Espèce trébuchante. L’extinction probable de ce migrateur marque ce qui serait la première disparition d’une espèce continentale d’oiseau en Europe, selon une étude. Perte d’habitat, chasse… plusieurs pistes sont avancées pour expliquer l’effondrement de sa population.
Il n’avait plus été aperçu avec certitude depuis 1995 au Maroc. Plumage clair, bec courbé, le courlis à bec grêle est éteint avec une probabilité de 96%, indique un article publié le 17 novembre dans la revue ornithologique IBIS. C’est la première disparition d’un oiseau continental dans la zone paléarctique occidentale (Europe, Afrique du Nord, Asie occidentale), déplore ce jeudi la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Il était classé en danger critique sur la dernière liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Le courlis à bec grêle serait la troisième espèce de la zone paléarctique occidentale à être déclarée éteinte depuis le début des suivis naturalistes en 1500 – après le grand pingouin, vu pour la dernière fois en 1844, et un huîtrier disparu vers 1940. Mais eux vivaient sur des îles, et non sur le continent.
Échec de la coopération internationale sur la conservation de la biodiversité
«Quand le courlis à bec grêle a arrêté de revenir sur son principal site d’hivernage à Merja Zerga, au Maroc, beaucoup d’efforts ont été déployés pour essayer de les localiser sur des sites de reproduction», a déclaré Alex Bond, conservateur en chef au Muséum d’histoire naturelle (Natural history museum, en anglais) de Londres, qui a participé aux recherches.
«Plusieurs expéditions, des centaines de milliers de kilomètres carrés fouillés», et au final, «rien malheureusement», a-t-il déclaré dans un article de la RSPB britannique (société royale pour la protection des oiseaux).
Si plusieurs pistes sont avancées pour expliquer la disparition du courlis à bec grêle – perte d’habitat, chasse – il est difficile de tirer une conclusion claire. «Les pressions qui ont entraîné l’extinction de l’espèce sont pour la plupart des déductions non validées et ne seront peut-être jamais comprises et quantifiées», écrivent les auteurs de l’étude, qui jugent «essentiel» que des leçons soient tirées. «De telles extinctions sont un indicateur de l’échec de la coopération internationale sur la conservation de la biodiversité», écrivent-ils.
«Elle pourrait inaugurer une longue série macabre si nous n’agissons pas»
Les craintes autour de la préservation de cette espèce sont anciennes. On pensait dès 1912 qu’elle déclinait, peu après la découverte des premiers nids potentiels, et la possibilité de son extinction était évoquée dès les années 1940. Malgré cela, il a fallu attendre 1988 pour que le courlis à bec grêle soit classé comme menacé.
«Il est crucial de bien mesurer l’importance du signal d’alarme que représente l’extinction du courlis à bec grêle, car elle pourrait inaugurer une longue série macabre si nous n’agissons pas», a déclaré Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. «Des animaux autrefois communs comme les moineaux, les hirondelles ou les hérissons voient aujourd’hui leurs populations s’effondrer, a-t-il souligné dans un communiqué. Le mois dernier, la COP biodiversité n’a donné lieu qu’à des discussions soporifiques, il est urgent de se réveiller !»
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