Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient de rappeler les contours de la lucarne climatique qu’il nous faut viser pour taper dans le mille des objectifs de l’Accord de Paris (contenir le réchauffement à 1,5 °C par rapport à la moyenne de l’ère préindustrielle), les visions et solutions proposées par les aspirant·es à l’Élysée pour y parvenir sont bien loin d’être unanimes.
Il ne nous appartient pas de dire à nos lectrices et lecteurs pour qui voter. Vous pouvez toutefois retrouver notre analyse écologique des projets d’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Yannick Jadot, Jean‑Luc Mélenchon, Anne Hidalgo ou Fabien Roussel (toute la liste ici). Vous pourrez également comparer leurs propositions à celles que nous avons portées dans notre contre-programme présidentiel, fait de mesures bonnes pour le climat, le vivant et la justice sociale, que nous voudrions voir figurer sur tous les tracts de campagne.
De leur côté, les nombreuses ONG spécialistes du climat, d’environnement, de santé, de consommation ou du débat démocratique ont fourni de riches analyses pour aider les électeur·rices à affiner leurs choix. Voilà une synthèse de leurs observations, résumées en fin d’article dans un tableau comparatif que nous avons fabriqué pour vous.
Sur le climat
Fin mars, le Réseau action climat (RAC), qui fédère une trentaine d’associations – dont Alternatiba, France nature environnement ou Greenpeace –, a évalué les mesures portées par les candidat·es. Comme Vert l’avait raconté, l’écologiste Yannick Jadot et l’insoumis Jean‑Luc Mélenchon y font largement la course en tête.
Les organisations de l’Affaire du Siècle – Oxfam, Notre Affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’Homme et Greenpeace –, à l’origine de la condamnation de l’État pour son inaction climatique, ont également mené l’enquête : dans le prolongement de leurs recours en justice, elles ont interrogé les prétendante·s à l’Élysée pour leur demander comment elles et ils prévoyaient de faire rentrer la France dans les clous de ses propres objectifs climatiques (réduire de 40 % les émissions de CO2 d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990). Là aussi, « seuls Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon formulent des propositions politiques à la hauteur du péril climatique et respecteraient donc tout simplement la loi », explique l’Affaire du siècle, qui déplore que la majorité des réponses fournies soient « décevantes et ne permettraient pas de sortir la France de l’illégalité climatique […] Peu de candidat·es échappent à la procrastination climatique ».
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Des observations comparables à celles de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) qui a interrogé les équipes des sept principaux candidats sur leur budget pour le climat. Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean‑Luc Mélenchon sont les seul·es à envisager une intervention forte de l’État. Chose intéressante : les cinq programmes contenant des propositions pour le climat affichent des consensus – sur la programmation budgétaire pluriannuelle, le rôle des collectivités locales, l’adaptation aux impacts inéluctables du changement climatique ou encore la fin des subventions aux énergies fossiles [I4CE a jugé les candidat·es selon leur précision et leur stratégie – elles et ils n’ont pas été noté par l’organisation et les indications du tableau réalisé par Vert en fin d’article reposent sur notre entière appréciation, NDLR].
Sur le vivant et la santé
La fédération France nature environnement (qui regroupe 5 837 associations écologistes) a établi un « hériscore » (à l’effigie de son logo, un hérisson). Six candidat·es ont été interrogé·es sur leur vision à l’horizon 2050 en matière de climat, mais aussi de biodiversité et de santé. L’ensemble de leurs réponses est détaillé point par point, avec des éléments qualitatifs sur la protection des milieux et des espèces, l’usage de substances chimiques ou encore sur la qualité de l’eau. Là encore : Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon sont en tête, suivis d’Anne Hidalgo.
Active sur le front de la pollution chimique et de ses impacts sanitaires, l’association Générations futures a scruté les programmes et mesures relatives à la santé environnementale et à l’agriculture (pesticides, agro-industrie, OGM, etc.). Leurs analyses critiques sont largement étayées, avec des avis positifs ou négatifs. L’ensemble des candidat·es en prend pour son grade – même les plus engagé·es – en raison, notamment, d’un manque de clarté dans les définitions ou le budget.
Sur les défis sanitaires et les inégalités mondiales en la matière, l’association Action santé mondiale (Global Health Advocates – GHA) qui lutte pour un accès à la santé pour tous auprès des institutions françaises et européennes, place encore en tête les candidats écologiste et insoumis.
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L’association Respire, qui œuvre pour améliorer la qualité de l’air et défendre les victimes de la pollution, estime que Yannick Jadot est le plus crédible et « le seul à aborder la totalité des engagements proposés en faisant la réponse la plus complète et la plus détaillée ». Viennent après lui Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Fabien Roussel et Jean‑Luc Mélenchon, avec une volonté assumée de réduire la place de la voiture individuelle et de promouvoir les transports en commun et les mobilités douces.
Sur les animaux
L’observatoire Politique & Animaux, initié par l’association L214, a pour objectif de rendre compte de l’action des politiques pour faire reculer la souffrance animale et diminuer le nombre d’animaux exploités et tués. Les aspirant·es à l’Élysée ont été jugé·es sur la base de six engagements, parmi lesquels : la sortie de l’élevage intensif, la fin de la pêche industrielle, la démocratisation de l’alimentation végétale, ou encore la création d’un ministère de la condition animale. Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon arrivent en tête en ex æquo (avec 4,6/5), suivis de loin par les autres.
Sous l’impulsion de l’association Convergence animaux politique, 29 ONG de protection animale (dont la SPA, Welfarm, l’Association protection des animaux sauvages ou Compassion in world farming) se sont rassemblées dans le collectif Engagement animaux 2022 pour inciter les candidat·es à s’engager sur 22 mesures qu’elles estiment prioritaires. Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon y sont encore en tête, suivis par Anne Hidalgo. Marine Le Pen ne valide que 52 % des propositions ; Éric Zemmour, 2 %.
Sur la consommation
L’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) lutte contre la mise au rebut prématurée et pour la durabilité des objets. Selon elle, les programmes de Jean‑Luc Mélenchon, Yannick Jadot, et Philippe Poutou proposent les meilleures mesures pour allonger la durée de vie des produits ; plusieurs candidat·es, dont Emmanuel Macron, ne proposent aucune mesure sur ce sujet.
Alors que l’idée d’interdire la publicité pour les produits les plus polluants faisait partie des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat, l’association Résistance à l’agression publicitaire insiste sur l’ampleur des conséquences sociales et environnementales de la publicité, vecteur d’un modèle de société destructeur pour la planète. « Les programmes de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot sont les plus élaborés à ce sujet et prônent une loi Évin [loi qui a interdit la réclame pour le tabac et l’alcool en 1991, NDLR] Climat ainsi que l’interdiction des écrans numériques », estime-t-elle, jugeant sévèrement le bilan d’Emmanuel Macron.
Sur la vision systémique
Les Shifters, bénévoles proches du think tank d’ingénieurs The Shift project, ont insisté pour leur part sur le manque de vision complète des candidat·es sur la transformation de nos sociétés requise par la crise climatique. « À quelques exceptions près, on reste largement dans l’incantation, la pensée magique », a jugé auprès du Monde le directeur du Shift project, Matthieu Auzanneau, lors de la publication de l’évaluation des propositions présidentielles, le 28 mars. Pour les Shifters, Yannick Jadot, Jean‑Luc Mélenchon et Valérie Pécresse ont les projets les plus cohérents.
Reste à voir comment le monde de l’entreprise perçoit les engagements : le Mouvement impact France (qui regroupe des entrepreneur·es engagé·es dans la transition écologique) compare les annonces des candidat·es à son manifeste pour une économie de demain. Les Économistes atterrés (collectif qui défend une vision alternative de l’économie) a également publié de riches analyses sur son site.
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Indissociable de la mise en œuvre de leur politique, le rapport des candidats au débat public et à la démocratie doit être pris en compte. Pour cela, la coalition du Pacte démocratique lancée en février 2022 par 300 organisations, politiques, journalistes, et soutiens de la société civile a formulé 20 propositions, dont six mesures d’urgence : stopper les lobbies, assurer l’indépendance des médias, lutter contre l’abstention ou former de jeunes citoyens engagés. Leur classement est le suivant :
Le match
Nous vous avons préparé un tableau récapitulatif pour vous permettre de vous y retrouver. Les notes, qui vont de 1 (dangereux) à 5 (très bien), sont une traduction – forcément un peu arbitraire – des barèmes proposés par les associations.
Maintenant vous savez qui fait de l’écologie un simple élément de marketing et qui prend le climat et le vivant au sérieux. À vous de voter.
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