Tribune

« Le mouvement pour le climat doit appeler à voter »

À quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle et alors que l'abstention promet d'atteindre des sommets, Théo Rougier, militant pour le climat et porte-parole du collectif Maintenant ou jamais, invite les associations à appeler au vote, malgré leurs réticences historiques à le faire.
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Les prochaines élec­tions auront un impact con­sid­érable sur le tra­vail du mou­ve­ment Cli­mat dans les cinq prochaines années. Pour­tant, nous sem­blons hésiter à con­sid­ér­er le vote comme une stratégie val­able. À quelques jours de l’élection prési­den­tielle, nous devons appel­er à vot­er.

Pour de nom­breuses bonnes raisons, le mou­ve­ment Cli­mat français se méfie des élec­tions. Notre indépen­dance vis-à-vis du jeu par­ti­san est une con­di­tion de notre tra­vail. Nous devons être en capac­ité d’agir mal­gré les alter­nances, et la con­fi­ance qu’on nous accorde repose sur la garantie que nous échap­pons aux logiques élec­torales. C’est aus­si un héritage his­torique impor­tant : depuis la charte d’Amiens de 1906, aux syn­di­cats la défense des tra­vailleurs, aux par­tis les élec­tions. 

Le vote est donc un mode d’action que nous envis­ageons à peine. En péri­ode élec­torale, nous décryp­tons les pro­grammes, nous ten­tons de faire mon­ter nos sujets dans les médias, nous inter­pel­lons les can­di­dates et les can­di­dats. Mais sur le vote lui-même, nous restons majori­taire­ment silen­cieux. Nous deman­dons à des gens de s’enchaîner à des grilles pen­dant des heures, mais pas d’aller vot­er.

Il y a un an, plus de 700 organ­i­sa­tions se mobil­i­saient pour ten­ter d’arracher une vraie Loi Cli­mat. Nous y avons mis ensem­ble des efforts con­sid­érables, avec les résul­tats qu’on con­naît. Quelques semaines plus tard, com­bi­en d’entre nous ont évo­qué les élec­tions régionales, pour­tant éch­e­lon essen­tiel de la tran­si­tion écologique ? L’abstention y a atteint 66 %.

Nous savons que l’élection ne suf­fit pas : face à tout gou­verne­ment, il faut un mou­ve­ment social fort et une pres­sion pop­u­laire con­tin­ue. Par ailleurs, dans les règles de la Vème République, on sait que ces scruti­ns ont beau­coup de défauts. Il n’en demeure pas moins que le choix de celles et ceux qui nous gou­ver­nent influ­ence con­sid­érable­ment nos luttes, nos marges de manœu­vre, notre capac­ité à faire advenir le change­ment. 

La ques­tion de notre effi­cac­ité en tant que mou­ve­ment social sem­ble alors se pos­er. Du plaidoy­er au sab­o­tage en pas­sant par la désobéis­sance civile, nos modes d’action sont com­plé­men­taires, ser­vent des objec­tifs et mobilisent des publics dif­férents. Notre impact dépend pré­cisé­ment de notre capac­ité à met­tre en œuvre les straté­gies les plus effi­caces compte tenu d’un con­texte (poli­tique, tech­nique, san­i­taire) don­né. La rad­i­cal­ité, c’est l’adaptation.

Or, il est indé­ni­able que les élec­tions prési­den­tielle et lég­isla­tives influ­enceront con­sid­érable­ment notre tra­vail (et la France) des cinq prochaines années. Pou­vons-nous nous per­me­t­tre d’exclure de nos straté­gies leur com­posante prin­ci­pale, le vote ? À quelques jours du pre­mier tour, les sondages annon­cent près de 30 % d’abstention, au niveau du record de 2002. Pou­vons-nous y être un remède ?

Pour ces quelques semaines, je crois que nous devons faire de la lutte con­tre l’abstention une de nos straté­gies cen­trales. Nous pou­vons recon­naître et expli­quer en quoi le vote est utile et con­di­tionne en par­tie nos avancées futures. Nous pou­vons accom­pa­g­n­er les gens qui nous écoutent encore alors qu’ils ne croient plus en la poli­tique. Appelons-les à vot­er le 10 avril. Faisons ce qui est en notre pou­voir pour faire advenir le monde que nous voulons. Nous n’avons pas le luxe de nous pass­er de tous les moyens d’y par­venir.