Make our planet great again, again ? Ce jeudi, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Emmanuel Macron a présenté son nouveau projet présidentiel. Bien plus à droite qu’il y a cinq ans, celui-ci repose sur « trois éléments de philosophie » : « souveraineté populaire, progrès et humanisme ». L’écologie attendra.
Pendant cette longue conférence de presse, le président, en lice pour un second mandat, a annoncé vouloir « poursuivre ce qui a été commencé » – comme la réforme du marché du travail et de l’assurance chômage – tout en lançant de nouvelles mesures clairement empruntées à la droite, telles que le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans, le durcissement des conditions du droit d’asile ou la réforme des droits de succession. S’il n’a jamais mentionné clairement les sujets liés à l’écologie, son discours s’est attardé sur certains secteurs majeurs, comme les mobilités, l’énergie ou l’alimentation.
Agriculture
Sur le front de l’agriculture, Emmanuel Macron veut poursuivre la stratégie initiée pendant ce quinquennat avec les deux lois Agriculture et alimentation (lois EGalim). Celles-ci visent notamment à revaloriser le revenu des agriculteurs et à tendre vers plus d’indépendance alimentaire. Il souhaite renforcer la formation des exploitant·es et accompagner le renouvellement des générations tout en investissant massivement dans l’innovation (robotique, numérique, sélection variétale). Pas un mot sur l’usage des pesticides, l’agriculture biologique ou le contrôle des émissions du secteur, qui pourtant font partie des chantiers prioritaires pour l’avenir de l’agriculture française.
En revanche, le président-candidat a annoncé vouloir accroître les exportations européennes : cela signifie qu’il entend démanteler la stratégie agricole européenne « De la ferme à la fourchette ». Cette déclinaison du pacte vert pour l’Europe a pourtant été adoptée par le Parlement européen le 19 octobre 2021. Elle vise à réduire de 50 % le recours aux pesticides d’ici à 2030 et à atteindre, à cette date, un quart de surfaces cultivées en bio (contre 8,5 % aujourd’hui). Pour Macron, cette stratégie « reposait sur un monde d’avant-guerre en Ukraine, mais en aucun cas l’Europe ne peut se permettre de produire moins ».
Énergie
« Nous pouvons être la première grande nation à sortir de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon », a juré le candidat. Sa volonté de planification et d’électrification de nos usages « pour sortir du fossile » se traduit par la construction de six réacteurs nucléaires EPR 2 et une mise à l’étude immédiate de huit autres réacteurs. Il envisage aussi de multiplier par dix la puissance solaire et de développer 50 parcs éoliens en mer. S’il évoque la poursuite d’investissements en réduction de consommation, son programme ne fait aucune mention des nécessaires efforts de sobriété. Rappelons aussi que la France a accordé au moins 11 milliards d’euros de subvention aux énergies fossiles rien qu’en 2019.
Sur le vaste chantier de la rénovation thermique, il a reconnu que le début du quinquennat n’avait pas été « marqué par des résultats ». S’il promet la rénovation 700 000 logements par an (contre 33 000 aujourd’hui), il ne dit rien de la nature de ces travaux et de la formation nécessaire des artisans. Pas un mot non plus sur l’artificialisation des sols ou une éventuelle limitation de la construction de logements neufs.
Mobilités
Emmanuel Macron veut proposer « une offre abordable de voitures électriques pour tous grâce à une filière 100 % française ». Il annonce vouloir « mettre en place du leasing », cette pratique de location de longue durée avec possibilité d’achat, afin d’aider les ménages les plus pauvres. On notera que la majeure partie des modèles électriques est aujourd’hui déjà achetée en crédit-bail… Pas un mot sur les mobilités douces, les transports en commun ou le fret ferroviaire.
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Travail
Emmanuel Macron annonce viser le « plein-emploi » dans les cinq ans, grâce à des réformes ultralibérales « favorisant le retour à l’emploi » des chômeurs. Là non plus, rien sur la création d’emplois verts ou la formation à des métiers adaptés à la transition énergétique. Le « travailler mieux » s’envisage à travers un « compte épargne-temps universel » qui permettrait de monétiser ses RTT et jours de congés. Pas question ici d’envisager la semaine de quatre jours, bonne pour le climat et la santé.
Biodiversité
Un simple oubli ? Pour sauvegarder le vivant, le projet présidentiel prévoit seulement de « protéger toujours mieux nos littoraux, montagnes, forêts et espaces naturels » sans préciser, ni chiffrer, aucune mesure. Du côté de la gestion forestière, le candidat promet simplement de planter des arbres : 140 millions d’ici à la fin de la décennie. Il annonce également vouloir « investir dans la filière bois », sans préciser de modalités. Or, une nouvelle enquête de l’association Canopée révèle que le soutien post-Covid accordé à la forêt et la filière bois en 2020 a financé des coupes rases et des plantations en monoculture, néfastes pour la biodiversité.
Dépenses militaires
Autre sujet : l’ambition militaire d’Emmanuel Macron. Il veut porter le budget de la défense à 50 milliards d’euros par an en 2025 contre 40,9 milliards aujourd’hui (Les Echos) et développer les capacités du pays face aux conflits hybrides (via le spatial et le cyber notamment). Les différentes révélations du média d’investigation Disclose sur la vente d’armes de la France à l’Egypte ou plus récemment à la Russie prouvent que l’Hexagone adopte un rôle de pompier-pyromane.
Débat public
Emmanuel Macron a aussi affirmé sa volonté d’instaurer un « grand débat national permanent ». Il s’est félicité de la réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et de la création de la Convention citoyenne pour le climat. Pourtant, il a largement vidé de leur substance les recommandations faites par les 150 citoyen·nes. Il a aussi engagé le pays vers le déploiement de nouveaux réacteurs nucléaires sans consulter les Français·es, malgré les alertes répétées de la Commission nationale du débat public (CNDP). Et l’on attend toujours les résultats du grand débat national lancé en 2019 pour répondre à la crise des Gilets jaunes.
Président cinq années durant, Emmanuel Macron a été en possession de tous les leviers pour accomplir des changements indispensables afin de répondre aux crises écologiques. Hélas, son bilan en matière de climat (notre analyse) et de biodiversité (à lire ici) est critiqué de toutes parts. Avec un discours axé sur le travail, le productivisme et la croissance, faisant fi des alertes répétées des scientifiques, le candidat de 2022 paraît encore moins prêt que celui de 2017 à ce qu’il en soit autrement.
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