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Interrogé par le Parlement sur les violences contre les manifestants, Gérald Darmanin se défausse encore sur l’«ultra-gauche»

Auditionné par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, le ministre de l’Intérieur a défendu le maintien de l’ordre opéré contre les opposant·es aux «méga-bassines» ou à la réforme des retraites, agitant une fois encore le chiffon rouge d'une «ultra-gauche» française et européenne infiltrée.
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«Ce n’est pas un prob­lème de main­tien de l’ordre, c’est un prob­lème de l’ultra-gauche». Gérald Dar­manin pose le cadre dès l’entame de sa pre­mière inter­ven­tion devant les député·es de la Com­mis­sion des lois du palais Bour­bon ce mer­cre­di matin. À l’aide d’une présen­ta­tion Pow­er­point, le min­istre déroule les vidéos et les détails d’attaques recen­sées con­tre les policiers lors de récentes man­i­fes­ta­tions. «À par­tir du 16 mars, l’ultra-gauche a pris en otage les man­i­fes­ta­tions et ce n’est pas qu’un cas français». Du G20 d’Hambourg en 2017 à la Zone à défendre (ZAD) alle­mande de Lützerath en jan­vi­er dernier (Vert), le min­istre de l’Intérieur égrène les exem­ples inter­na­tionaux pour prou­ver que la France n’est pas une excep­tion.

Les médias étrangers, la Ligue des droits de l’Homme, le Con­seil de l’Europe et même les Nations unies se sont préoc­cupés du niveau de vio­lence observé dans le main­tien de l’ordre en France ? «J’invite le com­mis­saire du Con­seil de l’Europe à venir voir les policiers et gen­darmes directe­ment», bal­aie Gérald Dar­manin, qui préfère dévelop­per l’idée d’une «européani­sa­tion de la vio­lence», d’un enne­mi de l’intérieur et de l’extérieur. Les forces de l’ordre auraient ain­si con­trôlé 24 000 véhicules à la fron­tière et émis dix inter­dic­tions d’entrée sur le ter­ri­toire en prévi­sion des man­i­fes­ta­tions con­tre les méga-bassines. «L’ultra-gauche est plus inter­na­tion­al­iste, l’arrivée dans dif­férentes caus­es mon­tre qu’il y a beau­coup plus d’échanges inter­na­tionaux», con­sid­ère le min­istre.

Pour ten­ter de démon­tr­er que les affron­te­ments avaient été prémédités par les opposant·es aux méga-bassines rassemblé·es à Sainte-Soline dix jours plus tôt, il expose des tracts dis­tribués sur place prodiguant des con­seils aux militant·es «avant, pen­dant et après l’action». «Par­mi les per­son­nes étrangères, il y a des pro­fes­sion­nels de la con­tes­ta­tion, qui nous pen­sons, sont organ­isés», explique-t-il. Face à un enreg­istrement télé­phonique révélé par Le Monde prou­vant que les gen­darmes ont entravé l’arrivée des sec­ours sur les lieux, Gérald Dar­manin dénonce des «fake news» et défend les moyens prévus par la préfète des Deux-Sèvres avec notam­ment un héli­cop­tère et des médecins de la gen­darmerie ain­si que plusieurs véhicules de sec­ours.

«Les organisateurs d’une manifestation sont en charge des secours, même quand elle n’est pas déclarée».

«Mal­gré le har­cèle­ment et les jets de pierre, un médecin du GIGN est allé soign­er les man­i­fes­tants blessés», assure le min­istre. Il se dédouane de toute respon­s­abil­ité, marte­lant que «les organ­isa­teurs d’une man­i­fes­ta­tion sont en charge des sec­ours, même quand elle n’est pas déclarée».

Il jus­ti­fie sa demande de dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre — le col­lec­tif qui a organ­isé le rassem­ble­ment — en pointant leurs «appels aux soulève­ments et à la vio­lence con­tre les forces de l’ordre et les insti­tu­tions». Il ajoute : «ce n’est pas une asso­ci­a­tion, mais un “groupe­ment de fait” car­ac­térisé les ren­seigne­ments, il n’y a donc pas d’atteinte à la lib­erté d’association».

L’application du droit contre «l’action violente des causes écologiques»

Selon lui, les militant·es présent·es à Sainte-Soline se sont formé·es grâce à la ZAD de Notre-Dame-des-Lan­des. «La ZAD créée des cel­lules souch­es pour d’autres con­tes­ta­tions et d’autres vio­lences, par­fois des con­tre-sociétés, avec la dés­co­lar­i­sa­tion des enfants ou de l’entrisme dans les con­seils munic­i­paux». Provo­ca­teur, le min­istre accuse alors de «lax­isme» les députés social­istes, coupables d’avoir lais­sé se dévelop­per, lors du quin­quen­nat de François Hol­lande, la ZAD de Notre-Dame-des-Lan­des. Celle-ci a abouti à l’abandon — par Emmanuel Macron — du pro­jet d’aéroport.

Devant les député·es et sénateur·rices, Gérald Dar­manin défend l’idée de créer une cel­lule anti-ZAD afin de con­tr­er a pri­ori, avec des out­ils juridiques, les vio­la­tions de «pro­priétés sur des ter­rains, les con­tes­ta­tions sans cesse de pro­jets, le paiement en cash de cer­tains agricul­teurs, ou les men­aces con­tre les élus et autorités». Il ne cesse de rap­pel­er qu’il ne fait qu’appliquer des déci­sions de jus­tice et la «vio­lence légitime», tor­dant une fois encore le con­cept dévelop­pé par Max Weber comme il le fait depuis plusieurs années.