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Que retenir du « débat du siècle », première causerie de la campagne sur l’écologie ?

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Le talk chaud. Imag­iné par les qua­tre ONG à l’origine de « l’Affaire du siè­cle » – Oxfam, Notre affaire à tous, la Fon­da­tion pour la nature et l’Homme et Green­peace – le « débat du siè­cle » s’est tenu ce dimanche 13 mars sur la plate­forme en ligne Twitch. Cinq des douze candidat·es à la prési­den­tielle ont eu l’opportunité de présen­ter plus ample­ment leur vision de l’écologie.

« Nous méri­tons une dis­cus­sion de fond pour savoir com­ment les candidat·es comptent sor­tir la France de l’illégalité cli­ma­tique », annonçait l’Affaire du siè­cle en amont de ce « débat prési­den­tiel 100 % con­sacré au cli­mat ». En par­al­lèle d’une péti­tion qui avait rassem­blé quelque 2,3 mil­lions de sig­nataires, ces ONG sont par­v­enues à faire con­damn­er l’É­tat pour son inac­tion en la matière. Celui-ci doit désor­mais rat­trap­er son retard sur ses pro­pres objec­tifs (Vert). Après avoir essuyé le refus de plusieurs chaînes de télévi­sion, la coali­tion a organ­isé ce débat avec le stream­er poli­tique Jean Massi­et et la jour­nal­iste Palo­ma Moritz (Blast).

Chaque candidat·e avait 30 min­utes pour don­ner sa vision de l’é­colo­gie, et répon­dre aux ques­tions des deux ani­ma­teurs qui maîtri­saient, une fois n’est pas cou­tume, le fond des sujets. Par­mi ceux-ci : les alertes du Giec, la neu­tral­ité car­bone (ne pas émet­tre plus de gaz à effet de serre que l’on peut en absorber), la prise en compte des lim­ites plané­taires, les propo­si­tions de la Con­ven­tion citoyenne pour le cli­mat, la mobil­ité, le loge­ment, le nucléaire ou l’agriculture. Plus de 20 000 per­son­nes ont suivi les échanges qui ont duré près de trois heures. Un temps très court pour bal­ay­er autant de sujets.

Pre­mier à ouvrir le bal de ce « grand oral », Yan­nick Jadot (EELV) a rap­pelé à quel point l’inaction cli­ma­tique a des effets sur les plus pré­caires. Avec lui, la France adoptera le nou­v­el objec­tif européen de baisse des émis­sions (-55 % d’i­ci à 2030 par rap­port au niveau de 1990, con­tre un objec­tif français de ‑40 % aujourd’hui). « Il faut dépass­er le cap­i­tal­isme, je veux une économie régulée écologique­ment et sociale­ment », a‑t-il déclaré. Il a insisté sur les chantiers de la réno­va­tion ther­mique, de l’a­gri­cul­ture et sur la néces­sité de met­tre en place un crime d’écocide avec une vraie police de l’environnement.

Rarement enten­due sur ces ques­tions, Valérie Pécresse (LR) s’est affichée pour une écolo­gie « inci­ta­tive » sans « inter­dits », mari­ant tech­nolo­gie et sobriété. Elle a van­té la réin­dus­tri­al­i­sa­tion et le « pro­tec­tion­nisme écologique » tout autant que l’économie cir­cu­laire, avec un objec­tif de 100 % de recy­clage en 2030 – sans détailler de quoi il retour­nait. Sur l’artificialisation des sols et la ges­tion des forêts, ses arbi­trages seront effec­tués selon une « hiérar­chie des pri­or­ités (économiques, NDLR) » qui paraît peu com­pat­i­ble avec sa volon­té de pro­téger la bio­di­ver­sité. Sa con­cep­tion de la « crois­sance durable », sem­ble dif­fi­cile­ment con­cil­i­able avec les objec­tifs de réduc­tion des émis­sions de CO2 de 55 % d’ici à 2030 qui imposent un change­ment rapi­de de tra­jec­toire.

Con­nu pour cer­taines posi­tions à rebours de la gauche sur l’é­colo­gie, le com­mu­niste Fabi­en Rous­sel a insisté sur le besoin d’agir vite en effec­tu­ant « une révo­lu­tion fis­cale, sociale, démoc­ra­tique ». Il veut inve­stir chaque année 140 mil­liards d’euros (6 % du PIB français) dans la tran­si­tion écologique. Favor­able au redé­ploiement du nucléaire, il souhaite rénover mas­sive­ment les loge­ments et relo­calis­er l’a­gri­cul­ture (surtout l’él­e­vage). Face à l’en­volée des prix, il veut baiss­er le tarif du car­bu­rant à la pompe pour aider les travailleur·euses dépendant·es de leur voiture. Il veut aus­si une prime à la con­ver­sion sur les véhicules hybrides ou élec­triques, « si ça ne coûte pas une blinde à recharg­er ».

Philippe Poutou, can­di­dat du Nou­veau par­ti ant­i­cap­i­tal­iste, n’était pas ini­tiale­ment con­vié au débat et il a dû écourter son audi­tion en rai­son d’un horaire de train à respecter. « Actuelle­ment, on fait pire que l’i­n­ac­tion en matière d’é­colo­gie. Il faut rompre avec le cap­i­tal­isme et sa logique pro­duc­tiviste », a‑t-il rap­pelé en ren­dant hom­mage à l’ensemble des acteurs asso­ci­at­ifs et syn­di­cal­istes engagés partout en France.

Anne Hidal­go, enfin, a misé sur son expéri­ence de maire de Paris. « Mon volon­tarisme reste intact », a plaidé la can­di­date social­iste qui ne veut pas de nou­v­el investisse­ment nucléaire (mais la pro­lon­ga­tion de cer­taines cen­trales) et plaide pour une « écolo­gie de la vie ». L’in­stau­ra­tion d’un impôt sur la for­tune (ISF) cli­ma­tique financerait les efforts en matière de trans­port et de loge­ment. Un nou­veau Défenseur de l’environnement pour­rait, à l’image du Défenseur des droits, faire val­oir le crime d’écocide qu’elle veut impos­er dans la lég­is­la­tion.

Les candidat·es d’extrême droite n’étaient pas convié·es à ce débat. Quant à Emmanuel Macron, il n’a pas répon­du aux sol­lic­i­ta­tions des organisateur·rices. Après avoir con­fir­mé sa venue, Jean-Luc Mélen­chon s’est décom­mandé : « Je me tiens à la dis­po­si­tion de l’Affaire du siè­cle pour un échange dans les mêmes con­di­tions dès les prochains jours », a‑t-il indiqué sur Twit­ter. « Dans une cam­pagne prési­den­tielle, tout est ques­tion de pri­or­ités », notait le soir même un·e mem­bre de l’Affaire du siè­cle en déplo­rant ces absences. Pour l’équipe organ­isatrice, l’essen­tiel est de dif­fuser large­ment sur les réseaux la parole des candidat·e·s qui se sont prêté·es au jeu.

Vous pou­vez retrou­ver l’ensem­ble du Débat du siè­cle dans la vidéo suiv­ante :