Décryptage

ExxonMobil promet des puits de pétrole « zéro émission nette » au Texas : une leçon de greenwashing

Le géant des fossiles vient d'annoncer que son extraction massive d'hydrocarbures dans le sud des Etats-Unis, serait « neutre en CO2 » d'ici 2030. ExxonMobil a seulement oublié de compter les émissions liées à l'utilisation de son gaz et son pétrole.
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En matière de green­wash­ing, on pen­sait avoir tout vu. Nous étions loin du compte. Exxon­Mo­bil vient promet­tre des puits de pét­role « zéro émis­sion nette » dans le Bassin per­mien, cet énorme réser­voir de gaz et de pét­role à cheval entre le Texas et le Nou­veau-Mex­ique (Etats-Unis). Com­ment la multi­na­tionale pré­tend-elle pou­voir réus­sir ce tour de passe-passe ?

Sur son site, Exxon annonce que ses opéra­tions, réal­isées à l’aide de gigan­tesques machines, seront élec­tri­fiées. Cette élec­tric­ité sera issue d’én­er­gies « bas-car­bone », « qui pour­raient inclure » l’éolien, le solaire, mais aus­si le gaz « naturel », une source pour­tant très émet­trice de CO2.

Pour récupér­er une par­tie des émis­sions qui sub­sis­teront, Exxon prévoit de pra­ti­quer la cap­ture et séques­tra­tion de CO2 — une palette de solu­tions encore par­faite­ment bal­bu­tiantes (nos arti­cles sur le sujet ici et ) — « ou d’autres tech­nolo­gies émer­gentes ». Autrement dit, le pétroli­er réalise un pari sur d’autres paris. Pour com­penser, Exxon mise aus­si sur les « solu­tions fondées sur la nature ». Par­mi celles-ci, on trou­ve la plan­ta­tion d’ar­bres à grande échelle, une tech­nique qui pose de grave prob­lèmes en matière de droits humains, comme Vert l’avait racon­té.

La firme promet aus­si d’amélior­er la détec­tion de fuites de méthane (ou gaz « naturel »), une immense source d’émis­sions de cette indus­trie (Vert) ; ain­si que la fin du tor­chage sys­té­ma­tique des rejets de gaz.

En 2019, Exxon­Mo­bil pro­dui­sait en moyenne 272 000 bar­ils par jour de pét­role et de gaz non-con­ven­tion­nels, issus des couch­es de schiste du Bassin per­mien. Com­ment ces quelques mesures pour­raient-elles suf­fire à attein­dre la « neu­tral­ité car­bone » — c’est-à-dire l’équili­bre entre rejets et absorp­tion de CO2 – dans ces immenses puits ? C’est bien sim­ple : Exxon­Mo­bil a décidé de ne pas compter les émis­sions liées à l’u­til­i­sa­tion, par les con­som­ma­teurs, des com­bustibles ven­dus.

De plus en plus répan­due, cette astuce con­siste à ne pren­dre en con­sid­éra­tion que les émis­sions directes dues à la pro­duc­tion (dites « scope 1 »), ain­si que celles, indi­rectes, liées à l’én­ergie (scope 2). Comme d’autres pétroliers, Exxon­Mo­bil se garde de compt­abilis­er les émis­sions du scope 3, liées à l’u­til­i­sa­tion des pro­duits. 

Enfin, grâce à tous ces cham­boule­ments, Exxon­Mo­bil clame qu’il « réduira l’in­ten­sité car­bone » de 40 à 50% des émis­sions « amont » à l’échelle de toute la com­pag­nie. Dou­ble pirou­ette : l’in­ten­sité car­bone cor­re­spond à la quan­tité de CO2 émise par point de PIB. Elle ne mesure pas l’évo­lu­tion des rejets en valeur absolue. D’autre part, les émis­sions « amont » omet­tent une fois encore la com­bus­tion de gaz et de pét­role. Quand ça veut pas…