Dans l'actu

À la COP15, TotalEnergies vante son action pour le climat et la biodiversité

  • Par

Cata40. Les grandes entre­pris­es sont venues à la COP15 de Mon­tréal pour expli­quer com­ment répon­dre à l’effondrement du vivant — sans trop chang­er leur busi­ness mod­el. Par­mi les intervenant·es, des cadres des géants Hol­cim (ciment), Ikea (meubles), Vale (mines), ain­si que des pétroliers BP et… Total­En­er­gies.

« Le secteur de l’én­ergie a un rôle clef » pour répon­dre aux crises du cli­mat et de la bio­di­ver­sité, avance Cather­ine Remy, vice-prési­dente de Total­En­er­gies en charge de l’environnement et du social, au micro d’une table ronde bap­tisée « inté­gr­er la bio­di­ver­sité au busi­ness ». Manière pudique d’éluder le fait que les éner­gies fos­siles causent 78% du réchauf­fe­ment, lui-même men­ace majeure pour le vivant.

« Notre réponse à la crise de la bio­di­ver­sité, c’est notre stratégie cli­ma­tique », explique la dirigeante. Hélas, cen­sé men­er la firme vers la neu­tral­ité car­bone en 2050, le plan cli­mat de Total­En­er­gies n’a pas con­va­in­cu les cen­taines d’ac­tivistes qui ont blo­qué son assem­blée générale en mai dernier (notre arti­cle), ni cer­tains action­naires, dont le Crédit mutuel, qui ont voté « con­tre » au motif qu’il était trop flou et prévoy­ait tou­jours des investisse­ments impor­tants dans les éner­gies fos­siles. En 2022, la com­pag­nie aura investi qua­tre mil­liards de dol­lars (soit un quart du total) dans les renou­ve­lables. Une paille au regard des 16 mil­liards de div­i­den­des ver­sés aux action­naires en cette année de « super­prof­its ».

« Dans le scé­nario de l’Agence inter­na­tionale de l’énergie, il y a encore des éner­gies fos­siles en 2050 », se défend Cather­ine Remy auprès de Vert. Toute­fois, cette même AIE a bien expliqué que pour con­tenir le réchauf­fe­ment sous 1,5°C, il faudrait aban­don­ner tout nou­veau pro­jet de char­bon, gaz ou pét­role.

En 2050, Total­En­er­gies prévoit tou­jours de pro­duire du pét­role et du gaz, dans des pro­por­tions supérieures (à droite) à ce que recom­mande l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (à gauche) pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone en 2050.

Par­mi les nou­veaux pro­jets fos­siles de Total­En­er­gies, il y a Eacop et Tilen­ga, qui visent à creuser 400 puits de pét­role en Ougan­da et les achem­iner dans le plus long pipeline chauf­fé du monde à tra­vers la Tan­zanie. Menaçant d’endommager quelque 2 000 kilo­mètres car­rés d’habitats fau­niques pro­tégés (Vert). « Le pipeline sera enter­ré deux mètres sous terre et il ne fera que 20 mètres de largeur : la nature va repren­dre ses droits », explique à Vert la vice-prési­dente, qui promet des « gains nets en ter­mes de bio­di­ver­sité ». Autrement dit, les destruc­tions d’espèces seront « com­pen­sées », car la firme jure qu’elle « apportera notam­ment son sou­tien aux ressources du parc des Murchi­son Falls pour con­tribuer à l’aug­men­ta­tion des pop­u­la­tions d’an­i­maux sauvages et con­tribuera à un pro­gramme de réin­tro­duc­tion du rhinocéros noir en Ougan­da ».

Cather­ine Remy, de Total­En­er­gies, à Mon­tréal le 12 décem­bre. © UNBio­di­ver­si­ty

Ne serait-il pas plus sim­ple d’abandonner ce pro­jet plutôt que de chercher à com­penser la mort du vivant ? « On pense qu’il y a de la place pour ce pro­jet, qu’on fera selon les meilleurs stan­dards, avec les com­mu­nautés locales », et « con­seil­lés par des gens du milieu de la con­ser­va­tion ». Un pro­jet fière­ment affiché sur le site Total­En­er­gies, au sein d’une doc­u­men­ta­tion dédiée à ses actions en faveur de la bio­di­ver­sité glob­ale­ment famélique. Au total, une poignée de pro­jets à tra­vers la planète sont mis en avant — presque tous situés en France. On y promet de restau­r­er les tour­bières dans les îles Shet­land (Ecosse), de pro­téger des espèces men­acées autour de la plate­forme chim­ique de Car­ling-Saint-Avold (Moselle) ou la faune aux abor­ds de son champ d’éoliennes situé à la Réu­nion. La com­pag­nie est présente dans plus de 130 pays et opère dans la qua­si-total­ité des pays d’Afrique.

Out­re son action, c’est la répu­ta­tion de Total­En­er­gies qui est en ligne de mire : « Ce qui est en jeu pour nous, c’est notre “social licence to oper­ate” [autrement dit, l’approbation sociale du pub­lic] et notre capac­ité à attir­er et retenir les tal­ents », dit encore la dirigeante. Elle a le sen­ti­ment de « tra­vailler pour l’entreprise la plus haïe de France », con­fie-t-elle à Vert, ce qui lui paraît injuste : « chang­er une com­pag­nie comme Total­En­er­gies, se met­tre à inve­stir dans les renou­ve­lables, c’est une trans­for­ma­tion de l’in­térieur […] majeure. Con­tin­uer le busi­ness as usu­al comme d’autres com­pag­nies, ça aurait été plus facile », ajoute la dirigeante qui est « con­va­in­cue qu’on change le monde ». En octo­bre dernier, 800 diplômé·es de grandes écoles français­es avaient prévenu : « Nous […] ne tra­vaillerons pas pour Total­En­er­gies s’ils con­tin­u­ent à lancer des pipelines géants ».