What the phoque ?

Le grand bêtisier écolo 2022 de Vert

Ils font voler des milliers d’avions à vide, voyagent en jets comme d'autres prendraient le métro, skient en salle pour contrer la canicule et courent sur une piste climatisée en plein air… 2022 a compté son lot de situations absurdes et de drôles de déclarations. Voici notre best of du grand what the phoque écolo de 2022, avec de vrais morceaux de ministres et de chasseurs dedans.
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« À pied on rejette plus de CO2 que sa voiture électrique. Est-ce que c’est vraiment bon pour les ours polaires ? Je ne sais pas. »

Caisse qu’il raconte ? Invité des Grandes gueules de RMC en janvier, le rédacteur en chef adjoint d’Autoplus, François Tarrain, s’est ému de la taille des messages « éco-responsables » dont doivent se munir les publicités automobiles. « Aujourd’hui, les pubs, c’est quasiment que des voitures électrifiées », jure le journaliste. Avant d’ajouter : « Alors bon, on a une voiture électrique qui pollue pas mais il faut quand même préférer y aller à pied, sachant qu’à pied on rejette plus de CO2 que sa voiture électrique. » On a eu beau chercher, on ne voit toujours pas comment François Tarrain a pu considérer que le fait d’expirer en marchant pouvait émettre plus de CO2 qu’expirer au volant d’une voiture manufacturée, composée de centaines de kilos d’acier et munie de batteries au lithium qui contiennent de l’électricité parfois produite à partir de combustibles fossiles. Lire notre décryptage.

Des compagnies aériennes font voler des dizaines de milliers d’avions à vide

Ça vole pas haut. Près de « 18 000 vols inutiles » ont été opérés en janvier par la compagnie aérienne allemande Lufthansa, a annoncé son PDG dans un entretien avec la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Et ce « juste pour garantir nos droits de décollage et d’atterrissage », a précisé Carten Spohr. 33 000 vols avaient déjà été annulés par la compagnie face à la forte baisse des réservations causée par la pandémie (notre article). Les avions atterrent.

Démonter un pont pour faire passer le yacht de Jeff Bezos ?

C’est le pompont. Construit dans un chantier naval de Rotterdam (Pays-Bas), le nouveau superyacht du milliardaire Jeff Bezos est d’une taille si extravagante qu’il ne peut pas passer sous le pont de Koningshaven. Résultat, il a alors été envisagé de partiellement démonter ce superbe édifice aux faux airs de tour Eiffel pour permettre au nouveau jouet du patron d’Amazon (estimé à 430 millions d’euros) de gagner la mer. Une option qui a fait naître une forte polémique avant d’être abandonnée. Plus d’informations à lire ici (en anglais).

« L’éco-lucidité » d’Emmanuel Macron

L’éco-langue de bois. En déplacement à Pau (Pyrénées-Atlantiques) le 18 mars, Emmanuel Macron a été interpellé par une militante du mouvement de jeunes Youth for climate. La jeune femme a dénoncé l’inaction de son gouvernement face à l’urgence climatique et sociale, et raconté l’éco-anxiété que cela faisait naître chez elle – une inquiétude face à l’avenir et au changement climatique qui concerne 45 % des 16-25 ans, selon une étude publiée dans The Lancet planetary health. Mais le président, alors candidat, a préféré le bon mot à la réponse franche, vantant « l’éco-lucidité » contre l’éco-anxiété, car « la peur ne permet pas d’agir ». Voilà la jeunesse rassurée.

Le panthéon du greenwashing de l’année

Le vert à moitié vide. Le 23 mars, lors de sa soirée d’anniversaire, Vert a rendu hommage aux kings du greenwashing au travers d’une exposition des meilleures publicités de l’année, élaborée avec le collectif Pour un réveil écologique. À une large majorité, le public a décerné le premier « Greenwash d’or » à Amazon. Dans sa publicité, le géant du e-commerce met en scène les chèvres qui broutent le gazon de l’un de ses entrepôts géants pour détourner l’attention du lourd impact environnemental de ses activités planétaires. Le palmarès est à retrouver ici.

La publicité élue «Greenwash d’or» de l’année par le public. © Amazon

Jean Castex fait un aller-retour en jet privé pour voter devant les caméras

Fais Falcon ! Il aurait pu prendre le train ou faire une procuration… Le 10 avril, le premier ministre d’alors, Jean Castex, s’est offert un aller-retour en jet privé (un Falcon 900 de chez Dassault) entre Paris et Prades (Pyrénées-Orientales) pour pouvoir s’afficher en train de voter devant les caméras de télévision lors du premier tour de la présidentielle. Selon nos calculs réalisés à partir de cet outil, ce caprice aura contribué à rejeter 4 460 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère. Soit, en une journée, l’équivalent de ce qu’émet un·e Français·e moyen·ne en six mois. Pire, c’est deux fois plus que ce qu’un humain devrait émettre en une année dans un monde neutre en carbone (environ deux tonnes). Bien qu’il s’en défende, la polémique semble avoir poussé l’ancien premier ministre à privilégier l’avion de ligne lors du scrutin du second tour. Le récit de cette controverse est à lire ici.

Le tourisme spatial est bon pour la planète

Dans un article du 9 avril, l’Agence France-Presse (AFP) s’interroge quant à l’utilité du tourisme spatial. Un passage entier est consacré aux vertus « sensibilisatrices » du tourisme spatial à la fragilité de la Terre. « Quiconque observe la planète depuis l’espace se rend compte de sa fragilité et de la finesse de son atmosphère », abonde l’article, notamment repris par L’Express. « L’espoir est donc qu’en rentrant, les touristes spatiaux s’engagent davantage dans la protection de l’environnement », peut-on lire encore. Que nos lecteur·rices se rassurent, il est tout à fait possible de s’émouvoir de la fragilité de la planète sans quitter la terre ferme, ni exploser son budget carbone (notre article). Au reste, le monde attend toujours le virage écologique de Jeff Bezos, qui s’est envoyé dans l’espace en 2021, relarguant au passage en quelques minutes autant de CO2 qu’un·e Français·e en huit ans, ou que d’autres humains en une vie.

Le bio, responsable de la faim dans le monde ?

Bio pas logique. « La conséquence indirecte est que des gens meurent de faim en Afrique, parce que nous mangeons de plus en plus de produits biologiques. » La menace d’une crise alimentaire mondiale serait telle qu’il nous faudrait abandonner… l’agriculture biologique, selon le patron de Syngenta (un groupe spécialisé dans les produits phytosanitaires), Erik Fyrwald, dans un entretien publié en mai dans la Nouvelle gazette zurichoise. Des éléments de langage habituels des tenants de l’agriculture industrielle qui n’hésitent pas à brandir le spectre de la faim dans le monde pour justifier leur modèle. Une étude publiée en 2017 dans la revue Nature a montré qu’il est possible de nourrir plus de neuf milliards d’humains en 2050 avec une agriculture 100% biologique, tant que l’on réduit le gaspillage alimentaire et que l’on limite la consommation de produits d’origine animale (Le Monde).

Avez-vous la (techno)solution ?

« À partir d’un exemple, vous montrerez que l’innovation peut aider à reculer les limites écologiques de la croissance. » Le 12 mai 2022, pendant leur épreuve de Sciences économiques et sociales, les bachelier·es ont été prié·es de démontrer comment l’innovation pouvait repousser les « limites écologiques de la croissance ». L’occasion pour le rédacteur en chef de Vert, Loup Espargilière, de repasser le bac, et d’exposer dans un fil Twitter pourquoi ce sujet pose problème à de nombreux égards.

Agnès Pannier-Runacher et les mails rigolos

Désordres de grandeur. Invitée de BFMTV le 24 mai dernier, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a disserté sur l’impact méconnu de certains petits gestes. « Tous les Français ont envie de faire ces gestes qui vont sauver la planète, et, parfois, on n’a pas forcément les bons réflexes, on va fermer la lumière en pensant qu’on a fait des grosses économies d’énergie et puis on va envoyer derrière un mail un peu rigolo à nos amis avec une pièce jointe et on aura consommé beaucoup plus d’énergie », a-t-elle expliqué. Un exemple qui démontre une large méconnaissance des ordres de grandeur.

Mettons que quelqu’un de très – très – farceur ait envoyé 100 emails rigolos (avec une pièce jointe de 1mo) par jour pendant un an (oui, ça fait beaucoup!) : cela ne représenterait que 41 kilogrammes de CO2-équivalent, d’après un simulateur de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Soit 188 kilomètres en voiture, ou… six repas avec du bœuf. Le ministère de l’écologie osera-t-il s’en prendre au gigot et à l’auto ?

Willy Schraen et le complot de la météo

Chasse discute. Le président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, a estimé sur RMC le 14 juin que la coïncidence entre la vague de chaleur et la campagne législative d’entre-deux tours relevait du « foutage de gueule », et constituait une « vraie manip’ ». « On nous prend vraiment pour des cons », s’est-il insurgé. « Il va faire beau pendant trois jours. Bizarre : on est entre le premier et le deuxième tour. On nous explique du matin jusqu’au soir depuis deux jours : “attention, l’écologie, machin”. Dites-le carrément, au niveau de la météo : “Votez la Nupes”, on va gagner du temps », a réclamé le chef de file des chasseurs français devant des invité·es médusé·es. Et la manœuvre s’étendrait à l’international, avec, s’agace-t-il, des « rapports du Giec qui sortent tous les trois jours, quand on est dans les élections, ça commence à bien faire ». Le climat est prié de s’emballer en dehors des périodes électorales.

Quand la dictature de gauche prive les jeunes macronistes de week-ends à Marrakech

De haut vol. Mercredi 15 juin, en pleine campagne pour les législatives, les Jams, pour Jeunes avec Macron, se sont essayé·es au récit dystopique en imaginant un futur hypothétique dans lequel la France insoumise aurait gagné les élections. Dans la vidéo, on suit une jeune femme accaparée par les notifications de son téléphone portable. Au milieu de notifications aussi saugrenues qu’anxiogènes, une invitation pour un week-end à Marrakech… qui pourrait bien tomber à l’eau, si le ministre de l’écologie décidait de supprimer « les vols hors de l’Europe à faibles coûts », comme l’indique une notification de BFMTV. Le mouvement a fait marche arrière et supprimé la vidéo devant le tollé provoqué par sa publication.

Moteurs, action !

Ébriété énergétique. Publiée sur Twitter fin juillet, une vidéo montrant une dizaine de voitures, moteurs et climatisations allumées, en attendant la fin du conseil des ministres vendredi dernier, a fait grincer de nombreuses dents. Un gaspillage d’énergie en contradiction flagrante avec la sobriété réclamée par le gouvernement. Quelques jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, recommandait de débrancher ses prises et son Wi-Fi avant de partir en vacances et d’éteindre la lumière en quittant une pièce pour faire des économies d’énergie. La première ministre Élisabeth Borne avait aussi adressé une circulaire à ses ministres pour réclamer « l’exemplarité » afin de générer « l’acceptabilité des efforts qui sont demandés à la société dans son ensemble ». Pas sûr que tout le monde ait reçu le mémo.

« Contre la canicule, ils skient… en salle »

Les canicules s’emballent. En plein week-end caniculaire fin juillet, BFMTV a consacré un reportage surréaliste à la piste de ski en intérieur d’Amnéville (Moselle). « 32°C dehors, mais sur cette piste de ski, la température ne dépasse pas les -5°C », explique la journaliste avant de remarquer que « cette structure est très prisée par les clubs sportifs, car l’accès aux glaciers est interrompu de plus en plus tôt chaque année ». Y aurait-il un lien entre la folle consommation d’énergie d’une telle infrastructure et le changement climatique qui fait fondre la neige au dehors ?…

Arrête ton char à voile

Début septembre, les images de Kylian Mbappé et de l’entraîneur du PSG, Christophe Galtier, morts de rires lorsqu’un journaliste leur demande si certains déplacements effectués en jets privés pourraient être réalisés en train, ont fait le tour des réseaux sociaux. « Pour être très honnête avec vous, on est en train de voir si on peut pas se déplacer en char à voile », avait ironisé le coach parisien. « On peut aller à Nantes de Paris en char à voile. Il faut juste neuf heures, un vent bien orienté et constant. Ça coûte vraiment moins cher, avec une empreinte carbone égale à zéro », avait répondu le président de la fédération française de char à voile, Christophe Roger, au micro d’Europe 1, invitant l’équipe à venir faire une séance découverte.

Un pont aérien pour aller voir les matchs au Qatar

Puisqu’il ne pouvait pas loger tous les supporters de sa Coupe du monde, le Qatar a annoncé fin septembre que 160 navettes aériennes seraient affrétées chaque jour pour permettre aux fans logés dans les pays voisins de faire les aller-retours entre les matchs. Une fantaisie qui a alourdi encore un peu plus le bilan carbone de la compétition, après la construction de six nouveaux stades climatisés et l’afflux (très majoritairement en avion) de quelque 3,4 millions de spectateur·rices. Rassurez-vous, la compétition aura été « neutre en carbone », qu’on vous dit (c’est faux) !

Entrée, plat, désert

Le 4 octobre, l’Arabie saoudite a été désignée pour accueillir les jeux asiatiques d’hiver de 2029. Ce qui nécessitera la construction de toute pièce d’une mégalopole futuriste, Neom ; un projet pharaonique à 500 milliards de dollars qui sera, n’en doutons pas, placé sous le signe des droits humains et de l’écologie. Plus d’informations à lire ici.

Les activistes écologistes inquiètent le patron des chasseurs

« Je m’inquiète beaucoup […] Aujourd’hui, ce sont des boîtes de soupe sur des tableaux, demain, on tuera des gens au nom de la cause écologique ou animaliste ! » : le 17 octobre, le patron des chasseurs, Willy Schraen (encore lui), a fait part de sa préoccupation après que deux militantes du collectif « Just Stop Oil » ont jeté de la soupe sur la vitre d’une peinture de Van Gogh à la National Gallery de Londres (lire notre article). Sa déclaration pouvait difficilement être plus malvenue alors que la veille, une femme de 67 ans décédait après avoir participé à une battue en Bretagne. Pas moins de huit accidents mortels ont été recensés lors de la dernière saison de chasse.

Une piste de course climatisée…et en plein air

Climat tison. La plus grande piste de course climatisée en extérieur au monde a été inaugurée à Doha (Qatar) en octobre ont rapporté deux envoyés spéciaux de France télévisions au Mondial de football. Longue de 1,1 kilomètre, cette piste permet aux sportif·ves de courir à une température de 26°C, même lorsqu’il fait 50°C à l’extérieur. Des panneaux solaires sont installés sur le toit et génèrent 60% de l’électricité nécessaire au rafraîchissement de la piste. Une infrastructure dont l’efficacité énergétique pose question, particulièrement en plein milieu d’une crise mondiale de l’énergie, alors que la climatisation est un moteur majeur du bouleversement climatique.

L’installation ressemble à un grand tunnel ajouré, ouvert sur un parc, avec une climatisation propulsée depuis le sol. © DR

Touche pas à mon slip

Il n’y a pas que les affaires de Vincent Bolloré que Cyril Hanouna passe sous silence. Sa tristement célèbre émission Touche pas à mon poste (TPMP), dont l’audience atteint par moment les deux millions de téléspectateur·rices, a ses sujets phares. Et le climat n’en fait pas partie, sauf quand il fait le buzz. Avec les expert·es de Data for Good et Quota climat, nous avons épluché les thèmes abordés lors des douze derniers mois en fonction de l’occurrence de certains mots-clefs. Le mot « slip » a par exemple été prononcé 74 fois par Cyril Hanouna et ses chroniqueur·ses. C’est une fois et demie plus que les mots « climat », « changement climatique », « urgence écologique » et d’autres synonymes réunis (48 occurrences). Notre décryptage est à lire ici.

Les chasseurs plagient la Ligue de protection des animaux

Qui part à la chasse… Le 2 décembre, la cour d’appel de Paris a reconnu la Fédération nationale des chasseurs (FNC) coupable d’avoir plagié la Ligue de protection des animaux (LPO). Elle a ordonné le retrait de trois affiches d’une campagne intitulée « Les chasseurs, premiers écologistes de France », jugeant qu’elles constituaient une contrefaçon de la charte graphique de la LPO. À lire ici.

À gauche, une des trois affiches de la Fédération nationale des chasseurs concernées par le plagiat de la charte graphique de la Ligue de protection des oiseaux (à droite).

TotalEnergies convaincu de « changer le monde »

Cata40. Invitée à la 15ème Conférence des Nations unies (COP15) sur la biodiversité le 12 décembre pour expliquer comment TotalEnergies répond à l’effondrement du vivant, la vice-présidente du groupe chargée de l’environnement et du social, Catherine Remy, a vanté le bilan de sa compagnie. Elle a le sentiment de « travailler pour l’entreprise la plus haïe de France », a-t-elle confié à Vert à cette occasion, bien qu’elle soit « convaincue qu’on change le monde » (notre article). Il est certain que TotalEnergies ne laisse pas la planète indifférente.

Nous espérons que vous avez pris autant de plaisir à lire ce bêtisier que nous en avons eu à compiler ces moments aberrants, inattendus, et souvent tragicomiques. Si ce que vous lisez dans Vert vous plaît, aidez-nous à aborder 2023 dans les meilleures conditions ! Pour cela, vous pouvez faire un don (déductible d’impôts) avant la fin de l’année en cliquant ici ❤️

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