Reportage

Dans le Val d’Oise, on plante une immense forêt contre l’étalement urbain et le changement climatique

Dans la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (Val d’Oise), une nouvelle forêt de 1 500 hectares est en cours de plantation. Deux objectifs à ce projet d’une ampleur inédite : créer un massif résistant au changement climatique et ralentir l’urbanisation en Île-de-France.
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Val boise. A quelques encablures d’une zone industrielle désertée, des milliers de piquets en bois s’étendent à perte de vue à travers la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, située dans le Val d’Oise. En cette froide journée d’hiver, la saison de boisement 2021-2022 bat son plein. 

D’ici la fin février, pas moins de 200 000 arbres auront été plantés. Et dans dix ans, une forêt de 1 500 hectares devrait s’étaler sous nos yeux. Pour le moment, les futurs arbres ne sont encore que des brindilles d’une trentaine de centimètres de haut. Engrillagés, ils ont été mis à l’abri de l’appétit des lapins qui ont envahi la zone depuis plusieurs mois.

Ce projet est un peu le bébé de Bernard Tailly. Maire de Frépillon – l’une des sept communes où s’étendra le projet – pendant 31 ans, l’ancien édile est le premier à avoir évoqué l’idée au début des années 2000. À l’époque, on lui rit au nez. Mais il n’en démord pas et le projet finit par germer au cours de la décennie suivante. Une belle victoire pour celui qui n’a jamais perdu de vue son objectif malgré les difficultés. 

Bernard Tailly veille sur ses jeunes pousses © Vert

En 2014, les sept communes, le département du Val d’Oise et la région Île-de-France se réunissent au sein du nouveau Syndicat mixte pour l’aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP). L’organisme devient le maître d’ouvrage chargé de revitaliser la zone. Un vrai challenge pour ce projet aux dimensions hors-normes. « Il faut dire qu’une nouvelle forêt de 1 500 hectares en Île-de-France, c’est du jamais-vu, donc il a fallu batailler et inventer des solutions administratives au fur et à mesure », sourit entre deux rangées d’arbres Bernard Tailly, qui préside le SMAPP depuis ses débuts.

Diversifier pour mieux protéger

Après de nombreuses études de faisabilité, les plantations ont débuté en 2019. De quoi ajouter un million d’arbres à une zone qui compte déjà plus de 400 hectares de petits bois. Au-delà de l’étendue du projet, c’est surtout sa démarche qui est inédite : l’ambition du SMAPP est de créer une forêt résistante au changement climatique.

L’Office national des forêts (ONF) s’occupe de ce volet du projet : « Une forêt se forme à très long terme, cela aurait été absurde de ne pas penser ce projet par le prisme des évolutions climatiques en cours et à venir », justifie Joseph Passot, chef de projet boisement à l’ONF Île-de-France Ouest. « Aujourd’hui, on réfléchit beaucoup à la manière de renforcer les capacités d’adaptation de nos forêts pour qu’elles souffrent moins du dérèglement climatique ; ici, on a la chance de sauter cette étape et de créer une forêt résiliente dès le début », s’enthousiasme-t-il auprès de Vert.

Pour imaginer cette forêt durable, l’ONF a identifié un mélange de 25 à 30 essences d’arbres. Un travail de longue haleine mené à partir de simulations pour appréhender le climat de la zone d’ici 30 ou 50 ans. Chênes sessiles, pubescents ou chevelus, érables planes et champêtres ou de Montpellier, alisier blanc, pommier forestier, aulnes et tilleuls : chaque espèce a été choisie pour ses capacités d’adaptation aux particularités de la plaine. 

Les premiers arbres de la future forêt ont été plantés en 2019 © Vert

Ainsi, des arbres résistants au stress hydrique ont été choisis pour la zone nord, connue pour ses sols plutôt filtrants. À l’inverse, des essences moins sensibles seront plantées dans les sols argileux du sud de la plaine, qui retiennent davantage l’eau. L’objectif d’une telle variété d’espèces : limiter la vulnérabilité de la forêt si jamais une essence est ravagée par une maladie.

L’arbre VS le béton

L’ambition de ce projet est aussi de réhabiliter un territoire dégradé. Dès la fin du XIXème siècle, la plaine de Pierrelaye-Bessancourt a recueilli les eaux usées de la ville de Paris, utilisées comment fertilisant pour les cultures maraîchères. Mais dans les années 1990, des études ont révélé que ces pratiques avaient pollué les terres aux métaux lourds. Une découverte qui a mené à l’interdiction de l’agriculture à destination humaine en 2000. Depuis, la plaine est en déshérence et sujette à de nombreux dépôts sauvages qui continuent de dégrader la zone.

Dépolluer une zone de cette taille est inenvisageable – trop cher, trop ambitieux. Alors l’idée d’y installer une forêt s’est naturellement imposée. « C’est une manière d’occuper l’espace et surtout d’éviter d’avoir un sol à nu qui soit directement assimilable », explique Joseph Passot. Les futurs arbres créeront une zone tampon pour empêcher la contamination de la population par contact avec la terre ou par des produits alimentaires. Certaines zones de la plaine ont été identifiées comme étant particulièrement polluées : l’ONF a alors proposé d’y planter une végétation plus dense pour la rendre impénétrable.

Derrière cette forêt se cache aussi l’idée de ralentir l’urbanisation galopante de la région. La plaine de Pierrelaye-Bessancourt est coincée entre deux zones très artificialisées : l’agglomération de Cergy-Pontoise et la vallée de Montmorency. Pour Bernard Tailly, pas question que cette urbanisation se rejoigne. Planter une forêt, c’est une manière de sanctuariser ce territoire pour toujours, se réjouit-il.

« Le dicton dit que la nature a horreur du vide et j’ai toujours pensé que seul l’arbre résistait au béton », se remémore-t-il quand il évoque l’origine de son combat. Il se balade aujourd’hui entre les rangées de nouveaux-nés avec un sourire empli de fierté. Contrairement aux lapins, le béton n’a pas réussi à gagner du terrain.


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