Anne Hidalgo n’a pas besoin de faire ses preuves en matière d’écologie », martèle Serge Orru, ancien conseiller auprès de la maire de Paris, aujourd’hui président du conseil d’orientation de l’Académie du climat – un lieu d’information sur les défis climatiques, à Paris. « Elle a subi assez de railleries et de sarcasmes dans la capitale pour savoir comment ces sujets peuvent être mis en pratique avec courage », ajoute-t-il.

Si ses actions en matière de mobilité douce et de rénovation thermique des logements ont été saluées, la maire de Paris a en revanche été critiquée pour la bétonisation et le manque de végétalisation de la capitale. Dans son programme, soutenu par le climatologue Jean Jouzel, l’écologie est présentée comme le « combat du siècle », à mener aussi bien sur le front de l’emploi, de la justice sociale et des réformes institutionnelles. « Je ne veux pas juste de l’écologie, mais une écologie juste », a résumé la candidate lors de la présentation de son programme, le 13 janvier dernier.
Vers une social-écologie ?
Parmi les mesures affichées, la mise en place d’un impôt sur la fortune (ISF) climatique (notre article sur ce sujet) qui permettrait de récolter quatre milliards d’euros par an ; la baisse de la TVA pour les particuliers sur leur facture de gaz naturel et d’électricité (et « transitoirement » pour les carburants en cas de flambée des prix), sur les produits « verts » (réemploi, recyclage, agriculture bio, etc.) et sur les déplacements en train.
Pour revaloriser le travail, le Smic serait augmenté de 200 euros nets par mois et la baisse du temps de travail encouragée – sans agir pour autant sur sa durée légale. Un fonds de trois milliards d’euros serait dédié à la réindustrialisation et à l’emploi local.
Côté transports, la candidate socialiste veut un investissement massif dans les petites lignes et les trains de nuit, et souhaite doubler le fret ferroviaire d’ici à 2030 tout en facilitant l’accès aux véhicules électriques. Cependant, elle ne prend pas position sur la décrue du secteur aérien, ou la fin de la vente de véhicules neufs à essence ou à moteur Diesel.
Futur numéro deux de son éventuel gouvernement : un·e ministre du climat, de la biodiversité et de l’économie. Ses chantiers iraient de la baisse de moitié des émissions de CO2 du secteur industriel d’ici à 2035 à l’usage du nucléaire comme « énergie de transition » – c’est-à-dire à sa diminution progressive – jusqu’en 2050. En parallèle, un « pacte énergétique » serait initié pour atteindre « aussi rapidement que possible 100 % d’énergies renouvelables ».

Sur le front de l’agriculture, Anne Hidalgo a pour « priorité absolue » de faciliter l’installation de jeunes agriculteur·rices. Elle veut faire voter une loi pour protéger le foncier agricole et mettre en place un plan décennal de renouvellement des générations. La sortie des engrais de synthèse et des pesticides les plus toxiques est envisagée, « rapidement » pour le glyphosate, et dans les 100 jours qui suivraient sa prise de fonctions pour les néonicotinoïdes – ces pesticides « tueurs d’abeilles » interdits en 2018 et réintroduits par l’actuel gouvernement en 2021 (Vert). Elle prévoit aussi de lancer les « assises du bien-être animal » avec l’ensemble des filières d’élevage.
La candidate propose aussi certaines mesures pour protéger les forêts françaises et veut reconnaître dans la loi le « crime d’écocide », accompagné de la création d’un Tribunal pénal international de l’environnement au sein de l’ONU.
Un problème de logiciel
Pour Jean-Marc Germain, conseiller régional d’Île-de-France, proche de la candidate, « Anne Hidalgo porte un projet d’écologie concrète : sa présidence du Cities climate leadership group [qui réunit 96 mégalopoles engagées à réduire de moitié leurs émissions d’ici à dix ans, NDLR] entre 2016 et 2019, lui vaut une bonne réputation à l’international ».
Dans les sondages, pourtant, Anne Hidalgo végète entre 2 et 3 % d’intentions de vote. Ancien membre du PS, aujourd’hui président du think tank La fabrique écologique, Géraud Guibert estime que les électeur·rices ne sont plus dupes : « le quinquennat Hollande a été une catastrophe sur le front de l’écologie : sa gestion au jour le jour, sans perspective de long terme ni compréhension des enjeux, fut une démonstration flagrante de l’absence de prise en charge prioritaire de l’écologie au PS ».
« Le souci n’est pas tant lié à ce qui est dans le programme qu’à ce qui n’y est pas : les mesures sont vagues et imprécises dans le temps alors qu’il y a urgence », confie une ancienne élue, déçue du PS et de ses ambivalences. Pour Géraud Guibert, c’est une question de logiciel : « cette vieille gauche voit ces enjeux comme un motif d’investissement et un relais de croissance. Mais la social-démocratie n’est plus un horizon historique : elle n’a pas changé son rapport au productivisme ni réfléchi aux modalités de création de richesse ».
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