On vous explique

Cette députée RN pro-loi Duplomb a été nommée rapporteure de la pétition contre… la loi Duplomb

À droite doute. Après le succès de la pétition anti-loi Duplomb, un débat sur le texte – promulgué le 11 août – pourrait finalement avoir lieu à l’Assemblée nationale. Pour y parvenir, la commission des affaires économiques vient de désigner une «rapporteure de la pétition» : Hélène Laporte, députée d’extrême droite favorable à cette loi controversée.
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L’actualité politique est saturée par la chute du gouvernement Bayrou, ce lundi 8 septembre ; elle est aussi marquée par le retour à l’Assemblée nationale, à pas feutrés, de la loi Duplomb. Grâce au succès de la pétition contre ce texte – laquelle a rassemblé 2,1 millions de signatures – un débat (sans vote) pourrait finalement avoir lieu dans l’hémicycle. Une question qui doit être tranchée d’ici à quelques semaines par la commission des affaires économiques.

Cette dernière, réunie ce lundi, a désigné comme rapporteure de la pétition la députée du Rassemblement national Hélène Laporte… opposée à la pétition et favorable à la réintroduction de l’acétamipride. Ce pesticide de la famille des néonicotinoïdes – surnommés «tueurs d’abeilles» – était au cœur de la loi Duplomb jusqu’à la censure partielle du texte par le Conseil constitutionnel le 7 août dernier.

Hélène Laporte en 2019. © Raphaël Rible/Wikimedia Commons

Cette nomination surprenante n’est pas le fruit d’un accord entre les député·es, mais d’un tour de rôle qui donne la priorité au groupe le plus important au sein des différents groupes qui composent la commission des affaires économiques. «C’est la règle du tourniquet. On a désigné le rapporteur du premier groupe de la commission», soit le RN, explique à Vert Aurélie Trouvé, présidente (La France insoumise) de la commission.

«Elle pourra faire pencher les débats dans un sens ou dans l’autre»

À partir du 17 septembre, la députée RN du Lot-et-Garonne, en tant que rapporteure, présentera la pétition à ses collègues. Elle devra se prononcer en faveur ou non de l’organisation d’une discussion en séance publique à l’Assemblée nationale, arguments à l’appui.

Joint par le média Contexte, le Rassemblement national s’est dit favorable à la tenue d’un débat afin de répondre aux «désinformations» sur l’acétamipride – un argument martelé par les pro-Duplomb tout au long de l’été et démystifié par Vert. Un débat devrait donc, à l’issue de la commission, avoir lieu à l’Assemblée. «Il est très probable, s’il n’y a pas de dissolution, qu’on aille jusqu’à l’examen en hémicycle», abonde Aurélie Trouvé. D’ici là, selon elle, d’autres rapporteur·es pourraient être désigné·es.

«Il serait difficile de dire que la mobilisation de deux millions de personnes ne donne pas lieu à un débat, estime Florian Savonitto, maître de conférence en droit public à l’université Paul-Valéry de Montpellier (Hérault). Mais, en fonction des arguments qu’Hélène Laporte présentera, elle pourra faire pencher le débat dans un sens ou dans l’autre.» Selon lui, la rapporteure peut critiquer le contenu de la pétition et, par exemple, «rappeler qu’elle n’est pas favorable à l’abrogation immédiate de la loi Duplomb – alors que c’est la première demande de la pétition».

Désinformation sur la dangerosité de l’acétamipride

Aussitôt nommée, Hélène Laporte a clarifié sa position : «Cette pétition, qui déforme la réalité s’agissant de la dangerosité sanitaire et environnementale de l’acétamipride, est l’œuvre de militants de gauche et des écologistes qui ont assumé ouvertement n’avoirrien à péterde la rentabilité de l’agriculture française, et donc de sa pérennité», écrit-elle sur X.

Dans ses précédentes prises de parole au sein de la même commission, la députée avait minimisé la toxicité de l’acétamipride sur les abeilles et le système nerveux humain. Ce «n’est pas un néonicotinoïde tueur d’abeilles : les travaux de l’Efsa comme ceux de l’Anses l’ont confirmé», avait-elle plaidé le 13 mai dernier.

Un argument fallacieux, comme nous le démontrions ici et  : ses recherches indépendantes ont amené l’Efsa (l’agence qui rend des avis sur les risques des pesticides dans l’Union européenne) à reconnaitre l’an dernier des «incertitudes majeures» concernant les effets nocifs de l’acétamipride sur le système nerveux humain et à demander des études «approfondies». L’Agence nationale de sécurité des aliments (Anses), elle, «ne dispose pas de données récentes d’évaluations qu’elle aurait menées pour de tels produits» et assure que des alternatives efficaces existent (comme dans le Lot-et-Garonne, sur la circonscription d’Hélène Laporte, Vert s’est rendu).

Instrumentalisation du débat

De quoi inquiéter les associations qui luttent contre la réintroduction de ce pesticide… et contre les autres mesures de la loi Duplomb qui n’ont pas été censurées par le Conseil constitutionnel. La loi promulguée prévoit notamment de faciliter les projets de stockage d’eau (dont les mégabassines) ou la hausse des tailles d’élevages.

«Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait un débat sérieux dans l’hémicycle et qu’il porte sur l’ensemble du texte, dont l’article 3 sur l’élevage, insiste Agathe Gignoux, responsable de plaidoyer pour l’ONG anti-élevage industriel CIWF. Car c’est cela que la motion de rejet préalable [le 25 mai dernier, notre reportage] a empêché.»

Du côté de l’ONG anti-pesticides Générations futures, «on va veiller à ce que la rapporteure tienne des propos étayés par la science et qu’elle ne soit pas là pour nous asséner les mêmes approximations auxquelles on a eu droit depuis des mois», assure François Veillerette, porte-parole de l’ONG. Il craint que le RN utilise ce poste pour instrumentaliser le débat.

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