Comment avez-vous accueilli l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre ?
On trouve que c’est une décision profondément anti-démocratique. Les Soulèvements de la Terre mènent des actions de désobéissance civile avec de la dégradation matérielle. Ce sont des modes d’actions qui ont toujours été là dans les mouvements sociaux et c’est ce qui fait qu’on est en démocratie en France. On peut prendre en exemple le démontage du McDonald’s de Millau, le mouvement de José Bové au Larzac, ou encore les fauchages d’OGM.
Certes, le pouvoir peut décider de réprimer ces actions par la justice, et c’est déjà ce qu’il fait avec les arrestations [voir plus loin]. Mais dissoudre le mouvement, c’est encore une étape supérieure. L’idée, c’est de faire en sorte que ce mouvement n’existe plus du tout.
Avec cette annonce de dissolution, mais aussi avec la criminalisation croissante des mouvements écologistes et par les dispositifs de maintien de l’ordre qui sont de plus en plus violents, nous trouvons que le gouvernement suit une pente autoritaire.
Et cette dissolution provient d’un gouvernement qui a été condamné pour inaction climatique et qui, selon nous, mène une politique de destruction délibérée du vivant. Au lieu d’écouter les revendications de mouvements écologistes, il préfère les criminaliser.
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a annoncé que c’était la violence du collectif qui était à l’origine de sa dissolution. Que lui répondez-vous ?
Les modes d’actions des Soulèvements de la Terre – blocages, occupations et actions de désarmement – s’attaquent à des machines et pas des être vivants. Ces accusations de violences ne correspondent pas à ce à quoi appelle le mouvement. Si on commence à vouloir dissoudre tous les mouvements dans lesquels les manifestants ont riposté face à la police lors de manifestations, il faut aussi demander la dissolution de l’intersyndicale [opposée à la réforme des retraites].
On sait très bien que dans toutes les manifestations en France face à une violence des forces de l’ordre de plus en plus grande, malheureusement, il y a de plus en plus d’affrontements. Mais de dire que les SLT appellent à la violence, c’est pour moi totalement infondé.
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Maintenant que la dissolution est actée, quelle est la prochaine étape ? Est-ce que vous allez contester la décision devant la justice ?
Nous allons attaquer en référé la décision de l’État au Conseil d’État et nous sommes prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme pour la faire annuler. En France, la dissolution a été facilitée par la loi contre le séparatisme mais on sait très bien qu’au niveau européen, la liberté d’association est davantage garantie.
Je suis plutôt optimiste dans le sens où les organisations qui luttent ensemble au sein des SLT ne vont pas arrêter de le faire après la dissolution.
On nous empêche d’utiliser une image et un logo. Pour moi, ça ne va pas du tout stopper le mouvement. On n’a jamais autant parlé des Soulèvements et de nos modes d’action -démanteler des infrastructures à l’origine de ravages écologiques- depuis que l’on a subi ces menaces de dissolution. Le discours que nous portons résonne dans les milieux écologistes.
Je trouve très inquiétante la modification des lois d’abord au motif de la lutte contre le terrorisme et qui s’étend ensuite à toutes les contestations. L’Onu a sorti une note qui fait état de la criminalisation des mouvements écologistes qui, pour moi, est assez révélatrice de de ce qui se passe en ce moment au sein du gouvernement Macron.
18 personnes proches des SLT ont été placées en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur des actions contre une usine Lafarge dans la région marseillaise en décembre dernier. Craignez-vous que la répression envers les militants écologistes ne s’intensifie ?
Je ne crains pas que la répression s’intensifie. C’est déjà acté qu’elle s’intensifie. Il y a eu deux séries d’arrestations envers des militants qui sont soupçonnés d’avoir participé à des actions de désobéissance civile. C’est du jamais vu. Que ces militants fassent 80 heures de garde à vue puis qu’ils soient relâchés sans poursuite, ça me semble totalement aberrant. Les faits qu’on leur reproche ne sont pas du tout proportionnels à la criminalisation qui est mise en place.
Maintenant que la dissolution est actée, quels sont les risques encourus par celles et ceux qui continueront à se revendiquer ou à mener des actions au nom des SLT ?
Le risque c’est que nous soyons poursuivis pour maintien ou reconstitution de ligue dissoute. Derrière le groupement de fait des SLT, qui pour l’instant semble large et flou, a priori nous n’aurions pas le droit de nous retrouver au sein de ce groupement de fait et de prôner des choses qui pourraiznt s’assimiler à un maintien – ou à la reconstitution- de la ligue dissoute.
C’est du droit et cela dépend de la façon dont il est interprété. Est-ce qu’ils vont arrêter des centaines de personnes parce qu’elles vont faire des actions de désobéissance civile impactantes dans des luttes locales ? C’est totalement inimaginable! Sinon on passe encore à une échelle plus inquiétante dans la criminalisation des mouvements écologistes. Pour l’instant, je ne pense pas que ce soit faisable, car ça veut aussi dire s’en prendre à des associations historiques comme Attac ou la confédération paysanne.
Enfin, on se doute que dans les faits, il y aura une surveillance accrue des personnes qui ont été particulièrement visibles dans les SLT.