L'hebdo

Les pôles dansent

De l'Arctique à l'Antarctique et de la Sibérie au Groenland, le thermomètre fait du yo-yo et les icebergs font du breakdance.


En matière de climat, la politique des petits pas mène à des exodes massifs : c'est l'info qu'il ne fallait pas rater cette semaine. 

En 2020, les catastrophes climatiques ont fait exploser le nombre de personnes déplacées

Tempêtes, inondations... Les trois-quarts des 40 millions de personnes déplacées dans le monde au cours de l'année 2020 l'ont été à cause de catastrophes liées au climat.

Deux causes principales forcent les humains à l'exil : les violences et les catastrophes. La plupart de celles et ceux qui fuient ces fléaux ne deviennent pas des réfugié·e·s à l'étranger mais restent à l'intérieur de leur pays. Fin 2020, dans le monde, 55 millions de personnes vivaient ainsi déplacées. Un record, selon le dernier rapport de l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), publié jeudi. Parmi celles-ci, 48 millions voulaient échapper à des guerres ou des conflits.

Dans son étude, l'organisation a calculé le nombre total de déplacements advenus au cours de la seule année 2020. Ce chiffre prend notamment en compte certains déplacements brefs de personnes qui sont retournées chez elles au bout de quelques temps.

Déplacées à cause de violentes inondations qui ont submergé leur village, des femmes viennent se ravitailler en eau dans un camp de réfugiés situé dans les environs de Thatta, au Pakistan (en 2010). © Banque asiatique de développement

Sur les 40,5 millions de déplacements internes survenus en 2020, 30,7 millions étaient le fait de catastrophes liées au climat. En tête, au cours d'une année marquée par le plus grand nombre d'ouragans nommés dans l'Atlantique : les tempêtes (14,6 millions). Amplifiées par des précipitations plus violentes, la déforestation et l'artificialisation des sols, les inondations représentent la deuxième cause de déplacement (14 millions). Les incendies (1,2 million) complètent ce sordide podium. Autant d'événements aggravés et multipliés par le bouleversement climatique.

L'Asie du sud-est, le Pacifique, et les Amériques ont payé le plus lourd tribut à ces catastrophes. En hausse de 20% en un an, le nombre de nouveaux déplacements en 2020 a atteint un niveau inégalé depuis dix ans. Relogement, éducation, santé, sécurité... Outre les drames humains, ces déplacements ont un coût immense pour les Etats, estimé par l'IDMC à 20,5 milliards de dollars en 2020.

On se refait le fil de cette folle semaine :

Le groupe nucléaire français Orano a renoncé à chercher de l'uranium au Groenland, malgré les permis dont il dispose. L'élection d'une majorité politique écologiste sur l’île en avril dernier (Vert) avait compliqué les projets du groupe français et hypothéqué l'obtention de permis d'extraction. Un autre gros projet controversé de mine de terres rares et d'uranium a été abandonné il y a peu. - Le Figaro (AFP)

• Lundi, Leonardo di Caprio a annoncé avoir réussi à mobiliser 43 millions de dollars (35,15M€) pour restaurer la faune et la flore des Îles Galapagos, situées au large de l'Equateur. Cette somme a été obtenue au travers de Re:wild, l'association que l'acteur américain a créée de concert avec des spécialistes équatoriens de la biodiversité. Ce projet prévoit de réintroduire de nombreuses espèces éteintes localement, comme le Moqueur de Floreana, premier oiseau moqueur décrit par le naturaliste Charles Darwin. - The Guardian (anglais)

• Mardi, pour la première fois, un actionnaire de Total s'est opposé au plan climatique du géant de l'énergie. Le gestionnaire d'actifs OFI Asset Management juge impératif que Total s'engage à « à réduire la production d’énergies fossiles ». Or ce n'est pas ce que contient la résolution sur le climat, soumise à l'ensemble des actionnaires, le 28 mai, qui prévoit de poursuivre l'exploitation du gaz ou du pétrole au cours des prochaines années. - Reporterre

• Mardi encore, la Commission européenne a proposé aux Etats membres d'interdire le dioxyde de titane dans les produits alimentaires. Utilisé comme colorant dans de nombreuses préparations industrielles (confiseries, pâtisseries, etc.) cet additif - le E171 – est toxique pour l'ADN (Anses). La France l'avait déjà banni de l'alimentation en 2019, mais il reste employé dans certains médicaments. - Le Monde

Le réchauffement climatique est trois fois plus rapide dans l'Arctique que sur le reste de la planète, a dévoilé un nouveau rapport du Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (PSEA), paru jeudi. Entre 1971 et 2019, la température moyenne annuelle s'y est élevée de 3,1 °C, contre 1°C pour l'ensemble de la planète. Une catastrophe pour les peuples autochtones dont les conditions de vie ont brutalement changé ; une aubaine pour certains pays, comme la Russie, pour qui la fonte des glaces ouvre de nouvelles routes maritimes et des gisements d'hydrocarbures. - La Tribune (abonnés)

31,9°C

Jeudi 20 mai, le mercure a atteint 31,9°C au nord du cercle polaire arctique, dans la station de Naryan-Mar en Sibérie (Russie). Pulvérisant de 4,1°C le précédent record pour un mois de mai, qui datait de 1991. Cette marque n'est qu'à deux petits degrés du record absolu atteint en juillet 1990, selon Etienne Kapikian, météorologue à Météo-France. Une température insensée à cette latitude, qui surpasse de plus de 20°C les normales de saison. En plus du réchauffement, cette anomalie est le résultat de l'action du Jet stream : ce courant de haute altitude prive actuellement l'Europe occidentale d'air chaud et repousse la chaleur vers la Sibérie. Si la région est coutumière des variations extrêmes de températures, les pics de chaleur se multiplient sous l'effet du réchauffement.

Cette semaine encore, nous avons appris tout un tas de choses. Par exemple : 

• Fléau social. Le réseau Facebook laisse se propager librement les fake news sur le climat, y compris des publicités ouvertement climato-sceptiques, alerte l'ONG Stop funding heat. - Vert

• Dissonantes et trébuchantes. Les crypto-monnaies voient leur cours dégringoler depuis que le célèbre entrepreneur américain Elon Musk s'est détourné du bitcoin, qu'il juge trop polluant. - Vert

• Pas fossile. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et contenir le réchauffement à 1,5°C, les nouveaux projets fossiles doivent cesser immédiatement. Et cette fois, ce n'est pas une ONG écologiste mais l'Agence internationale de l'énergie qui le dit. - Vert

• Ice scream. La réduction des tempêtes de neige accélère le réchauffement climatique sur le Groenland, dont la calotte glaciaire pourrait rapidement atteindre un point de non-retour, alertent deux nouvelles études. - Vert

• Eau secours. La France se dirige vers un quatrième été de sécheresse d'affilée, d'après les prévisions de Météo-France. L'un après l'autre, les étés 2018, 2019 et 2020 avaient chacun battu le record de l'été le plus sec jamais mesuré en France. - Vert

• Friture sur la ligne. De l'huile de cuisson usagée comme carburant d'un vol transantlantique : l'opération de com' pleine de greenwashing de Total, Air France et du gouvernement ne résout rien au problème climatique de l'aviation. - Vert

• Fast not good. Une étude menée dans six pays européens révèle la présence massive de polluants « éternels » dans les emballages de la restauration rapide : un danger pour les corps et l'environnement. - Vert

• Feu forêt. Dans les forêts boréales, des incendies peuvent couver tout l'hiver sous la neige avant de se réveiller au printemps ; des « incendies zombies » qui pourraient se développer à cause du réchauffement climatique. - Vert

Image satellite de l'iceberg A-76 au moment du « vêlage », la séparation du continent. © Agence spatiale européenne

Grand comme la moitié de la Corse, le plus vaste iceberg du monde vient de se détacher de l'Antarctiquea annoncé l'Agence spatiale européenne, mercredi. D'une superficie de 4 320 kilomètres carrés, A-76 (c'est son petit nom) a quitté la barrière de Filchner-Ronne pour dériver dans la mer de Weddell. Le décrochage d'icebergs à cette période de l'année est un phénomène naturel. Mais le réchauffement climatique, bien plus rapide dans les pôles, est voué à multiplier de tels épisodes. Plus de détails dans le Monde (abonné·es).

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• A recyclette. A partir de septembre, la Métropole de Lyon prêtera 10 000 vélos d'occasion reconditionnés aux 18-24 ans résidant sur son territoire. - Vert

• La pêche aux économies. Interdire la pêche destructrice dans les aires marines protégées bénéficierait – aussi – à l’économie. - Vert

• Automoville. L'Espagne vient de limiter la plupart des rues de ses villes à 30 km/h, une bonne nouvelle pour la sécurité et la santé des citadins. - Vert

• Les nouvelles vont bon train. Après trois ans d'arrêt, la liaison nocturne Paris-Nice a repris du service, jeudi soir. D'autres lignes devraient suivre. - Vert

En ce printemps pluvieux, voici de quoi rester au sec en toutes circonstances avec cette recette d'imperméabilisant naturel à la pierre d'alun. A retrouver sur le site de Vert.

Calmet de la paix. Dans Devenir gardiens de la nature, la juriste Marine Calmet appelle à s’inspirer des populations indigènes de l’Amazonie pour donner de vrais droits à la nature. Une chronique à lire sur le site de Vert

Des familles françaises « Au bord de la crise de vert »

Qu'est-ce que je fais quand la poubelle jaune est pleine ? Et qu'est-ce que c'est que cette lessive qui ne sent pas le propre ? Des questions sur l'écologie à la maison, les familles françaises en ont des tonnes.

La courte série documentaire Au bord de la crise de vert a suivi trois foyers du Plessis-Robinson, banlieue des Hauts-de-Seine, dans leur transition écologique domestique. Entre foi en la technologie et défaitisme, volonté de sauver le monde et rechignement à changer ses habitudes, discours inspirés et fake news sur le climat, cette série propose un attendrissant portrait de familles qui essaient, avec plus ou moins de bonne volonté, de faire de leur mieux.

A l'image de la majorité de la population française, l'écologie d'Au bord de la crise de vert reste toutefois très axée sur les petits gestes individuels. Or, même en adoptant un comportement « héroïque », un·e Français·e ne peut réduire que 25% de ses émissions, tant que les services publics et les grandes entreprises continueront de générer du CO2 en son nom, comme l'avait démontré le cabinet Carbone 4. L'écologie des petits pas conduira-t-elle aux grandes marches pour le climat ?

Au bord de la crise de vert (2021), 5 épisodes à revoir sur le replay de France 5

© France 5