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L’« avion vert » de Total et du gouvernement carbure au greenwashing

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De l’huile de fri­t­ure comme car­bu­rant d’un vol transant­lan­tique : l’opéra­tion de com’ pleine de green­wash­ing de Total, Air France et du gou­verne­ment ne résout rien au prob­lème cli­ma­tique de l’avi­a­tion.

« Il est 15h40. Le vol AF342 vient de décoller de Rois­sy, direc­tion Mon­tréal. C’est le tout pre­mier vol long-cour­ri­er avec du bio­car­bu­rant aérien durable pro­duit en France. » Ce mar­di 18 mai, à lire les tweets du min­istre délégué aux trans­ports Jean-Bap­tiste Djeb­bari, nous sommes en train de vivre un moment com­pa­ra­ble au débar­que­ment des humains sur la lune.

Lui-même pilote et amoureux incon­di­tion­nel de l’avion, Jean-Bap­tiste Djeb­bari applau­dit : « les réser­voirs de l’avion sont rem­plis d’un mélange de kérosène et de bio­car­bu­rant (16%, pré­cisé­ment). Ce bio­car­bu­rant, c’est 91% d’émissions de CO2 en moins par rap­port au kérosène. » Ce qu’il oublie oppor­tuné­ment de pré­cis­er, c’est que 84% du plein est tou­jours fait au kérosène et l’on ne sait guère faire mieux pour l’in­stant.

Sur Twit­ter, le PDG de Total a applau­di l’événe­ment. Une belle opéra­tion de com­mu­ni­ca­tion — soutenue par le gou­verne­ment — pour son entre­prise, qui vient de se lancer dans la pro­duc­tion de bio­car­bu­rants pour l’avi­a­tion. © Compte Twit­ter de Patrick Pouyan­né

Se refu­sant à réduire sérieuse­ment le traf­ic aérien, seule manière de faire baiss­er effi­cace­ment les émis­sions de ce secteur (Vert), le gou­verne­ment n’a accep­té qu’à con­tre­coeur de fer­mer trois lignes intérieures (Vert). Il mise désor­mais sur les bio­car­bu­rants pour ne rien chang­er sur le fond. À par­tir du 1er jan­vi­er 2022, les com­pag­nies aéri­ennes devront utilis­er au min­i­mum 1 % de ce car­bu­rant à base d’huiles de cuis­son usagées, puis 5 % en 2030, d’après la feuille de route du gou­verne­ment. Un objec­tif extrême­ment mod­este, alors que la France s’est promise de réduire de 40% les émis­sions de CO2 d’i­ci la fin de la décen­nie.

Par ailleurs, les capac­ités de pro­duc­tion actuelles ne suff­isent de loin pas à répon­dre à cette poten­tielle demande. Selon l’Ob­ser­va­toire de la sécu­rité des flux et des matières énergé­tiques, en 2025, la pro­duc­tion mon­di­ale de biokérosène ne devrait cou­vrir qu’en­v­i­ron 1% de la demande en car­bu­rant.

Et leur coût (4 à 5 fois supérieur au kérosène) reste pro­hibitif pour les com­pag­nies aéri­ennes : « Il ne faut pas rêver : croire que l’on fera cette tran­si­tion énergé­tique et écologique sans impact, que cette énergie sera au même coût, c’est un Graal, on en est loin », a expliqué, mar­di, le patron de Total, Patrick Pouyan­né (France 24). Mais per­son­ne ne sem­ble pou­voir empêch­er Jean-Bap­tiste Djeb­bari de croire en ses rêves.