Nantes, Rennes, Lyon, Grenoble ou encore Strasbourg. Paris a emboîté le pas aux autres métropoles françaises et dédié une voie de son boulevard périphérique au covoiturage. Le projet porté par la maire (Parti socialiste) Anne Hidalgo, contesté par la droite, est censé permettre de dépolluer cette zone, la plus contaminée de la capitale.
Depuis 2020, de premiers tronçons réservés aux covoitureur·ses ont été mis en place à Grenoble (Isère), puis à Lyon (Rhône). Signalés par un panneau arborant un losange blanc sur fond bleu (ou lumineux sur fond noir), ces voies peuvent être empruntées uniquement par les véhicules qui transportent au minimum deux personnes, par les transports collectifs, les taxis, les véhicules à très faibles émissions (électriques ou bénéficiant d’une vignette Crit’Air 0) ainsi que les véhicules de secours.

À Paris, la mesure vise à «diminuer le nombre de voitures en circulation en optimisant leur taux de remplissage, afin de réduire le bruit et la pollution», explique David Belliard, adjoint écologiste chargé des mobilités, rappelant que 80% des usager·es du périphérique roulent seul·es. La présidente (Les Républicains) de la région Valérie Pécresse craint que la mesure ne génère des embouteillages, et l’association 40 millions d’automobilistes a lancé une pétition à l’encontre de la décision.
Ce devrait pourtant être le contraire, selon le centre d’expertise public sur la transition écologique et l’aménagement (Cerema). Dans un état des lieux publié en 2021, il note que «de manière contre-intuitive, cette solution peut être étudiée sur les axes saturés», elle permet de fluidifier le trafic. Selon l’organisme, ces voies sont utiles sur le court-terme pour réduire le temps de parcours et sur le long-terme pour inciter les usager·es à changer de mode de déplacement en recourant aux mobilités partagées.
Il souligne toutefois que ces dispositifs doivent être accompagnés d’une politique globale de mobilités, qui intègre des plateformes de mise en relation de covoitureur·ses, des incitations financières ou des aires de covoiturage.
Une rémunération entre 1,50 et 4 euros le trajet
Un impératif qu’a bien compris la métropole de Strasbourg (Bas-Rhin). Celle-ci a fait le choix de développer les aires d’arrêt pour prendre des passager·es et a lancé l’application Aut’hop, pour trouver des trajets disponibles plus facilement. Si elle n’a pas encore assez de recul pour mesurer l’efficacité de la voie réservée, elle se dit satisfaite des chiffres de la première année de lancement de l’appli : 20 000 déplacements en covoiturage sont comptabilisés, dont 30% d’usager·es qui empruntent le tronçon dédié.
Cet outil s’accompagne d’une incitation financière à covoiturer : les passager·es ne payent pas et les conducteur·ices sont rémunéré·es entre 1,50 et 4 euros par trajet – dans la limite de 150 euros par mois. «Le covoiturage fonctionne quand il y a une solution pour mettre en lien les gens et une incitation financière pour les passagers et conducteurs», indique à Vert la métropole alsacienne.

Selon le Cerema, une autre condition pour que la voie de covoiturage soit utile est la présence de contrôles. À Lyon, la voie de covoiturage est plus respectée depuis l’installation de radars thermiques en juillet dernier : la part de contrevenant·es est passée de 70 à 30%. Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la métropole rhodanienne en charge des déplacements et intermodalités, se dit plutôt satisfait auprès de France 3 : «Les voies de covoiturage visaient à permettre aux gens d’avoir des avantages en termes de temps de parcours, et ça fonctionne. Quand la [route] est saturée en entrée de Lyon, la voie de covoiturage est plus fluide que les deux autres voies.»
À Lyon, Grenoble ou encore Nantes (Loire-Atlantique), aucune donnée ne prouve l’efficacité de la mesure pour réduire la pollution. La métropole nantaise a mis en service deux voies dédiées depuis juin 2023 et a noté une fluidification du trafic. Boulevard de la Prairie de Mauves, «12% des véhicules l’empruntent, ce qui leur permet un gain de temps allant jusqu’à six minutes en heures de pointe», rapporte-t-elle à Vert. De quoi convaincre les Francilien·nes ?
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