En matière de greenwashing, on pensait avoir tout vu. Nous étions loin du compte. ExxonMobil vient promettre des puits de pétrole « zéro émission nette » dans le Bassin permien, cet énorme réservoir de gaz et de pétrole à cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique (Etats-Unis). Comment la multinationale prétend-elle pouvoir réussir ce tour de passe-passe ?
Sur son site, Exxon annonce que ses opérations, réalisées à l’aide de gigantesques machines, seront électrifiées. Cette électricité sera issue d’énergies « bas-carbone », « qui pourraient inclure » l’éolien, le solaire, mais aussi le gaz « naturel », une source pourtant très émettrice de CO2.
Pour récupérer une partie des émissions qui subsisteront, Exxon prévoit de pratiquer la capture et séquestration de CO2 – une palette de solutions encore parfaitement balbutiantes (nos articles sur le sujet ici et là) – « ou d’autres technologies émergentes ». Autrement dit, le pétrolier réalise un pari sur d’autres paris. Pour compenser, Exxon mise aussi sur les « solutions fondées sur la nature ». Parmi celles-ci, on trouve la plantation d’arbres à grande échelle, une technique qui pose de grave problèmes en matière de droits humains, comme Vert l’avait raconté.
La firme promet aussi d’améliorer la détection de fuites de méthane (ou gaz « naturel »), une immense source d’émissions de cette industrie (Vert) ; ainsi que la fin du torchage systématique des rejets de gaz.
En 2019, ExxonMobil produisait en moyenne 272 000 barils par jour de pétrole et de gaz non-conventionnels, issus des couches de schiste du Bassin permien. Comment ces quelques mesures pourraient-elles suffire à atteindre la « neutralité carbone » – c’est-à-dire l’équilibre entre rejets et absorption de CO2 – dans ces immenses puits ? C’est bien simple : ExxonMobil a décidé de ne pas compter les émissions liées à l’utilisation, par les consommateurs, des combustibles vendus.
De plus en plus répandue, cette astuce consiste à ne prendre en considération que les émissions directes dues à la production (dites « scope 1 »), ainsi que celles, indirectes, liées à l’énergie (scope 2). Comme d’autres pétroliers, ExxonMobil se garde de comptabiliser les émissions du scope 3, liées à l’utilisation des produits.
Enfin, grâce à tous ces chamboulements, ExxonMobil clame qu’il « réduira l’intensité carbone » de 40 à 50% des émissions « amont » à l’échelle de toute la compagnie. Double pirouette : l’intensité carbone correspond à la quantité de CO2 émise par point de PIB. Elle ne mesure pas l’évolution des rejets en valeur absolue. D’autre part, les émissions « amont » omettent une fois encore la combustion de gaz et de pétrole. Quand ça veut pas…