accorder sur une version commune du texte.

Cette adoption surprise a été rendue possible par le vote des député·es Rassemblement national (RN), Union des droites pour la République, Les Républicains (LR), MoDem et Horizons, qui ont largement voté pour (5 abstentions chez LR), comme certain·es indépendant·es issu·es de Liot. Après le vote, la ministre chargée du commerce et des PME Véronique Louwagie (Les Républicains) a défendu un texte «fortement attendu par le monde économique».
Quant au groupe macroniste (EPR), il avait prévu de rejeter la loi (alors même qu’elle avait été lancée par l’ancien ministre de l’économie Bruno Le Maire). Pour cause : lors de son examen en commission, la droite et l’extrême droite ont inscrit dans la copie la suppression pure et simple des ZFE, ces zones qui excluent les véhicules anciens et polluants de plusieurs villes de France, et qui constituent l’un des marqueurs du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
Mais les macronistes ont estimé que la mesure sur les ZFE avait de grandes chances d’être rejetée au Conseil constitutionnel parce qu’elle serait un «cavalier législatif» – c’est-à-dire qu’elle n’aurait pas de lien suffisant avec le texte initial –, et se sont finalement retourné·es. Quatorze député·es EPR se sont abstenu·es ; huit ont voté pour, et les 64 votes contre n’ont pas suffi à empêcher l’adoption. «La santé publique et la lutte contre le dérèglement climatique et les pollutions ne devraient pas être les variables d’ajustement de calculs politiques», a réagi la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher.
La cheffe des député·es Rassemblement national Marine Le Pen a salué sur X une «victoire tant espérée par des millions de Français». Selon elle, les ZFE relèvent d’une «politique de ségrégation sociale inacceptable». Elle a promis de faire «tout ce qu’il est humainement possible» pour confirmer ce résultat en commission mixte paritaire.

Le «scepticisme climatique d’une partie de l’hémicycle»
La gauche et les écologistes se sont massivement opposé·es au projet de loi, qui porte des «coups de tronçonneuse (…) à l’État de droit» et à «la justice environnementale», selon Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise).
Éclectique, ce projet de loi prévoit une batterie de dispositions pour «simplifier» la vie des particuliers, des entrepreneur·ses ou des commerçant·es, allant de la simplification du régime des baux commerciaux, à celle de la délivrance des licences IV pour la vente de boissons alcoolisées.
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Mais, le texte prévoit aussi de faciliter l’implantation de data centers – ces gigantesques bâtiments servant à stocker des données, et extrêmement gourmands en eau ; et de sécuriser le parcours juridique de projets d’infrastructure comme la controversée autoroute A69. En outre, contre la gauche et une partie du bloc central, la droite et le RN ont aussi obtenu un franc recul du «zéro artificialisation nette» (ZAN), ce dispositif de lutte contre la bétonisation d’espaces naturels et agricoles. Grâce au texte, les collectivités devraient, à terme, pouvoir «dépasser jusqu’à 30%» la limite de surfaces aménageables.
«Ni Emmanuel Macron ni Gabriel Attal n’ont le moindre impact sur leur camp, a déploré la cheffe des Écologistes Marine Tondelier sur X. Ils voulaient se racheter une conscience en préservant les ZFE, mais même ça, ils n’en sont pas capables.» Le patron du groupe socialiste, Boris Vallaud, abonde : «Ce vote révèle le scepticisme climatique d’une partie de l’hémicycle.»