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«Nourrir, pas empoisonner» : 400 chefs cuisiniers se mobilisent pour réclamer le retrait de la loi Duplomb

Ouvre-chef. Tribunes, prises de position publiques… le secteur de la restauration a décidé de se joindre à la mobilisation citoyenne contre la très critiquée loi Duplomb.
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Alors que la pétition réclamant l’abrogation de la loi Duplomb a dépassé les 1,9 million de signataires, le milieu de la restauration a décidé de se positionner à son tour. Publiée jeudi dans Le Monde, une tribune a été lancée pour fédérer les mécontent·es de cette profession. À l’initiative de l’entreprise Ecotable, qui accompagne les restaurateur·ices vers plus d’éco-responsabilité, le texte réunit déjà près de 400 signatures, des étoilés aux cantines, en passant par des bistrots et des collectifs de restaurateurs-paysans.

Intitulée «Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner», cette tribune dit l’inquiétude des restaurateur·ices face à la qualité des produits servis et demande le retrait de la loi Duplomb. «Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est que nous sommes estomaqués par l’aveuglement de nos politiques et par les liens, devenus trop évidents, de ces derniers avec l’agro-industrie», dénoncent les signataires. «Nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent les producteurs français au quotidien», nuance le texte, qui reconnaît des agriculteurs «tiraillés par la rentabilité de leur métier et les demandes citoyennes croissantes à sortir du productivisme».

Le chef Jacques Marcon s’est engagé contre la loi Duplomb. © Gault & Millau

Les prémices de cette mobilisation remontent au lendemain de l’adoption définitive de la loi Duplomb, censée «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur», et qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes – interdit en France, mais autorisé en Europe. Alors que cette profession rechigne souvent à exposer ses opinions politiques, un post sur Instagram, publié par le très discret chef trois étoiles Jacques Marcon, a été largement partagé par des restaurateur·ices sur les réseaux sociaux. On y voit une photo d’un pré d’herbes sauvages du Mont Mézenc (Haute-Loire), accompagnée d’un texte cinglant, adressé au sénateur altiligérien Laurent Duplomb, rapporteur du texte. «Avec cette loi, vous vous êtes érigé en porte-parole de l’industrie agroalimentaire qui privilégie une agriculture intensive et néfaste pour les générations futures», a écrit le chef, par ailleurs signataire de la tribune dans Le Monde.

«Un coup de massue»

D’autres professionnel·les ont depuis fait savoir leur opposition à ce texte. C’est le cas de Glenn Viel, 45 ans, chef trois étoiles et juré de l’émission de M6 «Top Chef». «Je ne comprends pas [cette loi]», affirme-t-il, dénonçant «les pesticides qui polluent notre terre» alors que «l’alimentation a une grande part [de responsabilité] dans les cancers». «On a la capacité de mettre des milliards dans la défense de notre pays. Et c’est normal», poursuit-il. «Est-ce qu’on ne pourrait pas trouver un milliard ou deux pour nos agriculteurs, pour les aider à faire cette transition ?»

«À un moment, il faut taper du poing sur la table», estime le chef Glenn Viel. © Capture d’écran Gault & Millau Youtube

Pour Marie-Victorine Manoa, jeune cheffe trentenaire, autrice et chroniqueuse dans l’émission «Très très bon !», diffusée sur la chaîne Paris Première, cette loi a été un «coup de massue». «Cuisiner des produits médicamentés et stériles n’excite personne», grince celle qui appelle à la «rébellion générale».

«À un moment, il faut taper du poing sur la table»

Un sursaut rare dans un milieu qui met en avant la qualité des produits et les circuits courts, mais qui est peu prompt à se mobiliser. Les chef·fes «sont des personnes qui ne prennent pas souvent la parole, mais l’alimentation est leur quotidien», explique Fanny Giansetto, fondatrice d’Ecotable. «Nous, les restaurateurs, on est plutôt des besogneux, on ferme notre gueule et on avance. Mais, à un moment, il faut taper du poing sur la table», estime de son côté Glenn Viel.

Versant dans l’autocritique, Jacques Marcon se dit «aussi responsable de cette loi rétrograde» et prêt à devenir «un vrai militant de la cause agricole et de la cause environnementale». Mais il enjoint aussi tout un milieu «à se remettre en question» et à aider les agriculteur·ices.

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