Reportage

Dissolution des Soulèvements de la Terre : associations et gouvernement affutent leurs arguments devant le Conseil d’État

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Recours cir­cuit. Ce mar­di, le Con­seil d’Etat exam­i­nait un pre­mier recours en urgence con­tre la dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre. Pre­mier round d’un bras de fer entre le gou­verne­ment et ce mou­ve­ment soutenu par de nom­breuses asso­ci­a­tions.

La salle d’audience du Con­seil d’Etat est pleine à cra­quer ce mar­di après-midi pour exam­in­er les qua­tre recours déposés en référé par les Soulève­ments de la Terre (SLT) et leurs sou­tiens. Sous le pla­fond doré du Palais-Roy­al, le juge admin­is­tratif va devoir dire si la dis­so­lu­tion pronon­cée le 21 juin doit être sus­pendue en urgence — ou pas. Il ne tranchera défini­tive­ment le lit­ige «au fond» que dans plusieurs mois.

«Si le décret est main­tenu en l’état, des dizaines de mil­liers de mem­bres des comités locaux [des Soulève­ments de la Terre, NDLR] per­dent leur lib­erté d’expression et de réu­nion», avan­cent les avocat·es des SLT pour jus­ti­fi­er une annu­la­tion d’urgence. «Faux», réplique la représen­tante du min­istère de l’Intérieur, affir­mant que les sympathisant·es ne pour­ront pas être poursuivi·es pour leur appar­te­nance au mou­ve­ment tant que la dis­so­lu­tion ne sera pas défini­tive­ment con­fir­mée par la jus­tice. «Les per­son­nes qui ont choisi d’adhérer aux Soulève­ments de la Terre entrent de toute manière dans le scope des ser­vices de ren­seigne­ment», pré­cise-t-elle.

Près de 20 000 per­son­nes et de nom­breuses organ­i­sa­tions se sont jointes aux recours déposés par les Soulève­ments de la terre. Ici, des mem­bres de l’association Agir pour l’environnement et du par­ti la France insoumise (LFI) réaf­fir­ment leur sou­tien avant l’audience au Con­seil d’Etat. © Alban Leduc / Vert

L’interprétation de la loi en question

Depuis les affron­te­ments autour des méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars dernier (Vert), les Soulève­ments de la Terre sont dans le viseur du min­istère de l’Intérieur. Celui-ci les accuse d’incitation à la vio­lence à tra­vers les appels au sab­o­tage, et à des affron­te­ments avec les forces de l’ordre. «Il y a surtout un grand cafouil­lage», réplique Ain­o­ha Pas­cual, avo­cate des SLT. Elle réfute la car­ac­téri­sa­tion de «groupe­ment de fait» util­isée par le gou­verne­ment pour dis­soudre ce mou­ve­ment qui n’a pas d’existence juridique, sou­tenant qu’il s’agit seule­ment d’un ensem­ble com­pos­ite de dif­férents col­lec­tifs. L’avocate met en avant le fait que d’autres organ­i­sa­tions égale­ment à l’initiative de rassem­ble­ments n’aient pas été inquiétées.

Pour vis­er spé­ci­fique­ment les SLT, le gou­verne­ment dénonce des «trou­bles graves à l’ordre pub­lic». «La ques­tion cen­trale est de savoir ce que sig­ni­fie l’adverbe “grave­ment”, per­son­ne n’en a la déf­i­ni­tion», explique à Vert Dori­an Guinard, maître de con­férences en droit pub­lic à l’Université Greno­ble Alpes. Dans un ping-pong d’arguments, les deux par­ties se répon­dent dans des reg­istres totale­ment dif­férents. «Je rap­pelle que le texte [la loi con­tre le séparatisme de 2021 sur laque­lle se base le gou­verne­ment pour pronon­cer cette dis­so­lu­tion, NDLR] dit qu’il suf­fit qu’il y ait des appels à provo­quer des agisse­ments. Que ce soit suivi d’effets ou pas», insiste Pas­cale Leglise, direc­trice des lib­ertés publiques et des affaires juridiques et représen­tante du min­istère de l’Intérieur.

«Il ne faut pas être hyp­ocrite, nous faisons des appels à la désobéis­sance civile, mais je ne pense pas que cela puisse être qual­i­fié de vio­lence», répond Basile Dutertre, porte-parole des Soulève­ments de la Terre. Recon­nais­sant, à l’issue de l’audience, un cer­tain dia­logue de sourds, il espère d’abord avoir con­va­in­cu le Con­seil d’État de se met­tre en cohérence avec les con­damna­tions pour «inac­tion cli­ma­tique» déjà pronon­cées à l’encontre du gou­verne­ment. La déci­sion devrait être ren­due dans la semaine.