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En finir avec l’idée folle d’un tourisme spatial qui éveillerait à l’écologie

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S’envoyer en l’air. C’est l’une des pires activ­ités pour le cli­mat, et pour­tant cer­tains affir­ment que le tourisme spa­tial per­me­t­trait d’éveiller les con­sciences à l’écologie. Or, il est large­ment pos­si­ble de s’émouvoir de la fragilité de la planète sans quit­ter la terre ferme, ni explos­er son bud­get car­bone.

« Quiconque observe la planète depuis l’espace se rend compte de sa fragilité et de la finesse de son atmo­sphèreL’espoir est donc qu’en ren­trant les touristes spa­ti­aux s’engagent davan­tage dans la pro­tec­tion de l’environnement ». Ce dis­cours déroutant n’est pas celui d’un fana­tique de l’e­space ; il est tiré d’un récent arti­cle de l’A­gence France-Presse (AFP), repris par plusieurs autres titres. Le papi­er s’in­ter­roge sur l’u­til­ité du tourisme spa­tial, évoque entre autres la manne finan­cière impor­tante que cela représente et loue l’in­no­va­tion sci­en­tifique. Plus sur­prenant, un pas­sage entier est con­sacré aux ver­tus « sen­si­bil­isatri­ces » du tourisme spa­tial à la fragilité de la Terre.

Un argu­ment qui rap­pelle la réac­tion de Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche de la planète, au retour de son pre­mier vol dans l’espace en juil­let 2021. Il en était ressor­ti « stupé­fait, aba­sour­di par la Terre et sa beauté, mais aus­si sa fragilité ». Le patron améri­cain avait aus­si recon­nu, con­trit, que « quand nous évolu­ons sur cette planète, nous faisons des dégâts ».

En 1972, la Nasa pub­li­ait la célèbre pho­to « la Bille bleue », la pre­mière pho­to de la Terre depuis l’espace. © Nasa

Cette réac­tion est com­muné­ment appelée « l’overview effect » (« l’effet de sur­plomb »). C’est un choc cog­ni­tif qui se pro­duit en voy­ant la Terre depuis l’espace et qui peut se traduire par une prise de con­science écologique. Théorisé après de longues mis­sions réal­isées par des astro­nautes dans l’espace, cet argu­ment est désor­mais util­isé pour jus­ti­fi­er le développe­ment à grande vitesse du tourisme spa­tial.

Or il s’agit de l’une des activ­ités les plus pol­lu­antes qui soient. Selon le rap­port d’évaluation envi­ron­nemen­tale du Space­Ship Two — le vais­seau de l’entreprise Vir­gin Galac­tic — un vol com­plet émet 27,2 tonnes de CO2. Soit, pour six pas­sagers, la bagatelle de 4,5 tonnes de CO2 par per­son­ne. C’est l’équivalent de ce qu’un Français moyen émet en six mois pour quelques min­utes de vol.

Ingénieur et entre­pre­neur engagé dans la tran­si­tion écologique et les ques­tions liées à l’espace, Jean-Pierre Goux estime auprès de Vert que « l’overview effect peut être un accéléra­teur de con­science, mais il est dra­ma­tique de pass­er par cette dépense d’énergie et d’argent pour y arriv­er ». « Atten­tion à l’overview-washing ! », iro­nise-t-il.

Vidéo Blue­turn réal­isée en mai 2016 © Blue­turn Earth

En 2020, il a lancé One­Home, une ONG qui pro­pose des expéri­ences virtuelles immer­sives à par­tir de vidéos de la Terre. Le principe est sim­ple : recon­stituer l’effet de sur­plomb à dis­tance. Une méth­ode util­isée dans des écoles, des entre­pris­es ou des sémi­naires, et qui parvient à provo­quer une forme d’émerveillement et d’engagement à l’écologie (regardez la vidéo ci-dessus). Et le tout sans avoir à par­tir dans l’espace et brûler son bud­get car­bone.