Les Amis de la Terre et Survie ont enquêté sur la partie tanzanienne du gigantesque oléoduc imaginé par TotalEnergies pour transporter le pétrole bientôt extrait d’Ouganda. Les deux associations ont constaté que l’entreprise y bafouait encore plus les droits humains qu’en Ouganda.
Les chiffres qui décrivent le projet Eacop porté par TotalEnergies donnent le tournis : les 400 futurs puits de pétrole forés en Ouganda devraient permettre d’extraire 190 à 220 000 barils de pétrole par jour, transportés jusqu’aux côtes tanzaniennes via un pipeline chauffé de 1 445 kilomètres de long. De quoi impacter 2 000 kilomètres carrés d’habitats riches en biodiversité et entraîner l’expropriation de 118 000 personnes, selon diverses estimations (notre article). Sans compter le risque de fuites et de marées noires, exacerbé par l’importante activité sismique de la région et la récurrence de tsunamis sur la côte où sera installé le terminal de stockage maritime. L’émission potentielle de 34,3 millions de tonnes de CO² par an une fois l’extraction engagée, lui vaut, enfin, de se hisser au rang de « bombe climatique », aux côtés de quelque 200 autres projets (Vert).
Accusé de longue date de violer les droits humains en Ouganda, « TotalEnergies a souvent rejeté la faute sur le gouvernement ougandais », exposent les Amis de la Terre et Survie. Pourtant leur enquête en Tanzanie révèle « les même violations […] exacerbées sur certains aspects ». Le rapport pointe en particulier d’importantes lacunes en termes de consultation et de consentement des populations affectées.
Ainsi, alors que TotalEnergies assure avoir consulté plus de 35 000 personnes en Tanzanie, les deux associations n’en ont rencontré aucune se souvenant d’une quelconque information préalable au lancement du projet. « Je les ai vus faire une évaluation de ma terre, c’est comme ça que j’ai découvert que j’étais affecté », témoigne un paysan.
Les compensations, dont les montants ont été fixés par l’entreprise elle-même en 2018 en l’échange de l’expropriation des habitant·es, n’ont toujours pas été versées. En revanche, les activités agricoles et économiques sur les terres sont soumises à des restrictions depuis lors. D’autre part, les sommes promises ne reflètent pas, ou plus, les prix actuels des terres et des matières premières, du fait de la forte inflation qui touche le pays (5% par an). A l’instar du parlement européen, les ONG réclament l’abandon « au plus vite » d’Eacop.
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