Reportage

Coup de chaud, manque d’eau et d’ombre… les sans-abri en première ligne des fortes chaleurs

Plus fréquentes et intenses en raison du changement climatique, les vagues de chaleur impactent particulièrement les personnes les plus précaires. L’accès à l’eau, aux soins ou encore à des espaces ombragés est plus difficile, expliquent des bénévoles de la Croix-Rouge que Vert a suivi·es lors d’une maraude dans Paris, lundi 11 août.
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Justin est Brésilien, il est arrivé à Paris il y a quelques semaines et vit à la rue. Ce lundi soir, le jeune homme dort sur un matelas coincé sous le porche d’un immeuble du 10ème arrondissement de la capitale lorsqu’une équipe de quatre bénévoles de la Croix-Rouge française vient le réveiller doucement.

Une personne sans-abri dans Paris lors de la dernière vague de chaleur, au début du mois de juillet. ©Joël Saget/AFP

«L’eau, c’est le plus important», souffle-t-il lorsque ces dernier·es lui tendent une petite bouteille encore fraîche malgré la température de l’air qui peine à baisser en ce début de nuit. Soupe de pâtes à la main, il échange quelques mots sur sa santé avec les deux personnes en chasuble rouge vif assises à ses côtés.

«Ça va être de pire en pire avec les années qui arrivent»

«La nourriture est avant tout un prétexte pour engager la conversation, notre premier objectif, c’est de faire du lien social, explique Suzanne Midy, cheffe d’équipe pour l’unité locale de la Croix-Rouge des 3ème et 10ème arrondissements de Paris. Mais ce soir il fait très chaud, alors on essaye d’adapter la maraude en proposant systématiquement de l’eau.»

Dans les valises embarquées par l’équipe humanitaire, un important stock de bouteilles d’eau fraîche s’est ajouté aux thés, café, soupes de légumes et nouilles habituellement emportés en maraude. Lorsqu’ils et elles ont un véhicule, les bénévoles chargent aussi des gourdes à offrir. Et si les personnes n’en veulent pas, «on essaye toujours de s’assurer qu’elles savent où trouver de l’eau et être au frais», complète Suzanne Midy. Dans la plupart des quartiers de Paris, les unités locales de la Croix-Rouge disposent de la carte des fontaines pour orienter les sans-abri.

«Ils manquent cruellement d’endroits pour pouvoir se rafraichir, déplore Emma Thouvenot, bénévole à la Croix-Rouge. On a aussi eu des maraudes où les gens ne pouvaient pas rester sur le sol tellement il faisait chaud, et ça va être de pire en pire avec les années qui arrivent».

Entrées et cours d’immeubles, tunnels, parcs… les recoins d’ombre se font de plus en plus rares dans les villes, notamment à cause de l’«architecture hostile», visant à empêcher les personnes à la rue de s’installer à certains emplacements. Certain·es arrivent tout de même à trouver des endroits adéquats, comme Ivo, un habitué du quartier, qui passera la nuit dans un petit jardin public.

Nuits tropicales et coups de chaud

Quelques rues plus loin, Suzanne et Emma distribuent des T-Shirts à manche courte à trois jeunes Erythréens arrivés quelques jours auparavant dans la capitale. Des vêtements adaptés sont essentiels pour éviter les coups de soleil comme les surplus de chaleur. «On a du mal à subvenir à leurs besoins l’été, constate Emma Thouvenot. C’est plus facile de rajouter des couches d’habits ou un sac de couchage quand il fait froid».

Emma et Clément, bénévoles à la Croix-Rouge des IIIe et Xe arrondissements de Paris, lors d’une maraude pendant la vague de chaleur d’août. ©Lisa Drian/Vert

Contrairement aux idées reçues, la chaleur est tout aussi dangereuse que le froid pour les sans-abris. Si les causes sont souvent multiples, «le principal risque, c’est le décès par insolation ou par hyperthermie [une température trop élevée du corps humain, NDLR]», détaille par téléphone Florent Vallée, directeur des opérations d’urgence à la Croix-Rouge.

Des menaces qui sont aggravées par les phénomènes d’ilot de chaleur dans les villes. Selon une étude publiée en 2023 dans la revue scientifique The Lancet Planetary Earth, Paris est la capitale européenne au risque de surmortalité le plus élevé en cas de canicule.

Sur les coups de 22h30, le thermomètre est encore au-dessus de 25°C : une «nuit tropicale» qui n’est pas sans effet sur la santé humaine (notre article). «Quand il fait très chaud, on voit des différences de comportement chez les personnes que l’on croise : les échanges sont plus tendus, les comportements plus agressifs», liste Suzanne Midy, qui doit régulièrement gérer des tensions avec les personnes rencontrées.

Des dispositions d’urgence pendant les canicules

Rougeurs, maux de tête, malaises… lorsqu’une maraude rencontre une personne en détresse, elle peut aussi appeler les urgences. A partir d’un certain niveau de température, les autorités peuvent déclencher des actions spéciales : maraudes supplémentaires, prolongation des horaires des accueils de jour et ouverture de lieux temporaires pour proposer des espaces de fraîcheur.

Lors de la dernière vague de chaleur au début du mois de juillet, la ville de Paris a expérimenté pour la première fois son «plan grand chaud» avec, par exemple, des distributions de «kits chaleur», contenant des gourdes, des vêtements légers ou encore des informations sur les ilots de fraicheur.

«Les sans-abri ont besoin de nous toute l’année», tient à souligner Florent Vallée. Ce dernier rappelle les fondamentaux pour aider au quotidien les personnes en difficulté : leur parler, créer du lien social, demander ce dont elles ont besoin, et appeler les secours en cas de problème de santé urgent.

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