PFAS dans les poêles : c’est quoi le problème ?
En raison de leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes à la chaleur, les PFAS sont utilisés dans la fabrication de nombreux objets du quotidien, notamment les poêles de cuisson. Ces substances per- et polyfluoroalkylées sont souvent qualifiées de «polluants éternels» parce qu’elles sont particulièrement persistantes dans l’environnement et dans le corps humain. Avec des conséquences sanitaires : elles favorisent l’augmentation du taux de cholestérol ou les cancers, et peuvent avoir des effets délétères sur la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie ou sur les reins.

De nombreux modèles de poêles ont un revêtement antiadhésif en PTFE (ou polytétrafluoroéthylène), commercialisé sous la marque Téflon. Et ces PTFE appartiennent à la grande famille des PFAS, ce qui inquiète les consommateur·ices, soucieux et soucieuses de leur santé et de la préservation de l’environnement.
Longtemps, la fabrication du Téflon a nécessité l’utilisation de PFOA (ou acide perfluorooctanoïque), un cancérogène avéré selon le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Interdit dans l’Union européenne depuis 2020, le PFOA n’était plus utilisé dans la fabrication des poêles Tefal depuis 2012. Désormais, l’entreprise du groupe SEB, assure que le PTFE ne présente pas de danger. «Les études menées par les autorités de santé publique en Europe et aux États-Unis ont montré l’innocuité du PTFE», peut-on lire sur leur site internet.
Les poêles en Téflon sont-elles dangereuses pour la santé : ce que disent les experts
«Le PTFE répond à la définition officielle des PFAS, mais il y a une différence notoire : il s’agit d’un polymère, c’est-à-dire que c’est une grosse molécule», explique Thierry Billard, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). En raison de ce poids moléculaire élevé, les «molécules de polymère présentent un risque faible» pour la santé ou l’environnement, explique l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Pour l’heure, les polymères utilisés pour la fabrication du PTFE n’ont pas besoin d’être enregistrés auprès de l’agence européenne dans le cadre du règlement Reach – contrairement à de nombreuses autres substances, notamment les PFAS non polymères.
Peut-on en conclure, comme l’affirme SEB, que l’innocuité du PTFE a été confirmée par la science ? Ce n’est pas si simple, comme l’explique l’AFP Factuel dans un article très détaillé. Plusieurs agences sanitaires (Institut fédéral allemand d’évaluation des risques, Autorité européenne de sécurité des aliments, Food and Drug Administration américaine) estiment que les données n’indiquent pas de risque de transfert de particules pouvant altérer la santé humaine, en cas d’utilisation normale des ustensiles contenant du PTFE. Toutefois, les recherches sur ce composé sont souvent incomplètes ou anciennes. Le Circ n’a ainsi pas souhaité commenter les affirmations de SEB sur l’innocuité du PTFE, «en raison de l’ancienneté» de ses propres évaluations.
«En l’état actuel des connaissances, le consensus scientifique semble indiquer que le PTFE est sûr pour la santé, si les conditions d’utilisation sont respectées», estime Thierry Billard. Attention cependant à ne pas abîmer le revêtement antiadhésif : des micro ou nanoparticules peuvent alors être relâchées et consommées. S’il n’existe pas de consensus scientifique sur cette question, une étude sud-coréenne de 2023 évoque des inflammations liées à ces microparticules. «Le revêtement peut aussi se dégrader et générer des émissions toxiques en cas de surchauffe. Toutefois, la dégradation intervient à 360. degrés. On atteint rarement cette température, sauf en cas d’oubli sur le feu», explique le directeur de recherche.
De leur côté, les ONG France Nature Environnement (FNE), Générations futures et l’Association citoyenne et laïque des consommateurs (ACLC) ont déposé plainte auprès du parquet de Paris contre le groupe SEB et sa filiale Tefal en juillet dernier pour «pratiques commerciales trompeuses». «Pour estimer qu’un produit est sûr, il faut qu’il le soit tout au long de sa vie. S’arrêter uniquement à l’usage de la poêle, c’est passer sous silence la partie production et la partie fin de vie, considère Kildine Le Proux de La Rivière, chargée de mission scientifique et réglementaire à Génération futures. Pour produire ce polymère PFAS, il faut des PFAS non polymérisés, et donc il peut y avoir des rejets dans l’environnement au moment de la fabrication. Au fur et à mesure de son usage et de sa fin de vie, le polymère PFAS va se casser en plus petits PFAS. Au final, tous ces PFAS se retrouveront un jour dans l’environnement, puisqu’on ne sait pas les détruire aujourd’hui.»
Inox, fonte, acier : quelle poêle choisir ?
Les poêles antiadhésives restent populaires car elles permettent de cuire de nombreux aliments tout en limitant l’ajout de matière grasse. Attention toutefois au modèle : en janvier 2024, UFC-Que Choisir révélait la présence de 17 PFAS, sur 70 recherchés, dans huit poêles antiadhésives en PTFE de différentes marques. De son côté, 60 millions de consommateurs avait testé neuf modèles en 2022 : pour trois d’entre eux, le magazine avait découvert une migration de PFOA vers les aliments.
Les poêles en céramique, également antiadhésives, sont présentées comme une alternative «sans PFAS» au Téflon. Toutefois, le test d’UFC-Que Choisir a démontré la présence de PFAS pour le modèle en céramique étudié, bien qu’à faible dose. La céramique souffre surtout d’un manque de transparence. Selon les fabricants, elle est composée de silice et de liants alcooliques… mais il est difficile d’en savoir plus : les industriels ne sont pas obligés de dévoiler la composition de leurs revêtements.
Pour garantir l’absence de PFAS dans les poêles de cuisson, il est nécessaire de s’orienter vers d’autres matériaux. L’inox, pour acier inoxydable, séduit de plus en plus d’utilisateur·ices. Mauvais conducteur de chaleur, il est souvent associé à d’autres matériaux, comme l’aluminium.
S’il ne présente aucun risque pour la santé et peut se conserver très longtemps, l’inox nécessite une prise en main. «L’une des astuces est de procéder au test de la goutte d’eau : on laisse chauffer sa poêle à vide, à la moitié de la puissance de la plaque. On jette ensuite une goutte d’eau sur la poêle. Si elle roule et ne s’évapore pas, c’est que la température est bonne», explique Karen Le Chevalier, autrice de livres de cuisine et créatrice du blog Cuisine Saine. On peut alors saisir de la viande ou faire cuire un œuf au plat. La qualité de l’inox a tout de même son importance. Karen Le Chevalier conseille de s’orienter vers des modèles 18/10 (18% de chrome, 10% de nickel), plus chers mais de meilleure qualité.

La fonte représente également une alternative intéressante aux poêles antiadhésives. Sans risque pour la santé, elle répartit bien la chaleur et se montre très solide : bien entretenues, les poêles et casseroles en fonte se conservent à vie. Leur poids et leur coût élevé peuvent toutefois être un frein.
Ces modèles nécessitent aussi un culottage avant la première utilisation, pour lutter contre la rouille et créer dans le fond de la poêle une couche protectrice antiadhérente. «Il y a plusieurs manières de faire : passer la poêle au four après l’avoir huilée complètement. Ou verser un fond d’huile et chauffer la poêle sur la plaque de cuisson, jusqu’au point de fumée», détaille Karen Le Chevalier. Certains aliments acides, comme les tomates, le citron ou le vin blanc, ne doivent pas être cuisinés dans une poêle en fonte : ils pourraient oxyder le matériau et le faire rouiller. Il faut enfin penser à appliquer une très fine couche d’huile sur toute la surface de la poêle après le lavage et le séchage. «J’aime beaucoup la fonte, mais c’est vrai que c’est un matériau qui demande plus d’entretien», concède l’autrice culinaire.
Ces conseils s’appliquent aussi aux poêles en fer et en acier, des modèles davantage utilisés par les professionnel·les, qui apprécient leur durabilité et leur polyvalence.