La langue de(s) bois. Une enquête de l’association Canopée révèle que le soutien post-Covid accordé à la forêt et à la filière bois en 2020 a financé des coupes rases et des plantations en monoculture.
Mercredi, les ministres de l’agriculture, de la transition écologique et de la biodiversité ont clos les Assises de la forêt et du bois, un vaste raout qui a réuni plusieurs centaines d’acteur·rices de la filière au cours de quatre mois d’échanges. Dans leur discours, les membres du gouvernement ont fait part de louables intentions, comme celles d’adapter les forêts françaises à la crise climatique et d’y lutter contre le déclin du vivant. Hélas, une étude publiée le même jour par l’association Canopée révèle de tout autres pratiques.
Adopté en 2020, le plan de relance post-Covid a octroyé 200 millions d’euros à la forêt. Objectifs : soutenir la filière bois, renouveler la forêt française et l’adapter à la crise climatique. Or, d’après l’enquête de Canopée, 87 % des projets financés dans des forêts privées ont donné lieu à des coupes rases. Cette pratique consiste à raser à blanc des parcelles de forêts, où ne subsiste presque rien. Les vastes engins utilisés retournent tellement le sol que celui-ci – et la vie qu’il contient – met des années à s’en remettre.
L’ONG a réalisé plusieurs études de cas, en Gironde, dans l’Eure ou les Ardennes. Il apparaît que ces coupes rases sont généralement suivies de plantations d’arbres en monoculture : des « champs » d’arbres peuplés d’une seule espèce – le plus souvent des pins Douglas, arbres résineux à la croissance ultra rapide, peu résistants aux fortes chaleurs. Pourtant, le plan de relance promet d’adapter les forêts françaises au changement climatique. En outre, ces monocultures ne rendent aucun service écosystémique et constituent des déserts de biodiversité.
Des pratiques qui permettent au gouvernement de se féliciter de la plantation de 50 millions d’arbres en deux ans. Et de faire oublier les quelque 475 suppressions de postes au sein de l’Office national des forêts (ONF), qui gère les forêts publiques françaises et travaille à les adapter au climat qui s’emballe. « Plutôt que de promouvoir une réelle stratégie d’adaptation des forêts aux changements climatiques, cherchant à renforcer la résilience des écosystèmes et à diversifier les forêts, le plan de relance est conçu comme un outil de promotion d’une sylviculture intensive », déplore Canopée.
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