Décryptage

Le débat sur la pétition contre la loi Duplomb aura lieu à l’Assemblée nationale le 7 janvier : que peut-il se passer ?

Débattre la campagne. C'est historique : la conférence des président·es de l'Assemblée nationale a donné son accord pour une discussion en séance publique sur la pétition contre cette loi agricole décriée. Le débat se tiendra le mercredi 7 janvier 2026. Sujets abordés, durée, absence de vote… Vert résume les grands enjeux de ce débat.
  • Par

Ce qu’il faut retenir :

🗣️ Le débat dans le grand hémicycle de l’Assemblée nationale sur la pétition contre la loi Duplomb (2,13 millions de signatures) aura lieu le mercredi 7 janvier 2026. C’est une première dans l’histoire de la Vème République.

⏱️ La discussion doit durer une demi-journée. Chaque groupe politique pourra prendre la parole pendant cinq minutes, puis poser une ou deux questions au gouvernement.

🚜 Sur le fond, le débat portera sur les alertes soulevées par la pétition, et non sur la loi en tant que telle. Il devrait se concentrer sur la question de l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes.

🗳️ Aucun vote n’aura lieu après la discussion. Mais plusieurs propositions de loi ont été déposées pour «abroger» la loi Duplomb.

Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, une pétition entrainera un débat dans le grand hémicycle de l’Assemblée nationale. Dès le 12 novembre, l’ensemble des président·es et vice-président·es de l’institution ont approuvé l’organisation d’une discussion en séance publique concernant le texte «Non à la loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective», qui a recueilli 2,13 millions de signatures (notre article).

Les député·es de gauche applaudissent Fleur Breteau, malade du cancer, après l’adoption de la proposition de loi Duplomb par l’Assemblée nationale le 8 juillet 2025. © Esteban Grépinet/Vert

La date de ce débat sans précédent peut déjà être notée dans les agendas : le 7 janvier 2026, selon une information de Contexte, confirmée à Vert par une source parlementaire proche du dossier. Soit près de cinq mois après la promulgation par Emmanuel Macron de la loi Duplomb «visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur» (notre article). Cette dernière a acté plusieurs «simplifications» de normes environnementales dénoncées par un large front de la société civile : facilitation des projets de «mégabassines», réduction des règles d’agrandissement de bâtiments d’élevage industriel…

Le contexte : l’aboutissement d’une longue procédure parlementaire

Déposée sur le site de l’Assemblée nationale par Éléonore Pattery, une étudiante de 23 ans, le 10 juillet – soit quelques jours après l’adoption de la loi Duplomb par les parlementaires –, la pétition réclamant l’abrogation de ce texte a battu des records. En à peine une semaine, elle a dépassé les 500 000 signatures requises pour susciter un débat dans l’hémicycle du palais Bourbon (notre article).

Dès la rentrée parlementaire de septembre, les député·es ont entamé le long chemin législatif vers l’organisation de ce débat historique : approbation de l’examen de cette pétition par les élu·es de la commission des affaires économiques (notre article), nomination de deux rapporteuses opposées sur le sujet – Aurélie Trouvé (La France insoumise) et Hélène Laporte (Rassemblement national) –, premier débat préparatoire en petit comité, qui a donné lieu à un compte rendu…

Ultime étape, le feu vert de la conférence des président·es de l’Assemblée nationale – qui rassemble la présidente et les vice-président·es, les président·es de commissions de l’Assemblée et celles et ceux des différents groupes politiques – était attendu sans trop de surprise. La quasi-totalité des formations politiques se sont prononcées en faveur de l’organisation d’un tel débat, et la présidente de l’Assemblée elle-même, Yaël Braun-Pivet, s’y était dite «favorable», tout en rappelant qu’une telle discussion «ne pourra[it] en aucun cas revenir sur la loi votée».

«Même sans vote, l’intérêt de ce débat est loin d’être nul, il acte une opposition profonde d’une partie de la société et de la classe politique», expose Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Assas. Ce dernier reconnaît que le débat «arrive très tard» : «Le risque, c’est que les millions de signatures recueillies s’évaporent, car la procédure de pétition est assez mal adaptée.»

Sur le fond : un débat qui risque de se cristalliser autour des néonicotinoïdes

«Le débat va porter sur le texte de la pétition, donc les députés ne vont pas débattre de la loi mais de ses conséquences», complète Benjamin Morel. Dans le détail, la pétition d’Éléonore Pattery dénonce dans des termes assez généraux l’«aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire» de la loi Duplomb : «Elle représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens.»

Assez ironiquement, le débat en séance publique pourrait se cristalliser sur un sujet… aujourd’hui absent de la loi Duplomb. Réclamée par plusieurs filières agricoles et mesure phare du texte initial, la réautorisation de plusieurs néonicotinoïdes – des pesticides dangereux pour la santé et l’environnement (comme l’acétamipride, notre article) – a été censurée par le Conseil constitutionnel début août.

«De grâce, parlons de ce qu’il y a dans la loi aujourd’hui !»

Ce sujet explosif est pourtant loin d’être clos : lors du débat préparatoire qui s’est tenu le 5 novembre dernier, une large majorité des interventions des député·es s’est concentrée sur la question des néonicotinoïdes et de leurs alternatives. «Si vous voulez débattre, il y a l’article I sur la séparation conseil-vente [de pesticides, NDLR], il y a l’article qui concerne le stockage de l’eau […] et on pourrait même avoir aussi le débat sur les élevages, a rappelé en fin de réunion le député (Les Républicains) Julien Dive. Mais, de grâce, parlons de ce qu’il y a dans la loi aujourd’hui !».

«Il y a un vrai enjeu à ce que le débat ne reste pas focalisé sur la question de l’acétamipride, abonde Lorine Azoulai, co-présidente du collectif Nourrir – qui rassemble une cinquantaine d’organisations écologistes et paysannes (Greenpeace, France Nature Environnement, Confédération paysanne…) opposées à la loi Duplomb. Cette dernière craint «une grosse campagne de désinformation de la part de l’extrême droite, voire de certains acteurs de la droite» et rappelle les nombreuses alertes du monde de la recherche : «Nous devrons rappeler que tous les arguments sur lesquels se base la société civile sont fondés sur la science.»

Sur la forme : durée limitée, prises de parole successives et interventions du gouvernement

«Notre objectif, c’est qu’il y ait aussi un débat sur la forme», ajoute Lorine Azoulai : «Comment une loi qui touche autant à notre assiette et à notre environnement a pu passer sans débat à l’Assemblée nationale ?». Le texte a été adopté sans débat en séance publique, ses soutiens ayant voté une motion de rejet pour passer directement à l’étape suivante du parcours législatif (notre explication). Outre l’«abrogation immédiate» de la loi Duplomb, la pétition d’Éléonore Pattery demande ainsi la «révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée» ainsi qu’une «consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit».

La forme que prendra le débat en séance publique sur la pétition reste incertaine : l’article du règlement de l’Assemblée nationale* qui régit les échanges tient en… cinq phrases. Le premier à argumenter à la tribune sera Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques (et par ailleurs ancien ministre de l’agriculture en 2017-2018). Puis, les deux députées rapporteuses du dossier – Aurélie Trouvé et Hélène Laporte – seront auditionnées dans l’hémicycle.

Une première dans l’histoire de la Vème République… mais pas dans l’histoire de France

Il y a déjà eu des débats à l’Assemblée nationale sur une pétition, il y a plusieurs siècles. Héritage de la Révolution, le droit de pétition est inscrit dans la Constitution dès 1793. «À l’époque, on débattait beaucoup de pétitions et on votait des lois qui en découlait», rappelle Benjamin Morel. Ce «droit imprescriptible de tout homme en société», selon les mots de Robespierre, est ensuite restreint sous Napoléon Ier, puis tombe en désuétude au fil du 19ème siècle. Rétabli dans notre Constitution actuelle de 1958, il reste très affaibli. «Il y a eu une embellie à travers la loi Duplomb, observe Benjamin Morel. On verra si c’est simplement un soubresaut historique ou quelque chose de plus profond.»

La parole sera ensuite donnée aux représentant·es des différents groupes politiques (socialistes, Rassemblement national, insoumis, droite républicaine…), dans un ordre défini par la conférence des président·es. Chaque prise de parole doit durer cinq minutes.

S’il n’existe aucun précédent sur lequel s’appuyer, le débat suit une «procédure de discussion assez classique», estime Benjamin Morel. Un·e membre du gouvernement devra être présent·e – très probablement la ministre de l’agriculture, Annie Genevard (notre portrait) – pendant les débats. Le règlement stipule que cette personne peut prendre la parole «quand [elle] la demande». Avantage important : elle n’aura pas de limitation de son temps de parole.

Après les prises de parole, une «intervention» du gouvernement est prévue, puis chaque groupe politique pourra reprendre le micro pour adresser successivement une ou deux questions au gouvernement. Le débat doit durer une demi-journée.

Et après : quelles suites au débat ?

Une fois le débat sur la pétition contre la loi Duplomb terminé, le règlement de l’Assemblée nationale ne prévoit pas de vote des député·es : la loi restera donc en place quoi qu’il arrive le 7 janvier. Cela ne veut pas dire que l’«affaire Duplomb» est close : «Une proposition de loi pourra revenir sur la loi Duplomb et proposer de la modifier, par exemple dans le cas d’une niche parlementaire», soit une journée consacrée aux propositions d’un groupe politique, illustre Benjamin Morel.

Pour sa niche parlementaire du 27 novembre, La France insoumise avait déposé un court texte visant à «abroger» l’intégralité du texte et à «interdire l’importation en France de produits agricoles et denrées alimentaires contenant de l’acétamipride». Elle l’a finalement retiré après son détricotage par ses adversaires politiques. De son côté, la députée écologiste Delphine Batho avait déposé dès le 16 septembre une proposition de loi pour l’«abrogation» de la loi Duplomb et l’interdiction «définitive» des néonicotinoïdes.

À l’inverse, le sujet pourra aussi remonter à la faveur de ses soutiens. Co-auteur du texte initial, le sénateur (Les Républicains) Laurent Duplomb n’a pas exclu le dépôt d’une nouvelle proposition de loi pour réautoriser l’acétamipride en tenant compte de l’avis du Conseil constitutionnel.

*L’article 151 du règlement de l’Assemblée nationale.

Avec Chaleurs actuelles, luttons ensemble contre la désinformation climatique et l’extrême droite !

En 2025, on a eu droit à un président américain qui a fait entrer son pays dans un monde parallèle, des élus qui méprisent la vérité, des médias qui nient la science, et des IA qui sont devenues des machines à désinformer.

C’est un danger vital pour nos démocraties, pour le climat, et pour nous, et on ne peut pas laisser faire ça.

Avec notre projet Chaleurs actuelles, on veut permettre à tout le monde d’avoir les bons outils pour ne pas se laisser piéger, détecter les fake news, et savoir comment agir.

En 2026, alors que de grandes élections approchent, on a besoin d’aller beaucoup plus vite et plus loin avec vous.

Ensemble, on va apprendre à repérer les techniques des climatosceptiques, détecter les fausses vidéos qui pullulent sur nos réseaux et rencontrer celles et ceux qui se mobilisent.

👉 Si vous le pouvez, faites un don à Vert, et recevez nos chouettes contreparties (posters, sticker...). Ensemble sauvons le réel !