Analyse

Sur l’écologie, le communiste Fabien Roussel fait campagne à droite

Sur la viande, la voiture ou le nucléaire, le candidat communiste multiplie les signaux de droite dès qu'il s'agit d'écologie. Un positionnement original qui lui ouvre un espace politique ténu malgré le buzz sur les réseaux sociaux.
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Coco vs bobo. « De quel droit ceux qui ont tout continuent à faire la leçon à ceux qui n’ont rien, franchement ? ». En meeting à Marseille, ce week-end, le candidat du parti communiste (PCF) à la présidentielle, Fabien Roussel, s’en est à nouveau pris aux « donneurs de leçons », pour qui « on n’aurait plus le droit de manger de la viande ». Sans les nommer, les Verts et la gauche écologiste dans le viseur. Il y a quelques semaines, c’est un tweet qui avait embrasé les réseaux sociaux : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française ».

Depuis des mois, dès qu’il s’agit d’écologie, le communiste n’a de cesse de jouer avec les mots de la droite pour se démarquer de la concurrence à gauche. Ainsi les Verts mènent-ils une « écologie punitive », qui « assigne les Français à résidence », cette « gauche caviar et quinoa », qui « nous fait la leçon tous les jours », voudrait interdire « le Tour de France, les sapins verts, la viande et les centrales nucléaires ».

Un candidat de gauche qui s’en prend à sa famille politique avec autant de virulence et de caricature ; voilà qui aura permis à Fabien Roussel de susciter l’intérêt sur les réseaux sociaux et à la télévision, de Quotidien aux Grandes gueules de RMC.

Jouer à l’auto

Parmi les thèmes chers à la droite autant qu’au communiste, il y a la voiture. « Je suis d’une gauche populaire qui préfère donner les moyens aux Français d’avoir un véhicule propre plutôt que de les assigner à résidence », a-t-il récemment déclaré. Dans son programme, Fabien Roussel propose notamment la gratuité du permis pour les moins de 25 ans, ou une prime à la conversion vers des véhicules classés crit’air 1 ou 2 (voitures électriques, hybrides ou diesel récent) allant jusqu’à 10 000€. Une manière de couper l’herbe sous le pied des écolos avec leurs « zones à faibles émissions » (ZFE) ; ces aires urbaines mises en place dans plusieurs municipalités, notamment écologistes, pour restreindre la circulation des voitures les plus polluantes

Un symbole de l’« écologie punitive » et de l’abandon putatif des classes populaires par la gauche, partagé par le camp de Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentielle. Mais sur ce point, la comparaison s’arrête là : le communiste veut rendre les transports en commun gratuits et rouvrir des petites lignes de train.

L’atome crochu

Autre point de clivage : le nucléaire. Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon veulent en sortir ; Fabien Roussel veut un mix électrique qui allie énergies renouvelables et atomique. A l’instar d’Emmanuel Macron, il projette la construction de six réacteurs EPR dans son programme. Indispensable, à l’en croire, avec l’électrification des voitures et la réindustrialisation qu’il appelle de ses vœux. Comme Valérie Pécresse, il mise sur le retour des usines dans l’hexagone pour faire baisser les émissions nationales de gaz à effet de serre.

Un retour aux grandes heures du communisme industriel ? « Il y a une longue tradition productiviste au parti communiste, avec laquelle Marie-George Buffet, puis Pierre Laurent [successivement secrétaires nationaux du PCF entre 2001 et 2016, Ndlr] avaient pris un début de distance, analyse le politiste Simon Persico. Là, il y a vraiment une volonté de repartir dans le sens inverse sur toute une série d’enjeux liés à nos modes de production et de consommation », explique à Vert ce spécialiste de l’écologie politique, qui se dit « surpris » de ce revirement. Ces dernières années, le syndicat de la CGT a entamé sa mue verte, s’alliant notamment avec l’ONG Greenpeace et Attac.

Sur la viande, enfin, si Fabien Roussel brandit le steak en étendard, c’est pour se distinguer d’une écologie de privation, et lui permettre de se placer du côté des paysan·nes. Un électorat visé par le communiste, qui prévoit notamment de leur « garantir des prix de base » encadrés par une loi de programmation agricole, et de réformer en profondeur la Politique agricole commune. Viande, voiture, nucléaire ; autant de marqueurs de droite qui placent Fabien Roussel sur une ligne ténue. « Du côté des électeurs de gauche, on est plutôt largement écologistes […] mais une petite minorité ne partage pas ces valeurs », note Simon Persico. En se montrant conservateur sur l’écologie, Fabien Roussel veut occuper un espace politique que le chercheur estime « très limité ». Une méthode du « gros rouge qui tache » qui, à défaut de le porter à l’Elysée, ne manquera pas de le fâcher avec sa famille politique.


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