Le green était presque parfait. Mercredi 23 mars, lors de sa soirée d’anniversaire, Vert a rendu hommage aux kings du greenwashing au travers d’une exposition élaborée avec le collectif Pour un réveil écologique. Parmi les dix publicités présentées, des créations de grands groupes qui survendent leurs efforts pour réduire leur empreinte environnementale (Amazon, H&M, Crédit mutuel), sèment le doute sur la nature de leurs activités (Easyjet, Interbev) voire, mentent éhontément sur les ordres de grandeur (Exxonmobil, Toyota).
À une large majorité, le public a décerné le premier « Greenwash d’or » à Amazon. Dans sa publicité, le géant du e-commerce fait la part belle aux chèvres qui broutent le gazon de ses entrepôts géants pour détourner l’attention du lourd impact environnemental de ses activités planétaires. Le prix du jury a été attribué à Exxonmobil pour sa promesse de puits de pétrole « neutres en CO2 » au Texas. Une exposition à découvrir ci-dessous.
Le grand bluff (2018)
Déconnage imminent. Nous vendre un voyage en avion… sans montrer les avions. C’est l’exploit de la compagnie aérienne EasyJet, qui choisit plutôt de nous faire miroiter un voyage bas-carbone à vélo sous le soleil. Inconscient ou pas, on se gardera bien de trancher, mais, pour rappel, un Paris-Nice en Airbus c’est 158 kilogrammes de CO2, contre… 100 fois moins en TGV.
La voiture qui ne manque pas d’air (2021)
Elle nous pompe l’air ! « Plus vous conduisez, plus vous nettoyez l’air » : c’est le message affiché, sans tousser, dans cette publicité qui vante la nouvelle Toyota Mirai, une voiture à hydrogène équipée d’un filtre à particules. Visiblement très satisfait de son invention, le constructeur a voulu faire un coup de com’ qui vire au greenwashing bien crasse. Car pour établir le véritable bilan écologique du véhicule, il faut compter les émissions issues de la fabrication de l’hydrogène (aujourd’hui majoritairement produit de manière très carbonée), celles qui sont générées par la construction du véhicule, et… les particules fines émises par la friction des pneus et des freins. Celles-ci sont loin d’être négligeables : rien qu’en Île-de-France, deux tiers des particules émises par les véhicules le sont par friction. Il est mensonger, et même grossier, d’affirmer que ces véhicules ont un effet vertueux pour l’environnement.
Petit geste = grande communication (2021)
Tu moutonnes ! Plutôt que les milliers de camions et d’avions qui inondent le marché de ses colis, Amazon préfère mettre en avant ses actions en matière d’écopâturage. Une pratique qui consiste, en deux mots, à tondre la pelouse de ses entrepôts avec des moutons. Hélas, les gains environnementaux sont ridicules au regard des 60 millions de tonnes de CO2 émises en 2020 par l’entreprise dans le monde (+19 % par rapport à 2019), principalement dues aux transports en avion et en camion – et non en charrette tirée par des chèvres, comme la publicité peut le laisser penser.
Le puits sans fond de la neutralité carbone (2021)
Forages, faux espoirs. La bonne nouvelle, c’est que même Exxon mobil a compris que l’extraction de pétrole nous pose un problème existentiel. Hélas, l’entreprise raconte n’importe quoi pour améliorer son image. En l’occurrence, elle tente désormais de faire croire que l’extraction de pétrole de ses gigantesques puits du bassin Permien, à cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique, aux États-Unis, pourrait devenir « neutre en carbone » d’ici à 2030. Autrement dit, leurs émissions de CO2 seraient compensées par ailleurs, notamment en plantant des arbres ou au moyen d’aspirateurs à carbone. Comment est-ce possible ? C’est bien simple, Exxon ne compte que les émissions liées à l’extraction de pétrole, omettant les millions de tonnes de CO2 qui seront relâchées pendant la combustion de ce même pétrole.
Carte blanche pour financer les énergies fossiles (2021)
Débits profonds. Les cartes bancaires recyclées, c’est sympa. Mais le réel impact environnemental des banques, ce sont les financements qu’elles accordent. La priorité absolue, c’est de cesser les financements aux industries du charbon, du pétrole, du gaz… Dommage, parce que le Crédit Mutuel n’est pas la banque française la plus en retard en la matière : en octobre, Crédit Mutuel Alliance Fédérale a pris de nouvelles mesures pour arrêter tout soutien direct à de nouveaux projets pétroliers et gaziers (mais pas ceux couverts par sa politique spécifique au secteur maritime, le diable est dans les détails). Ce qui rend cette publicité d’autant plus absurde.
Le greenwashing est éternel (2021)
Big bijou. Le Responsible jewellery council se prétend la « principale organisation de durabilité et d’éthique pour le secteur de l’horlogerie et de la bijouterie ». Cette affirmation est peut-être vraie mais occulte… tout le reste. Notamment le fait que les activités minières à l’origine de votre diamant (naturel) causent un grand nombre de pollutions des eaux, de l’air et des sols, en plus d’être massivement émettrices de gaz à effet de serre – autant de facteurs qui contribuent fortement à l’effondrement de la biodiversité. Le tout, pour une activité que l’on peut difficilement qualifier d’« essentielle ». Pour rappel, offrir un diamant pour une demande en mariage est une tradition très récente : elle date des années 1930 et a émergé à la suite de campagnes de publicité massives de la part d’entreprises extractrices de diamants.
Plus facile de changer de sac que de business model (2021)
Habillée comme un sac. H&M rend la fast-fashion durable… en l’enrobant dans un sac en papier. L’entreprise communique activement sur le remplacement de ses sacs en plastique. Bien sûr, il faut éliminer ce plastique. Mais l’impact environnemental de H&M provient avant tout de la confection et de la vente de vêtements au rythme effréné des collections qui s’enchaînent. C’est là que réside le greenwashing : la capacité à détourner l’attention avec une action « verte » de façade pour ne pas remettre en question son business model. Au lieu de produire des vêtements plus durables et d’éviter de pousser à la surconsommation, H&M détourne les consommateur·rices des vrais enjeux en laissant croire que la mode peut réduire son impact environnemental sans se réformer en profondeur.
La liberté de manger de la viande (2021)
Elle défend son bifteck. Dans une récente publicité, l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) – principal lobby de la bidoche – vante les mérites des régimes flexitariens. Jusque-là, tout va bien. Sauf que, dans son clip, elle fait de ce régime alimentaire un synonyme d’« omnivore », alors qu’il s’agit d’un régime riche en produits végétaux, avec peu d’aliments carnés. Pas vraiment compatible avec le barbecue bien carné mis en avant ici. L’occasion de rappeler qu’en France, notre alimentation représente le quart de notre empreinte carbone, une moitié de ce quart étant imputable à la viande et au poisson. Ni les progrès technologiques raisonnablement envisageables ni un approvisionnement local ne pourront faire suffisamment baisser ces émissions pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Un raccourci dangereux (2020)
Sans (hydro)gêne. La confiance des citoyen·nes est précieuse, n’en abusons pas. Cela implique de ne pas raconter n’importe quoi sur le transport à hydrogène. Cette molécule a des propriétés intéressantes pour aider à décarboner le secteur des transports. Mais en aucun cas le fait de rouler à l’hydrogène ne rejette que de l’eau : il faut prendre en compte le CO2 issu de la fabrication du véhicule et, surtout, les émissions liées à la production de l’hydrogène, qui n’est qu’un vecteur d’électricité – elle-même parfois produite à base de charbon. Aujourd’hui encore, l’hydrogène utilisé dans le monde est à 95 % produit de manière très carbonée : dix kilogrammes de CO2 sont émis par kilogramme d’hydrogène (en moyenne, dans le monde). On est malheureusement loin de n’émettre que de l’eau…
Le coup du chapeau (2021)
Aile de pigeons. Des jeunes qui multiplient les gestes techniques balle au pied, le célèbre gardien Gianluigi Buffon qui éteint la lumière et baisse le chauffage d’un shoot bien placé, et ce message : « What’s your trick » (« C’est quoi ton geste ? »). La vidéo catchy de la campagne de la fédération européenne de football (UEFA) encourage à « protéger le climat ».
Si l’efficacité de cette incitation aux petits gestes est déjà discutable, elle devient obscène lorsque l’on sait qu’en parallèle, l’UEFA a signé un contrat publicitaire avec le géant Gazprom, partenaire des deux prochains Euros de football et de la Ligue des champions jusqu’en 2024. Parmi les premiers producteurs mondiaux de gaz fossile, l’entreprise est aussi à l’origine d’un intense travail de lobbying pour affaiblir les politiques climatiques au sein de l’Union européenne. L’UEFA a finalement rompu son contrat avec le géant gazier fin février, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
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