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Soulèvements de la Terre : le gouvernement prononce la dissolution du mouvement

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La dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre a été pronon­cée ce mer­cre­di matin en con­seil des min­istres.

«Le recours à la vio­lence n’est pas légitime dans un État de droit et c’est bien cela qui est sanc­tion­né», a jus­ti­fié le porte-parole du gou­verne­ment Olivi­er Véran. «C’est la pre­mière fois qu’un mou­ve­ment écologique est dis­sout dans l’His­toire, on passe un cap dans la crim­i­nal­i­sa­tion du mou­ve­ment», estime Julien Talpin, soci­o­logue au CNRS et coor­di­na­teur de l’Observatoire des lib­ertés asso­cia­tives. Ce mer­cre­di, le gou­verne­ment a acté la dis­so­lu­tion du mou­ve­ment des Soulève­ments de la Terre, dans son viseur après une série de mobil­i­sa­tions menées con­tre divers pro­jets d’infrastructures depuis des mois.

Des «méga-bassines» du marais poitevin au pro­jet de train à grande vitesse entre Lyon et Turin, en pas­sant par des actions con­tre le maraîchage inten­sif et la béton­i­sa­tion en Loire-Atlan­tique ; la mul­ti­pli­ca­tion des actions menées par les Soulève­ments de la Terre (SLT) con­tre des pro­jets d’infrastructures jugées néfastes pour l’environnement a relancé la procé­dure ini­tiée par le min­istre de l’Intérieur.

Le 28 mars, agi­tant le chif­fon rouge d’un «écoter­ror­isme» fan­tas­mé après les affron­te­ments de Sainte-Soline, Gérald Dar­manin avait annon­cé avoir engagé le proces­sus de dis­so­lu­tion. Mais ce col­lec­tif, qui regroupe divers­es asso­ci­a­tions et comités locaux, n’a pas d’identité juridique pro­pre — ce n’est pas une asso­ci­a­tion de loi 1901 — et ne saurait donc être dis­sout, esti­ment ses défenseurs. Le gou­verne­ment estime qu’il s’agit toute­fois d’un «groupe­ment de fait» — ce qui per­me­t­trait, en principe, sa dis­so­lu­tion.

Cette déci­sion est éminem­ment poli­tique, d’après le poli­to­logue spé­cial­iste des ques­tions cli­ma­tiques Simon Per­si­co, «mais le gou­verne­ment est obligé de la jus­ti­fi­er par le droit». L’exécutif se fonde sur l’article L212‑1 du code de la sécu­rité intérieure. Celui-ci dis­pose que «des man­i­fes­ta­tions armées ou des agisse­ments vio­lents à l’encontre des per­son­nes ou des biens» con­stituent un motif de dis­so­lu­tion.

Lancé quelques jours après l’annonce de l’exécutif, un vaste appel inti­t­ulé «Nous sommes les soulève­ments de la Terre» a été signé par plus de 109 000 per­son­nes — dont la prix Noble de lit­téra­ture Annie Ernaux ou l’auteur Alain Dama­sio — qui revendiquent publique­ment leur appar­te­nance au mou­ve­ment. Celui-ci apporte «une légitim­ité démoc­ra­tique» au col­lec­tif, d’après Simon Per­si­co. Face au flou juridique et au sou­tien mas­sif de militant·es et poli­tiques de gauche, le gou­verne­ment en était resté là.

Un temps mis sur pause, le dossier avait été remis sur la table le 14 juin dernier par Emmanuel Macron, qui avait exigé la dis­so­lu­tion du mou­ve­ment après des actions con­tre le maraîchage indus­triel en Loire-Atlan­tique revendiquées par le col­lec­tif. Les militant·es avaient arraché des plants de salade dans une serre expéri­men­tale ain­si que du muguet pour les rem­plac­er par du sar­rasin, provo­quant l’indignation de la droite et de la FNSEA.

Hier matin, après un pre­mier coup de filet le 5 juin dernier, une nou­velle série d’ar­resta­tions de militant·es proches des SLT a été menée ce mar­di par la sous-direc­tion antiter­ror­iste, notam­ment en Loire-Atlan­tique, dans la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-Des-Lan­des et dans la région mar­seil­laise. 18 militant·es ont été placé·es en garde à vue dans le cadre d’une instruc­tion judi­ci­aire con­cer­nant des faits de dégra­da­tions com­mis en décem­bre dernier dans une usine Lafarge dans les Bouch­es-du-Rhône

Controverse dans les fondements de la dissolution

Les SLT qui se revendiquent comme un «vaste mou­ve­ment hétérogène et com­pos­ite», dénon­cent une déci­sion «inique» et une «opéra­tion de com­mu­ni­ca­tion pour ten­ter de faire taire un mou­ve­ment pop­u­laire» dans un com­mu­niqué pub­lié mar­di. Le col­lec­tif a appelé à une mobil­i­sa­tion mer­cre­di 21 juin en début de soirée dans toute la France «en sou­tien aux per­son­nes arrêtées et con­tre la dis­so­lu­tion des Soulève­ments» et a annon­cé aller «devant la jus­tice» s’il le fal­lait, en sai­sis­sant le Con­seil d’Etat en procé­dure d’urgence de référé-lib­erté.