Le tour de la question

Quelles sont les principales menaces qui détruisent la biodiversité ?

La quinzième conférence mondiale (COP15) sur la biodiversité qui se tient à Montréal doit permettre de répondre aux grandes menaces qui pèsent sur le vivant. Tour d’horizon.
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À la Saint Déclin. Sur les quelque huit mil­lions d’espèces que compterait la planète, un mil­lion sont men­acées d’extinction à moyen terme. Sous l’effet des activ­ités humaines, elles dis­parais­sent à un rythme 100 à 1 000 fois supérieur à la nor­male (Vert). En 2019, la Plate­forme inter­gou­verne­men­tale sur la bio­di­ver­sité (IPBES), l’équiv­a­lent du Giec de la bio­di­ver­sité, a iden­ti­fié cinq men­aces prin­ci­pales, dont les caus­es se con­juguent fréquem­ment. « Un con­stat partagé par toute la com­mu­nauté sci­en­tifique et écologique », explique à Vert Yann Lau­rans, directeur du pôle Bio­di­ver­sité ter­restre du WWF selon qui « iden­ti­fi­er les caus­es, per­met de cess­er de se cacher der­rière la com­plex­ité : main­tenant que l’on sait, il faut qu’on agisse ».

La surexploitation des espèces animales et végétales

Pêche, chas­se, mais aus­si coupe de bois…. la sur­ex­ploita­tion survient lorsque cer­taines activ­ités humaines prélèvent davan­tage de ressources que ce que les milieux naturels peu­vent régénér­er à court terme. Dans les sys­tèmes marins, c’est la pêche qui a eu l’impact le plus impor­tant sur la bio­di­ver­sité au cours des 50 dernières années, estime l’IPBES. « Au niveau indi­vidu­el, le pre­mier déter­mi­nant, c’est notre assi­ette, ce que l’on mange comme pro­duits d’o­rig­ine ani­male, en par­ti­c­uli­er indus­triels », con­firme Yann Lau­rans. Plus d’un tiers des pois­sons marins fai­saient l’ob­jet d’une sur­pêche en 2015. Une note d’e­spoir tout de même, l’application de quo­tas de pêche et la lutte con­tre la pêche illé­gale peu­vent aider au rétab­lisse­ment des espèces, comme on l’a vu en 2021 avec qua­tre espèces de thon.

La destruction des milieux

Les espèces sont sou­vent frag­ilisées par la dégra­da­tion ou la destruc­tion de leur milieu de vie. Exten­sion des ter­res agri­coles, arti­fi­cial­i­sa­tion des sols, déboise­ment, exten­sion des villes ou des réseaux routiers con­duisent à une baisse des sur­faces disponibles pour les espèces, mais aus­si à une frag­men­ta­tion des habi­tats en petits morceaux décon­nec­tés qui les empêchent notam­ment de trou­ver des parte­naires pour se repro­duire. L’agriculture inten­sive et la déforesta­tion fig­urent en tête des men­aces que l’humanité fait plan­er sur les oiseaux (Vert). D’après l’IPBES, « 75 % de la sur­face ter­restre est altérée de manière sig­ni­fica­tive, 66 % des océans subis­sent des inci­dences cumu­la­tives de plus en plus impor­tantes et plus de 85 % de la sur­face des zones humides ont dis­paru ». Dans les écosys­tèmes ter­restres et d’eau douce, le change­ment d’utilisation des ter­res est même « le fac­teur direct ayant eu l’incidence rel­a­tive la plus néfaste sur la nature depuis 1970 ».

Le changement climatique

Le dérè­gle­ment du cli­mat boule­verse les con­di­tions de vies de cer­taines espèces et les pousse par­fois à se déplac­er… quand elles sont en mesure de le faire (Vert). La hausse des tem­péra­tures et celle des émis­sions de CO2 provo­quent notam­ment une acid­i­fi­ca­tion des océans qui frag­ilisent les récifs coral­liens et la for­ma­tion de la coquille des coquil­lages qui, eux, ne sont pas très mobiles. Par ailleurs, les phénomènes extrêmes comme les tem­pêtes ou les incendies qui s’intensifient sont une men­ace pour les humains comme pour le reste du vivant. Partout dans le monde, le change­ment du cli­mat peut s’ajouter aux autres caus­es et les aggraver. « Dans nos pays dévelop­pés et tem­pérés, la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique, en par­ti­c­uli­er par la sobriété énergé­tique — qui pose moins de prob­lèmes à la bio­di­ver­sité que la sub­sti­tu­tion de ressources par les éner­gies renou­ve­lables, est indis­pens­able », com­mente Yann Lau­rans.

Les pollutions

Gaz à effet de serre, déchets, pro­duits pol­lu­ants issus de l’in­dus­trie et de l’a­gri­cul­ture… La dégra­da­tion de la qual­ité de l’air, du sol et de l’eau due aux pol­lu­tions éreinte les espèces. La pol­lu­tion marine par les plas­tiques a été mul­ti­pliée par dix depuis 1980, affec­tant au moins 267 espèces comme les tortues marines, les oiseaux et mam­mifères marins, selon l’IPBES. Avec l’ab­sorp­tion de con­t­a­m­i­nants, les pois­sons ont ten­dance à « être plus petits à l’âge de repro­duc­tion, donc pro­duire moins d’œufs. Et être moins capa­bles de se défendre con­tre les agres­sions bac­téri­ennes ou virales. Résul­tat, les pop­u­la­tions bais­sent d’année en année », explique à Libéra­tion Eric Feun­te­un, pro­fesseur du Muséum nationale d’histoire naturelle en écolo­gie marine.

Les espèces invasives

Les espèces dites « inva­sives », importées par les humains dans des écosys­tèmes dont elles sont étrangères, vien­nent en per­turber l’équili­bre écologique. Elles sont sou­vent trans­portées lors d’échanges com­mer­ci­aux, par bateaux par exem­ple, et con­stituent un dan­ger pour près d’un tiers des espèces ter­restres men­acées. Ce phénomène ne cesse de s’ac­croitre. Par­mi les espèces inva­sives qui ont posé leurs valis­es en France, on trou­ve notam­ment le frelon asi­a­tique, le mous­tique tigre, l’am­broisie, ou encore la grenouille tau­reau.

« Dans un cer­tain sens, l’urgence de bio­di­ver­sité est plus grande que l’urgence cli­ma­tique, car il y a des choses irréversibles. Il est pos­si­ble qu’il n’y ait plus de rhinocéros dans une dizaine d’années, analyse Yann Lau­rans. Pour le cli­mat cela va néces­siter si ce n’est une révo­lu­tion, en tout cas un change­ment majeur de tout notre sys­tème. Pour la bio­di­ver­sité en revanche, il est pos­si­ble d’agir à l’échelle locale et d’espérer ren­vers­er la vapeur. » Un mes­sage qui a de quoi « don­ner envie », revendique le spé­cial­iste, con­va­in­cu que la bio­di­ver­sité, « c’est l’âme du monde, la beauté, la poésie. Et ce n’est pas du tout anec­do­tique, c’est essen­tiel pour chacun·e de nous ».