S’envoyer en l’air. C’est l’une des pires activités pour le climat, et pourtant certains affirment que le tourisme spatial permettrait d’éveiller les consciences à l’écologie. Or, il est largement possible de s’émouvoir de la fragilité de la planète sans quitter la terre ferme, ni exploser son budget carbone.
« Quiconque observe la planète depuis l’espace se rend compte de sa fragilité et de la finesse de son atmosphère. L’espoir est donc qu’en rentrant les touristes spatiaux s’engagent davantage dans la protection de l’environnement ». Ce discours déroutant n’est pas celui d’un fanatique de l’espace ; il est tiré d’un récent article de l’Agence France-Presse (AFP), repris par plusieurs autres titres. Le papier s’interroge sur l’utilité du tourisme spatial, évoque entre autres la manne financière importante que cela représente et loue l’innovation scientifique. Plus surprenant, un passage entier est consacré aux vertus « sensibilisatrices » du tourisme spatial à la fragilité de la Terre.
Un argument qui rappelle la réaction de Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche de la planète, au retour de son premier vol dans l’espace en juillet 2021. Il en était ressorti « stupéfait, abasourdi par la Terre et sa beauté, mais aussi sa fragilité ». Le patron américain avait aussi reconnu, contrit, que « quand nous évoluons sur cette planète, nous faisons des dégâts ».
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Cette réaction est communément appelée « l’overview effect » (« l’effet de surplomb »). C’est un choc cognitif qui se produit en voyant la Terre depuis l’espace et qui peut se traduire par une prise de conscience écologique. Théorisé après de longues missions réalisées par des astronautes dans l’espace, cet argument est désormais utilisé pour justifier le développement à grande vitesse du tourisme spatial.
Or il s’agit de l’une des activités les plus polluantes qui soient. Selon le rapport d’évaluation environnementale du SpaceShip Two – le vaisseau de l’entreprise Virgin Galactic – un vol complet émet 27,2 tonnes de CO2. Soit, pour six passagers, la bagatelle de 4,5 tonnes de CO2 par personne. C’est l’équivalent de ce qu’un Français moyen émet en six mois pour quelques minutes de vol.
Ingénieur et entrepreneur engagé dans la transition écologique et les questions liées à l’espace, Jean-Pierre Goux estime auprès de Vert que « l’overview effect peut être un accélérateur de conscience, mais il est dramatique de passer par cette dépense d’énergie et d’argent pour y arriver ». « Attention à l’overview-washing ! », ironise-t-il.
En 2020, il a lancé OneHome, une ONG qui propose des expériences virtuelles immersives à partir de vidéos de la Terre. Le principe est simple : reconstituer l’effet de surplomb à distance. Une méthode utilisée dans des écoles, des entreprises ou des séminaires, et qui parvient à provoquer une forme d’émerveillement et d’engagement à l’écologie (regardez la vidéo ci-dessus). Et le tout sans avoir à partir dans l’espace et brûler son budget carbone.
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