Le vert du faux

Quelles sont les cinq grandes causes de l’effondrement de la biodiversité ?

Le seizième sommet mondial (COP16) sur la biodiversité qui se tient en Colombie doit permettre de répondre aux grandes menaces qui pèsent sur le vivant. Tour d’horizon.
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À la Saint-Déclin. Nous sommes entrés dans la sixième extinction de masse du vivant. Sur les quelque huit millions d’espèces que compterait la planète, un million sont menacées d’extinction à moyen terme. Elles disparaissent à un rythme 100 à 1 000 fois supérieur à la normale (notre article). 

Dans son rapport global publié en 2019, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité (IPBES, l’équivalent du «Giec de la biodiversité») met en avant le rôle majeur joué par les activités humaines et identifie cinq grandes causes. «Un constat partagé par toute la communauté scientifique et écologique», explique à Vert Yann Laurans, directeur des programmes du World wildlife fund (WWF) France, selon qui «identifier les causes permet de cesser de se cacher derrière la complexité : maintenant que l’on sait, il faut qu’on agisse».

La destruction des milieux

Les espèces sont souvent fragilisées par la dégradation ou la destruction de leur milieu de vie. Extension des terres agricoles, artificialisation des sols, déboisement, extension des villes ou des réseaux routiers, conduisent à une baisse des surfaces disponibles pour les espèces, mais aussi à une fragmentation des habitats en petits morceaux déconnectés qui les empêchent notamment de trouver des partenaires pour se reproduire.

L’agriculture intensive menace le grand hamster d’Alsace de disparition. © Nicolas Busser/CNRS

L’agriculture intensive et la déforestation figurent en tête des menaces que l’humanité fait planer sur les oiseaux (notre article). D’après le rapport de l’IPBES, «75 % de la surface terrestre est altérée de manière significative, 66% des océans subissent des incidences cumulatives de plus en plus importantes et plus de 85% de la surface des zones humides a disparu». Dans les écosystèmes terrestres et d’eau douce, le changement d’utilisation des terres est même «le facteur direct ayant eu l’incidence relative la plus néfaste sur la nature depuis 1970».

La surexploitation des espèces animales et végétales

Pêche, chasse, mais aussi coupe de bois…. la surexploitation survient lorsque certaines activités humaines prélèvent davantage de ressources que ce que les milieux naturels peuvent régénérer à court terme. Dans les systèmes marins, c’est la pêche qui a eu l’impact le plus important sur la biodiversité au cours des cinquante dernières années, estime l’IPBES. «Au niveau individuel, le premier déterminant, c’est notre assiette, ce que l’on mange comme produits d’origine animale, en particulier industriels», confirme Yann Laurans. En 2022, plus d’un tiers des poissons marins faisaient l’objet d’une surpêche. Une note d’espoir tout de même : l’application de quotas de pêche et la lutte contre la pêche illégale peuvent aider au rétablissement des espèces, comme on l’a vu avec quatre espèces de thon.

Le cabillaud, victime emblématique de la surpêche dans les eaux françaises. © Wikimedia Commons

Le changement climatique

Le dérèglement du climat bouleverse les conditions de vie de certaines espèces et les pousse parfois à se déplacer… quand elles sont en mesure de le faire (notre article). La hausse des températures et celle des émissions de CO2 provoquent notamment une acidification des océans qui fragilisent les récifs coralliens et la formation de la coquille des coquillages qui, eux, ne sont pas très mobiles. Par ailleurs, les phénomènes extrêmes comme les tempêtes ou les incendies qui s’intensifient sont une menace pour les humain·es comme pour le reste du vivant. Partout dans le monde, le changement du climat peut s’ajouter aux autres causes et les aggraver. «Dans nos pays développés et tempérés, la lutte contre le changement climatique, en particulier par la sobriété énergétique – qui pose moins de problèmes à la biodiversité que la substitution de ressources par les énergies renouvelables, est indispensable», commente Yann Laurans.

Les pollutions

Gaz à effet de serre, déchets, produits polluants issus de l’industrie et de l’agriculture… La dégradation de la qualité de l’air, du sol et de l’eau due aux pollutions éreinte les espèces. La pollution marine par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980, affectant au moins 267 espèces comme les tortues marines, les oiseaux et mammifères marins, selon l’IPBES. Patrick Giraudoux, professeur émérite d’écologie à l’université de Franche-Comté, qui travaille actuellement sur un autre rapport de l’IPBES, pointe également la nocivité des pesticides, notamment pour les populations d’insectes.

Les espèces invasives

Les espèces dites «invasives», importées par les humains dans des écosystèmes dont elles sont étrangères, viennent en perturber l’équilibre écologique. Elles sont souvent transportées lors d’échanges commerciaux, par bateau par exemple, et constituent selon l’UICN un danger pour près d’un tiers des espèces terrestres menacées. Ce phénomène ne cesse de s’accroitre. Parmi les espèces invasives qui ont posé leurs valises en France, on trouve le frelon asiatique, le moustique tigre, ou encore la grenouille taureau. «Elles entrent en compétition avec les autres espèces locales, et certaines posent aussi des problèmes de santé publique», complète Patrick Giraudoux, citant le cas de l’ambroisie à feuilles d’armoise, une plante allergisante pour les humain·es.

«Dans un certain sens, l’urgence de biodiversité est plus grande que l’urgence climatique, car il y a des choses irréversibles. Il est possible qu’il n’y ait plus de rhinocéros dans une dizaine d’années», analyse Yann Laurans. «Pour le climat, cela va nécessiter, si ce n’est une révolution, en tout cas un changement majeur de tout notre système. Pour la biodiversité en revanche, il est possible d’agir à l’échelle locale et d’espérer renverser la vapeur.» Un message qui a de quoi «donner envie», revendique le spécialiste, convaincu que la biodiversité, «c’est l’âme du monde, la beauté, la poésie. Et ce n’est pas du tout anecdotique, c’est essentiel pour chacun de nous».

💡 Initialement publié le 9 décembre 2022 à l’occasion du quinzième sommet mondial (COP15) sur la biodiversité, cet article a été actualisé et enrichi le 24 octobre 2024 pour la COP16 de Cali (Colombie).

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