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Soulèvements de la Terre : le feuilleton de la dissolution du mouvement en six dates clés

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Soulève­ments déter’. Deux mois après avoir sus­pendu la dis­so­lu­tion du mou­ve­ment écol­o­giste Les Soulève­ments de la Terre ini­tiée par le gou­verne­ment, le Con­seil d’État va juger le fond de l’affaire ce ven­dre­di après-midi. Chronolo­gie de ce feuil­leton judi­ci­aire en six dates.

25 mars 2023

À l’appel des Soulève­ments de la Terre, du col­lec­tif Bassines non mer­ci et du syn­di­cat la Con­fédéra­tion paysanne, entre 6 à 8 000 per­son­nes selon la police et 30 000, d’après les organisateur·rices, se sont réuni·es à Sainte-Soline (Deux-Sèvres — notre arti­cle). Elles et ils ont protesté con­tre la con­struc­tion dans le marais poitevin de méga-bassines — ces immenses retenues d’eau des­tinées à l’irrigation agri­cole et dont les sci­en­tifiques ques­tion­nent la per­ti­nence à long terme (notre arti­cle).

Inter­dite par la pré­fec­ture, la man­i­fes­ta­tion a tourné à l’affrontement entre les forces de l’ordre, nom­breuses, et les opposant·s, faisant un grand nom­bre de blessé·es dans les deux camps. Une man­i­fes­ta­tion vio­lem­ment réprimée par les forces de l’ordre, qui fait «un usage immod­éré et indis­crim­iné de la force sur l’ensemble des per­son­nes présentes», d’après les obser­va­tions de la Ligue des droits de l’homme. Cette dernière a relevé l’utilisation d’armes de guerre.

28 mars 2023

Quelques jours après la mobil­i­sa­tion de Sainte-Soline, le min­istre de l’intérieur Gérald Dar­manin annonce son inten­tion de dis­soudre les Soulève­ments de la Terre (SLT) devant l’Assemblée nationale (notre arti­cle). Ce mou­ve­ment écol­o­giste, qui réu­nit quelque 200 asso­ci­a­tions, syn­di­cats et col­lec­tifs locaux, a été créé début 2021 pour s’opposer à l’accaparement des ter­res et soutenir les luttes locales con­tre les pro­jets d’infrastructures jugés inutiles.

Il était déjà dans le viseur de Gérald Dar­manin, qui avait dénon­cé l’«écoter­ror­isme» d’une par­tie des manifestant·es après une mobil­i­sa­tion sim­i­laire à Sainte-Soline en octo­bre 2022 (notre reportage). «Le groupe­ment de fait les Soulève­ments de la Terre incite et par­ticipe à la com­mis­sion de sab­o­tages et de dégra­da­tions matérielles», détaille le min­istre de l’intérieur dans une note trans­mise à la presse.

Il con­clut au «rôle majeur» des SLT dans «la con­cep­tion, la dif­fu­sion et l’acceptation de modes opéra­toires vio­lents, favorisant et val­orisant ain­si le proces­sus de rad­i­cal­i­sa­tion d’une par­tie de la mou­vance écol­o­giste et d’ultra-gauche», ce qui néces­site, selon lui, la dis­so­lu­tion. Après l’annonce du min­istre de l’intérieur, le mou­ve­ment lance un vaste appel inti­t­ulé «Nous sommes les soulève­ments de la Terre», signé par près de 155 000 per­son­nes qui revendiquent leur sou­tien au mou­ve­ment, dont les auteur·rices Corinne Morel-Dar­leux, Alain Dama­sio et Bap­tiste Mori­zot.

14 juin 2023

Alors que le sujet de la dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre sem­ble avoir été mis sous le tapis depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron exige que la procé­dure soit enfin lancée en con­seil des min­istres. Cette prise de posi­tion inter­vient quelques jours après une mobil­i­sa­tion polémique con­tre les car­rières de sable en Loire-Atlan­tique (notre arti­cle) : des plants et des tuyaux d’irrigation ont été arrachés sur le site d’expérimentation de la fédéra­tion des maraîch­ers nan­tais, générant l’incompréhension chez plusieurs sou­tiens du mou­ve­ment.

Une man­i­fes­ta­tion con­tre la men­ace de dis­so­lu­tion, à Nantes en juin 2023. © Sebastien SALOM-GOMIS / AFP

21 juin 2023

Gérald Dar­manin prononce offi­cielle­ment la dis­so­lu­tion des Soulève­ments avec un décret présen­té en con­seil des min­istres (notre arti­cle). «Le recours à la vio­lence n’est pas légitime dans un État de droit et c’est bien cela qui est sanc­tion­né», jus­ti­fie le porte-parole du gou­verne­ment Olivi­er Véran. Les Soulève­ments de la Terre appel­lent alors à une vaste mobil­i­sa­tion nationale con­tre la répres­sion du gou­verne­ment, qui a procédé à de nom­breuses inter­pel­la­tions de militant·es proches des SLT la veille.

Les avocat·es du col­lec­tif, Raphaël Kempf et Ain­o­ha Pas­cual, annon­cent aus­sitôt leur inten­tion de saisir le Con­seil d’État pour con­tester la déci­sion (notre arti­cle). La requête en référé pour obtenir la sus­pen­sion en urgence de la dis­so­lu­tion a finale­ment été déposée le 28 juil­let devant la plus haute juri­dic­tion admin­is­tra­tive française.

11 août 2023

Pre­mière vic­toire pour les Soulève­ments de la Terre : le Con­seil d’État décide de sus­pendre leur dis­so­lu­tion (notre arti­cle). «Les élé­ments apportés par le min­istre de l’intérieur et des out­re-mer pour jus­ti­fi­er la légal­ité du décret de dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre n’apparaissent pas suff­isants», écrivent les juges des référés, qui con­sid­èrent «qu’il existe un doute sérieux quant à la qual­i­fi­ca­tion de provo­ca­tion à des agisse­ments vio­lents à l’encontre des per­son­nes et des biens retenue par le décret». «C’est un cam­ou­flet pour Gérald Dar­manin et Emmanuel Macron», s’est félic­ité Raphaël Kempf, avo­cat des SLT sur BFMTV. L’audience avait eu lieu le 8 août en présence des dif­férentes par­ties (Vert y était). La déci­sion de sus­pendre l’exécution du décret de dis­so­lu­tion est pro­vi­soire, dans l’attente du juge­ment de l’affaire «au fond» pour éval­uer son annu­la­tion.

27 octobre

La deux­ième audi­ence est prévue au Con­seil d’État ce ven­dre­di après-midi, à 14h. Elle se déroulera devant la sec­tion du con­tentieux, une des for­ma­tions les plus solen­nelles du Con­seil d’État — signe de l’importance toute par­ti­c­ulière qu’il porte à ce recours. Le rap­por­teur pub­lic va présen­ter ses con­clu­sions aux 15 juges présent·es, dont le délibéré n’est pas atten­du avant au moins une semaine. Il sem­blerait que le rap­por­teur pub­lic se pronon­cera en faveur de la dis­so­lu­tion, à rebours de la déci­sion établie par les juges en août.

On dit sou­vent que l’avis du rap­por­teur pub­lic est générale­ment suivi par le Con­seil d’État dans sa déci­sion finale, mais ce n’est pas tou­jours le cas. Il con­vient de rester très prudent·e sur la suite de ce recours, d’autant qu’il s’agit d’un sujet de droit assez nou­veau et par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble puisqu’il touche à la lib­erté d’association. Les Soulève­ments ont d’ores et déjà appelé à un rassem­ble­ment de sou­tien dès midi devant le Con­seil d’État, à Paris.