Pari à tout prix. Dans une vaste enquête parue ce jeudi, le Guardian révèle les impacts de 195 mégaprojets d’énergies fossiles actuellement développés dans le monde. Leur exploitation mettrait le feu à la planète.
Pendant plusieurs mois, le quotidien britannique a épluché les plans d’investissement à horizon 2030 des principales majors pétrogazières. Il y a découvert pas moins de 195 projets capables d’émettre chacun plus d’un milliard de tonnes de CO2 sur toute leur durée d’exploitation. Alors que 60 % d’entre eux sont déjà en fonctionnement, le Guardian prévient que leur exploitation complète reviendrait à enterrer pour de bon la lutte contre le réchauffement climatique.
Au mois d’avril, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) avaient insisté sur la nécessité d’inverser la courbe des émissions de CO2 avant 2025 pour contenir l’élévation des températures sous 1,5°C et éviter certains des pires effets de la crise climatique. Or, ces projets représentent à eux seuls 17 années d’émissions aux niveaux actuels et suffiraient à passer largement cet objectif, auquel ont consenti les pays signataires de l’Accord de Paris.
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Alors qu’elles enregistrent des profits records en raison de la crise énergétique actuelle, les entreprises pétrogazières ont donc choisi d’investir, non pas dans la transition écologique, mais dans leur cœur de métier. En d’autres termes, elles « misent plusieurs centaines de milliers de milliards de dollars dans un pari contre humanité », souligne le Guardian. Les sommes colossales engagées dans ces projets représentent l’équivalent de 387 millions de dollars (371 millions d’euros) par jour jusqu’à la fin de la décennie (soit plus de 1 000 milliards de dollars).
Seuls les États sont en mesure de faire cesser ces investissements climaticides. Mais le Guardian ne peut que constater leur « hypocrisie de première classe ». En effet, ce sont des compagnies d’État qui nourrissent les projets les plus mortifères : Saudi Aramco (Arabie Saoudite), Gazprom (Russie), Qatar Energy (Qatar) ou encore PetroChina (Chine). Du reste, les sociétés privées telles qu’ExxonMobil, TotalEnergies, Chevron, Shell ou BP voient leurs permis validés et leur activité grassement subventionnée par les gouvernements (l’Arabie Saoudite, les États-Unis, le Canada et Australie étant les plus généreux).
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La cartographie de ces mégaprojets climaticides montre d’ailleurs que les États-Unis font la course en tête avec 22 « bombes climatiques », qui représentent, à elles seules, quatre fois ce que le monde émet en une année. On y trouve une quantité importante de projets non-conventionnels, qui impliquent la fracturation hydraulique ou les forages en mer profonde. L’Arabie Saoudite, la Russie, le Qatar, l’Irak, le Canada, la Chine et le Brésil suivent dans le haut du classement.
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