Décryptage

Les principales mesures écologiques du programme de Yannick Jadot

L'eurodéputé vient de présenter les grandes lignes de son programme présidentiel. Sortie du nucléaire, droits pour les animaux, réduction du temps de travail... Voici un panorama des propositions du candidat des Verts en matière d'écologie.
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C’est à Lyon, cap­i­tale des Gaules et des métrop­o­les con­quis­es par les écol­o­gistes lors de la « vague verte » des munic­i­pales de 2020, que Yan­nick Jadot a présen­té les grandes lignes de son « pro­gramme des pos­si­bles », ce same­di après-midi. Voici les prin­ci­pales mesures écologiques annon­cées par le can­di­dat d’Eu­rope écolo­gie — les Verts à l’élec­tion prési­den­tielle.

Climat : objectif ‑55%

« Je serai le prési­dent du cli­mat ! » Entouré de ses ex-rivaux à la pri­maire écol­o­giste et des maires des plus grandes villes (Stras­bourg, Poitiers ou Bor­deaux) raflées il y a bien­tôt deux ans, le Vert a inscrit la lutte con­tre le boule­verse­ment cli­ma­tique au fron­tispice de son pro­jet prési­den­tiel.

Yan­nick Jadot a fait sien le nou­v­el objec­tif de l’U­nion européenne, qui vise à réduire de 55% les émis­sions de gaz à effet de serre d’i­ci la fin de la décen­nie. Celui-ci doit per­me­t­tre de con­tenir le réchauf­fe­ment à moins de 1,5°C d’i­ci la fin du siè­cle. La stratégie nationale bas-car­bone, feuille de route cli­ma­tique de la France, ne prévoit, pour l’heure, qu’une baisse de 40% d’i­ci 2030 par rap­port au niveau de 1990.

Une fiscalité verte au service du climat

Pour amorcer ce change­ment, le can­di­dat Vert veut appli­quer une « règle d’or cli­ma­tique » aux dépens­es publiques, alors que l’E­tat alloue « au moins 18 mil­liards d’eu­ros d’ar­gent pub­lic dans des dépens­es néfastes pour le cli­mat ». Un bonus-malus fis­cal écologique sera « notre règle pour tous les impôts ». Sup­primé par Emmanuel Macron dès son entrée en fonc­tion, l’Im­pôt de sol­i­dar­ité sur la for­tune (ISF) sera rétabli ; son taux sera cal­culé « en fonc­tion de l’en­gage­ment des pat­ri­moines dans la tran­si­tion écologique ». Il en ira de même pour l’im­pôt sur les sociétés : « les entre­pris­es les plus vertueuses paieront moins, les plus pol­lu­antes paieront plus », a expliqué Yan­nick Jadot. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sera mod­ulée ; elle sera, par exem­ple, sup­primée sur les pro­duits biologiques.

C’est l’une des mesures-phare portée depuis des mois par l’é­col­o­giste : un « ISF cli­ma­tique » sera appliqué aux pat­ri­moines de plus de dix mil­lion d’eu­ros, avec un malus sur les act­ifs financiers les plus nocifs pour le cli­mat. Elaborée par Green­peace France, dont Yan­nick Jadot fut longtemps l’un des cadres, cette propo­si­tion vise à faire cess­er le finance­ment — notam­ment par la déten­tion d’ac­tions ou de pro­duits d’é­pargne — de sociétés nuis­i­bles pour le cli­mat.

Logement : reboucher les passoires énergétiques

Au moins 3,5 mil­lions de ménages ont con­nu des dif­fi­cultés à pay­er leur fac­ture d’élec­tric­ité ou de gaz, d’après l’Ob­ser­va­toire nation­al de la pré­car­ité énergé­tique. Et ceux-ci sont les pre­mières vic­times de la hausse des prix de l’én­ergie. « Pour leur pou­voir d’achat, leur san­té, leur con­fort et le cli­mat », Yan­nick Jadot pro­pose d’inve­stir dix mil­liards d’eu­ros par an dans la réno­va­tion ther­mique des loge­ments. Il espère ain­si con­tribuer à rénover les « cinq à sept mil­lions de pas­soires ther­miques » du pays. Tout reste à charge, qui s’élève en moyenne à 38,6 % du mon­tant des travaux (France Stratégie), serait sup­primé « pour les ménages les plus mod­estes ».

Ce vaste chantier devrait per­me­t­tre de réduire de 17% nos émis­sions de gaz à effet de serre, selon le can­di­dat, et « créer 100 000 emplois qual­i­fiés et non délo­cal­is­ables ».

Transports : sortie de (la) route

Les trans­ports génèrent un tiers des émis­sions nationales et aggravent la pol­lu­tion atmo­sphérique, respon­s­able de quelque 100 000 vic­times par an. Pour alléger ce lourd bilan, et alors que « dans beau­coup de ter­ri­toires, on ne peut pas se pass­er de la voiture », Yan­nick Jadot mise sur les trans­ports en com­mun. Au pro­gramme : un plan d’in­vestisse­ment de cinq mil­liards d’eu­ros et l’abaisse­ment de la TVA à 5,5% sur les titres de trans­ports. Il veut égale­ment inve­stir qua­tre mil­liards d’eu­ros par an dans le fer­rovi­aire afin, notam­ment, de relancer 15 lignes de train de nuit.

L’é­col­o­giste a pour objec­tif de faire pass­er la part du train dans le fret de 10 à 20% d’i­ci la fin du prochain quin­quen­nat, alors que celle-ci a bais­sé au cours de la dernière décen­nie.

Yan­nick Jadot prévoit de ren­dre oblig­a­toire le for­fait mobil­ités durables, qui per­met aux salariés de se voir sub­ven­tion­ner, par leur entre­prise, leurs tra­jets domi­cile-tra­vail à vélo, en cov­oiturage ou en trans­ports en com­mun. Aujour­d’hui pla­fon­né à 500€ par an et par salarié, celui-ci serait porté à 1 000€. Le « fonds vélo » sera aug­men­té de 500 mil­lions d’eu­ros par an. Chaque jeune qui en fera la demande se ver­ra prêter un vélo « réparé » ou fab­riqué en France.

La vente de véhicules ther­miques serait inter­dite dès 2030, soit dix ans plus tôt que ce que prévoit la loi d’orientation des mobil­ités, votée en 2019. Le can­di­dat promet égale­ment un plan de relo­cal­i­sa­tion de la pro­duc­tion de véhicules élec­triques, des bornes de recharge « partout sur le ter­ri­toire » et la con­ver­sion à l’élec­trique d’un mil­lion de véhicules à essence ou diesel – ce qu’on appelle le « retro­fit »

Energie : la transition sans le nucléaire

« Vous me voyez venir », s’est amusé l’eu­rodéputé et ancien activiste, opposé de longue date aux éner­gies fos­siles, comme au nucléaire. « La seule cer­ti­tude que nous avons c’est que nous avons un parc nucléaire vieil­lis­sant, de plus en plus dan­gereux, et inter­mit­tent […] Doit-on inve­stir dans de nou­veaux réac­teurs nucléaires ou dans les renou­ve­lables ? Tous les scé­nar­ios le dis­ent, les deux sont pos­si­bles » ; Le ges­tion­naire du réseau élec­trique RTE, l’A­gence de la tran­si­tion écologique (Ademe) et l’as­so­ci­a­tion écol­o­giste négaWatt ont récem­ment présen­té de nom­breux scé­nar­ios de tran­si­tion énergé­tique vers la neu­tral­ité car­bone en 2050 ; plusieurs d’en­tre eux ont établi, avec plus ou moins d’op­ti­misme, la fais­abil­ité d’un mix énergé­tique 100% renou­ve­lables.

Aus­si, pour Yan­nick Jadot, le délaisse­ment du nucléaire au prof­it du tout-renou­ve­lable n’est pas une néces­sité mais « un choix poli­tique ». Quant à la manière de faire : « Nous fer­merons d’abord les réac­teurs les plus vieux et les plus dan­gereux. Ce sera pro­gres­sif et maîtrisé, a‑t-il expliqué. Ça pren­dra 15, 20, ou 25 ans. Per­son­ne ne dit « on arrive, on éteint la lumière et bas­ta ! » ».

Biodiversité : des droits pour le vivant

C’est une propo­si­tion notable de la Con­ven­tion citoyenne pour le cli­mat : Yan­nick Jadot veut créer un véri­ta­ble « crime d’é­co­cide », afin d’in­stau­r­er des « sanc­tions pénales pour tout dom­mage grave, durable, ou éten­du à l’environnement met­tant en dan­ger l’équili­bre des milieux naturels », a‑t-il indiqué. Le but : « met­tre fin à l’im­punité totale des multi­na­tionales ».

Il prévoit égale­ment de « sanc­tu­aris­er les fonds sous-marins » pour les pro­téger de l’ex­ploita­tion ; porter les aires pro­tégées à 40% du ter­ri­toire français ; de « recon­naître les droits des ani­maux », installer un défenseur des droits de la nature (sur le mod­èle du Défenseur des droits), créer un min­istère dédié à la con­di­tion ani­male ; instau­r­er la règle « zéro arti­fi­cial­i­sa­tion nette » au plus tard en 2027 – c’est-à-dire ren­dre à la nature au moins autant de sols que ceux que l’on aura béton­né.

Agriculture : c’est du bio

Yan­nick Jadot se donne dix ans pour sor­tir la France de l’él­e­vage indus­triel. L’él­e­vage en cages sera rapi­de­ment pro­scrit. Il veut égale­ment inter­dire, dès son arrivée au pou­voir, les pro­duits les plus tox­iques, dont les fongi­cides SDHI ou le glyphosate. Puis, faire baiss­er de 50% l’usage des autres pes­ti­cides de syn­thèse. L’agriculture biologique, délais­sée par Emmanuel Macron (son bilan ici), sera « mas­sive­ment soutenue » et « doit devenir notre mod­èle de référence », a prévenu Yan­nick Jadot. Un « grand pacte » sera passé avec les agriculteur·rices pour « sauver l’a­gri­cul­ture, l’al­i­men­ta­tion et la san­té ».

Justice sociale

Yan­nick Jadot prévoit de mul­ti­pli­er par qua­tre le chèque énergie touché par les 5,8 mil­lions de ménages les plus pré­caires afin de le faire pass­er à 400€. Un revenu citoyen de 920€ par mois, automa­tique et acces­si­ble dès 18 ans, devra per­me­t­tre d’« éradi­quer la grande pau­vreté ».

De la démocratie en entreprise

Yan­nick Jadot veut favoris­er la réduc­tion du temps de tra­vail par « une grande négo­ci­a­tion ». 32 heures heb­do­madaires ou semaine de qua­tre jours ; ce sera « aux citoyens et aux parte­naires soci­aux d’en décider ». Une récente étude bri­tan­nique avait déter­miné que la général­i­sa­tion de la semaine de qua­tre jours per­me­t­trait de réduire de 21,3% l’empreinte car­bone du Roy­aume-Uni.

Le can­di­dat veut aus­si démoc­ra­tis­er la vie des entre­pris­es sur le mod­èle de l’Alle­magne, avec 50% de représen­tants des salarié·es dans les con­seils d’ad­min­is­tra­tion. De quoi, qui sait ? leur per­me­t­tre d’en­gager leur entre­prise dans la tran­si­tion écologique.

Note : le pro­gramme de Yan­nick Jadot con­tient de nom­breuses autres mesures de tous ordres. Nous nous sommes astreint·es à ne cou­vrir que celles qui touchent à l’é­colo­gie au sens large.