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Le gouvernement ignore les injonctions du Conseil d’État à « mieux protéger la population » des pesticides

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Con­seil des quoi ? La plus haute juri­dic­tion admin­is­tra­tive avait don­né six mois au gou­verne­ment pour mus­cler les règles en matière d’épandage des pes­ti­cides. L’indi­gence des mod­i­fi­ca­tions offi­cial­isées ce mer­cre­di provoque la colère des asso­ci­a­tions.

Il y a six mois, le 26 juil­let dernier, le Con­seil d’État ordon­nait au gou­verne­ment de revoir sa copie con­cer­nant la régle­men­ta­tion rel­a­tive aux épandages de pes­ti­cides « pour mieux pro­téger la pop­u­la­tion ». Pre­mier point, les juges ont enjoint l’État à aug­menter les dis­tances min­i­males entre habi­ta­tions et zones d’é­pandage de pes­ti­cides pour les pro­duits can­cérigènes, mutagènes ou tox­iques pour la repro­duc­tion (CMR). Le Con­seil d’État soulig­nait que l’A­gence de sécu­rité san­i­taire (Ans­es) recom­mande une dis­tance d’au moins dix mètres, que la tox­i­c­ité des pro­duits soit « avérée », « pré­sumée » ou seule­ment « sus­pec­tée ». Alors que l’Etat se con­tente d’exiger une dis­tance de trois à cinq mètres pour les cul­tures bass­es (légumes, céréales) et cinq à dix mètres pour les cul­tures hautes (arbres, vignes) si la tox­i­c­ité des pro­duits n’est que « sus­pec­tée ».

Man­i­fes­ta­tion de sou­tien à Daniel Cueff, maire de Lan­gouët, opposé à la pré­fec­ture d’Ille-et-Vilaine pour avoir inter­dit la pul­véri­sa­tion de pes­ti­cides à moins de 150 mètres des habi­ta­tions dans sa com­mune, en octo­bre 2019. © Damien Mey­er / AFP

Engagé depuis 2019 dans ce bras de fer avec l’exécutif, le col­lec­tif des « maires antipes­ti­cides » demande au moins 150 mètres (Vert). Le juge récla­mait égale­ment que des mesures de pro­tec­tion soient pris­es pour les per­son­nes tra­vail­lant à prox­im­ité et qu’une infor­ma­tion des riverain·es soit organ­isée en amont de l’utilisation de ces pro­duits.

Une fois n’est pas cou­tume, les ordres du Con­seil d’État ressem­blent à un grand coup d’épée dans l’eau puisque le gou­verne­ment a choisi de les ignor­er dans le décret et l’ar­rêté pub­liés hier. Pour com­mencer, les « zones de non-traite­ment » (ZNT) ne sont pas réé­val­uées. Dans un récent com­mu­niqué, le min­istère de la tran­si­tion écologique avait argué que l’Ans­es définit déjà des dis­tances de sécu­rité lorsqu’un pro­duit est mis sur le marché. Celle-ci est d’ailleurs invitée à met­tre à jour ses autori­sa­tions d’i­ci octo­bre 2022. 

Le gou­verne­ment esquive le sujet de la pro­tec­tion des travailleur·ses en intro­duisant une for­mu­la­tion à la fois trop restric­tive et trop floue pour être juridique­ment applic­a­ble. Par exem­ple, des dis­tances de sécu­rité devraient être intro­duites dans les « lieux accueil­lant des tra­vailleurs présents de façon régulière à prox­im­ité de ces traite­ments ». Mais l’on ignore, par exem­ple, si et com­ment cela pour­rait s’appliquer aux saison­niers (donc non réguliers) qui s’ac­tivent dans les exploita­tions. Quant à l’in­for­ma­tion des riverain·es, elle est ren­voyée à des chartes d’engagement, cen­sées installer un dia­logue entre agriculteur·rices et habitant·es à l’échelon départe­men­tal. Prob­lème : le Con­seil con­sti­tu­tion­nel les a invalidées en mars 2021 et elles n’ont donc plus de cadre légal.

La réac­tion des asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales ne s’est pas faite atten­dre. L’ONG Agir pour l’en­vi­ron­nement a déjà annon­cé saisir le Con­seil d’É­tat en urgence pour faire annuler les deux textes « entachés d’une illé­gal­ité évi­dente ».