Les parlementaires avaient deux solutions : accepter d’examiner la pétition ou la classer. Elles et ils ont choisi la première option, ce mercredi, et c’est une première. Saisi·es de ce dossier, les député·es de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ont unanimement voté pour que le texte anti-loi Duplomb signé par 2,1 millions de personnes fasse l’objet d’un examen en commission. Les modalités de ce dernier seront fixées lundi 22 septembre, a précisé la députée (La France insoumise) Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques.
Une ou plusieurs semaines d’auditions pourront avoir lieu avant qu’un rapport soit publié, comprenant le texte de la pétition et le compte rendu des débats en commission. Ensuite, le rapport ainsi publié pourrait donner lieu à une troisième étape : un débat en séance publique dans l’hémicycle. La décision de l’inscrire à l’ordre du jour reviendra à la conférence des présidents, qui réunit les présidents des groupes politiques, les vice-présidents de l’Assemblée et les présidents de commissions.
Vers une première historique ?
«Tout cela est inédit, […] nous n’avons jamais eu de précédente pétition à ce niveau-là», a souligné Aurélie Trouvé. Et aucune pétition n’a jamais été débattue dans l’hémicycle dans l’histoire de la Vème République. Toutefois, si débat il y a, celui-ci ne donnera pas lieu à un vote. Il n’ouvrira donc pas la possibilité de revenir sur les dispositions de la loi Duplomb, définitivement adoptée le 8 juillet.
Ce texte controversé était porté par le sénateur (Les Républicains) Laurent Duplomb, qui le présentait comme la solution pour «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur». En début d’année, bon nombre de parlementaires de gauche et d’associations le qualifiait surtout de «bombe écologique et sociale» ouvrant la voie à une agriculture toujours plus intensive. Le 26 mai, il a fait l’objet d’une motion de rejet à l’Assemblée : une manœuvre choisie par ses défenseur·es pour mieux le faire passer, sans débat dans l’hémicycle.
Maigre consolation pour les détracteur·ices de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré le 7 août sa disposition la plus contestée. Celle-ci prévoyait la réintroduction sous conditions de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde dit «tueur d’abeilles», dangereux pour l’environnement et la santé humaine. Au final, la loi contient des mesures concernant des simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ou encore à la construction de certains ouvrages de stockage d’eau – dont les contestées mégabassines.
Abrogation de la loi Duplomb
«Je crois profondément que nous avons tout à gagner à ouvrir cet espace de débat sur la loi que nous avons votée, y compris pour mieux l’expliquer et la défendre», a soutenu ce mercredi la députée (Rassemblement national) Hélène Laporte. Favorable à la loi Duplomb, elle a été nommée la semaine dernière… rapporteure de la pétition contre la loi Duplomb. Une situation surprenante qui s’explique par un «tour de rôle», comme nous vous l’expliquions.
«Nous souhaitons que ce débat permette de renforcer le dialogue entre la science, le monde agricole, les citoyens élus que nous sommes, et nos concitoyens», a également espéré le député (Renaissance) Jean-Luc Fugit. Sa consœur écologiste Delphine Batho ne formule pas le même vœu : «La pétition ne demande pas un débat, elle demande l’abrogation.» D’ailleurs, une proposition de loi en ce sens a été déposée par son groupe mardi. De son côté, l’association anti-pesticides Générations futurs s’est réjouie de l’examen de la pétition en commission qui sera, elle l’espère, «l’occasion de mettre fin à la désinformation sur les néonicotinoïdes».
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