Make America Greta again
Il était son meilleur ennemi ; en janvier dernier, la militante écologiste Greta Thunberg a salué, à sa manière, le départ de Donald Trump de la Maison blanche avec ce message : « Il a l’air d’être un vieil homme très heureux qui se prépare à un brillant et merveilleux avenir. Ça fait plaisir à voir ! »
Une parodie reprenant mot pour mot (mis à part « vieil homme ») un message similaire posté par Donald Trump. Dans un tweet écrit en septembre 2019, il avait employé ces termes pour moquer le ton catastrophiste de Greta Thunberg. La fin d’une inimitié proverbiale.
L’avion d’honneur
Début avril, la maire écologiste de Poitiers, Léonore Moncond’huy, a refusé de reconduire les subventions municipales aux clubs de sports mécaniques. « L’aérien, c’est triste, mais ne doit plus faire partie des rêves d’enfants d’aujourd’hui », avait déclaré l’élue à l’adresse de l’aéroclub de la ville, qui emmène des enfants faire un tour en coucou dans le cadre d’un programme baptisé « rêves de gosses ». Ni une, ni deux, le vengeur masqué de l’avion et secrétaire d’Etat aux transports Jean-Baptiste Djebbari, a demandé que la légion d’honneur soit décernée aux dirigeants de l’aéroclub de Poitiers. Déconnage immédiat.
Phytage de gueule
Depuis le printemps 2019, des dizaines de maires de petites communes ont pris plusieurs séries d’arrêtés pour tenter d’interdire l’usage des pesticides à proximité des habitations de leurs administré·e·s. Parmi ceux-ci, l’édile de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Un geste symbolique dans une commune de 45 000 habitant·es qui ne compte aucun agriculteur. Cela n’a pas empêché la FNSEA, premier syndicat d’agriculture « conventionnelle », d’attaquer l’arrêté municipal devant la justice : « On a pris Gennevilliers pour faire un exemple, mais on aurait pu prendre une autre commune », a reconnu Damien Greffin, président de la FNSEA Ile-de-France. « La FNSEA nous reprochait nos arrêtés parce qu’on n’a aucun agriculteur sur la ville et là, ils nous attaquent ? s’est emporté Patrice Leclerc, maire (PCF) de Gennevilliers. C’est bien la preuve qu’ils défendent le glyphosate et non les agriculteurs ».
Hélico, vélo, dodo
Début mai, le premier ministre britannique Boris Johnson a pris l’hélicoptère pour se rendre dans les Midlands afin d’y faire la promotion… d’un programme de location de vélos. 50 minutes de vol particulièrement injustifiées, alors que le même trajet en train dépassait à peine deux heures. Des voix chagrines se sont élevées pour pointer du doigt l’hypocrisie de « Bojo » sur le climat, alors que son gouvernement venait de présenter les objectifs les plus ambitieux du monde en matière de réduction des émissions de CO2.
Jean Castex, fais Falcon !
Même énergie de l’autre côté de la Manche : quelques jours plus tard, Jean Castex, inaugurait en grande pompe la réouverture du train de nuit entre Paris et Nice. Si le premier ministre français s’est rendu sur la Côte-d’Azur en wagon-couchette pour les caméras, c’est en avion, à bord d’un Falcon, qu’il s’en est retourné dans la capitale. Deux semaines plus tôt, il avait déjà prévu de se rendre en jet privé à Angers (1h29 de train) pour inaugurer une nouvelle ligne de tramway, avant de se raviser sous les quolibets des réseaux sociaux, comme l’avait révélé le député Matthieu Orphelin.
Jeff Bezos et la fragilité de la Terre
Cet été, quelques jours après le milliardaire britannique Richard Branson, l’Américain Jeff Bezos (fondateur d’Amazon et première fortune mondiale) a lui aussi passé dix minutes dans l’espace, à bord du propulseur New Shepard de son entreprise Blue Origin. Il en est revenu « abasourdi » par « la beauté et la fragilité » de la Terre : « quand nous évoluons sur cette planète, nous faisons des dégâts » a philosophé le cowboy de l’espace. « En 10 minutes, Bezos et ses trois clients vont émettre chacun 75 tonnes de CO2. 10 minutes. Sur terre il y a un milliard de personnes qui n’atteignent pas ces niveaux d’émissions sur une vie entière », n’a pu s’empêcher de remarquer l’économiste Lucas Chancel. Hélas, pour la fragilité de la Terre, ce vol « n’est que le commencement » de l’essor du tourisme spatial, a prévenu Bob Smith, le directeur général de Blue Origin.
Un ministre sans (hydro)gène
Un soir de la mi-mai, « pour la première fois de l’histoire », la Tour Eiffel a été éclairée avec de l’hydrogène, s’est pâmé Bruno le Maire, ministre de l’économie. Une « prouesse » qui n’a en réalité strictement aucun intérêt. 95% de l’électricité qui irrigue le réseau français est issue de sources très faiblement émettrices de CO2, comme le nucléaire ou les renouvelables. Par ailleurs, l’hydrogène sert essentiellement à stocker de l’énergie électrique et ce, avec d’importantes pertes. Ce qui en fait un potentiel carburant pour les camions du futur, mais certainement pas pour un monument raccordé au réseau EDF. D’après les calculs de l’ingénieur et membre du Haut-conseil pour le climat Jean-Marc Jancovici, cette facétie multiplierait par dix les émissions liées à l’éclairage de la tour Eiffel. « Appeler « bas carbone » une multiplication par 10 des émissions par kWh est comme si vous appeliez « baisse des impôts » une multiplication desdits impôts par 10 🙂 » a taquiné l’expert sous la publication de Bruno Le Maire.
Turbo connard
« Hier j’ai appris que chez Audi (entre autres), on mettait des haut-parleurs dans le système d’échappement pour balancer vroumvroum.mp3 à chaque pression de la pédale et donner l’impression que ton SUV diesel de connard sonne comme un SUV v8 de gigantesque connard. » L’internaute Daz a fait part de son étonnante découverte sur Twitter. De Volkswagen à Audi, les constructeurs automobiles ne s’en sont pourtant jamais cachés. « Amplifiez le vrombissement de votre moteur », écrit ainsi Audi sur la page de son site qui vante son « Audi Motor Sound System ». Celui-ci équipe des véhicules diesel, d’ordinaire plus silencieux que les modèles essence. Pour que « chaque trajet dans votre Audi devienne également une expérience acoustique », de quoi capter « à coup sûr l’attention ». Tant pis pour les riverains, alors que 25 millions de Français·es souffrent de la pollution sonore, selon l’Anses.
Onfray mieux de se taire
« Les univers sont en interaction […] ce sont des hypothèses quantiques, mais qui sont vérifiées et on se dit : « vous ne pouvez pas imaginer que le réchauffement climatique soit à mettre en relation avec le fonctionnement d’un univers en tant qu’il est en relation avec le fonctionnement des plurivers? – Mais pas du tout mon garçon, c’est à cause de ta voiture ! » »
– Michel Onfray
Le trou de vert. A court d’arguments valables pour ne surtout rien changer à son style de vie, l’ex-philosophe Michel Onfray n’hésite plus à convoquer la théorie des multivers pour expliquer le réchauffement de la planète. Or, il y a presque autant d’univers potentiels que de théories sur le sujet. Cette sortie hasardeuse du polémiste, en juin dernier, qui fait le choix du doute cosmique contre les preuves tangibles du réchauffement, a laissé coi le physicien Etienne Klein : « Qu’avons-nous fait – et que n’avons-nous pas fait – pour que la diffusion de la culture scientifique soit un tel échec ?, s’est-il ému sur Twitter. Il va falloir se mettre au travail sérieusement ».
COP26 : les leaders s’en remettent aux dieux
Les grand·es de ce monde ont eu du mal à cacher leur désarroi devant l’ampleur de la tâche qui leur incombait à Glasgow. A quelques heures de l’ouverture de la COP26, les dirigeant·es du G20 – qui représentent 80% des émissions mondiales de CO2 – ont jeté une pièce dans la fontaine de Trévi à Rome pour invoquer la bonne fortune dans leur lutte contre le changement climatique.
Deux jours plus tard, c’est le Président américain Joe Biden qui terminait l’une de ses interventions par cette incantation christique : « que Dieu vous bénisse tous et puisse-t-il sauver la planète ». Au moins, « le gouvernement américain a cessé de croire en la main invisible du marché pour son action climatique », a raillé une twittos.
Une nouvelle torréfiante
« La seule chose qu’ait apporté l’Australie aux négociations, c’est du bon café. »
– Richie Merzian
Ancien négociateur australien lors des conférences mondiales sur le climat et directeur du programme énergie et climat au centre de recherche Australian Institute, Richie Merzian a peu goûté la position de son pays, pro-charbon et anti-réglementation, à la COP26. Selon lui, l’Australie devrait être considérée comme un « pays problématique » dans les négociations, à l’instar de l’Arabie saoudite et de la Russie. Véritable cancre mondial du climat (notre article à ce sujet), l’Australie est régulièrement épinglée pour ses prises de position à rebours de l’ambition requise et pour son addiction au charbon, qu’elle produit et exporte en immenses quantités.
Une flash mob pour le nucléaire
Pendant que certain·es marchent pour le climat, elles et ils dansent pour le nucléaire. Les jeunes du réseau Nuclear Institute Young Generation Network (YGN) ne se sont pas ménagé·es pour porter la voie de l’atome à la COP26. Entre deux déambulations déguisé·es en banane dans les couloirs du Scottish Event Campus (siège des négociations), elles et ils se sont donné en représentation lors d’une flashmob créative, drôle… et un peu gênante. Le nucléaire « héros du net-zéro » y est « safe » (sûr) et « clean » (propre). Ni les déchets ni les accidents nucléaires ne sont mentionnés. Probablement parce que ça ne rimait pas.
Elle est plus gentille compensée
« J’ai le plaisir de vous annoncer que j’ai décidé de ne plus utiliser de gros mots ni de langage grossier. Si je devais dire quelque chose d’inapproprié, je m’engage à compenser en disant quelque chose de gentil. »
Dans un tweet moqueur, l’activiste suédoise a raillé le greenwashing généralisé qui a entouré la COP26, et dénoncé les promesses creuses autour de la neutralité carbone. Très apprécié des producteurs d’hydrocarbures qui y voient un moyen de continuer leurs activités comme si de rien n’était, ce concept vise à compenser le CO2 émis par des puits de carbone, comme les arbres ou les tourbières. La promesse de la militante suédoise de compenser ses jurons est aussi un pied de nez aux critiques reçues plus tôt dans la semaine. Plus intéressée par ses jurons que par le fond de son message, une partie de la presse s’était émue de son langage grossier lors de plusieurs discours devant des manifestant·es.
Des puits de pétrole « neutres en CO2 »
Vous pensiez avoir tout vu en matière de greenwashing ? Hélas, en la matière, l’imagination des pétroliers est un puits sans fond. Début décembre, le géant des hydrocarbures ExxonMobil a promis que ses puits du Bassin permien (à cheval sur le Texas et le Nouveau-Mexique) seraient « neutres en CO2 » d’ici 2030. Autrement dit, qu’ils n’émettront pas plus de carbone que ce que la compagnie pourra stocker par ailleurs. Mais comment est-il imaginable de compenser l’équivalent des 272 000 barils de gaz et de pétrole qui sortent chaque jour de ces puits ? C’est bien simple : ExxonMobil a tout simplement « omis » de compter les émissions liées à l’utilisation du gaz et du pétrole vendus aux consommateurs. Vous avez bien lu. Nos explications détaillées à lire ici.
Pimp my e-ride
« Beaucoup de gens le savent, je suis un fan de voitures. J’ai eu la chance de conduire des véhicules assez incroyables au fil des années, mais je n’aurais jamais pu en imaginer un comme le véhicule électrique que j’ai emmené faire un tour aujourd’hui. » Ces mots ne sont pas ceux d’un concessionnaire automobile ou d’une star du rap, mais ceux du président des Etats-Unis, Joe Biden. Un jour de la fin novembre, il a fait crisser les lourds pneus du nouveau Hummer électrique sur la piste de son fabricant, General Motors, à Détroit. Une aberration complète dont les 4,1 tonnes (le poids de presque trois Zoé, la voiture électrique de Renault), seront propulsées avec un moteur alimenté à l’électricité, qui est produite à 60% à partir de charbon ou de gaz aux Etats-Unis. Peu importe, a tweeté le président, « le futur est électrique – et il sera fabriqué right here in America ».
Le régule ne tue pas
« J’en ai rien à foutre de réguler »
– Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC)
Pour justifier leur passe-temps qui consiste à défourailler dans les bois, les chasseurs ont un argument-massue : ils « régulent » les populations de mammifères – sangliers, chevreuils, cerfs – qui abîment les arbres et les champs cultivés. Une mission si bien remplie que les sangliers ont été multipliées par 20 (!) en France depuis les années 1970. Passons.
Dans « Les Grandes gueules » sur RMC, le tonitruant patron de la fédération nationale des chasseurs a été plutôt honnête sur ce qu’il pense de son rôle : il n’en a « rien à foutre de réguler ». Interrogé sur la diffusion d’images montrant des daims parqués dans un enclos en attendant d’être tués, le patron de la puissante FNC a déclaré que les chasseurs n’avaient pas à jouer le rôle « des petites mains de la régulation ». Autre facétie, Willy Schraen voudrait que les chasseurs – dont les balles perdues ont tué plus de 400 personnes en 20 ans – assurent un rôle de police de proximité afin de lutter contre la « délinquance environnementale ».
Ciotti sent le sapin
Cette année, finis les « arbres morts » devant l’hôtel de ville de Bordeaux ; le maire écologiste de la ville, Pierre Hurmic, a choisi d’installer un cône de onze mètres de hauts fait de verre et d’acier recyclés en en lieu et place du traditionnel sapin. « Les pseudos écolos s’en prennent désormais à l’arbre de Noël », avait vitupéré le député LR Eric Ciotti, au moment de cette annonce, l’an dernier. Lorsque des habitant·es ont décidé d’installer leur propre sapin véritable au pied de la cathédrale de la ville, le week-end dernier, le Niçois a applaudi ces « Bordelais [qui] refusent la dictature écologiste et installent un vrai sapin de Noël. BRAVO ! 🎄 » Quelques semaines plus tôt, c’est Anne Vignot, la maire verte de Besançon, qu’il avait accusée à tort de vouloir remplacer l’expression « joyeux noël » par « fantastique décembre ». Le candidat défait lors de la primaire des Républicains ferait mieux de bûcher sur de meilleurs arguments contre ses adversaires.
Nous espérons que vous avez pris autant de plaisir à lire ce bêtisier que nous en avons eu à compiler ces moments aberrants, inattendus, et souvent tragicomiques. Si ce que vous lisez dans Vert vous plaît, aidez-nous à aborder 2022 dans les meilleures conditions ! Une folle année de présidentielle où nous aurons besoin d’étoffer notre équipe pour vous proposer des reportages, des analyses des programmes des candidat·es et des enquêtes ! Pour cela, faites un don (déductible d’impôts) avant le 31 décembre sur OKPal ❤️