Le rapport

«La protection fonctionne» : face au déclin de la biodiversité, le WWF souligne l’efficacité de la sauvegarde des espèces

Vautour d’horizon. La branche française de l'ONG publie ce mardi un rapport inquiétant sur la situation des populations de vertébrés sauvages (mammifères, oiseaux, poissons…) et des milieux naturels en France hexagonale. Mais elle livre aussi un message d'espoir : lorsque les moyens sont suffisants, la protection de la biodiversité fonctionne.
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C’est un petit oiseau discret de nos campagnes, qui disparaît sans faire de bruit. Habitué des bosquets et des vergers, le moineau friquet connaît un déclin brutal en France : ses populations ont chuté de près de 90% entre 2001 et 2023. Arrachage de haies, raréfaction de sa nourriture (insectes et graines de «mauvaises herbes») avec l’utilisation de pesticides, rénovation des vieilles maisons où il niche… Les différentes causes de cet effondrement rapide révèlent l’impact sans équivoque des activités humaines sur la biodiversité.

Le moineau friquet se distingue de son cousin des villes, le moineau domestique, par la virgule qu’il arbore sur la joue. © Sylvère Corre/Flickr

Ce petit passereau brunâtre fait partie des vertébrés (les animaux dotés d’une colonne vertébrale : mammifères, oiseaux, poissons…) choisis comme symboles du «déclin des espèces» par le WWF (Fonds mondial pour la nature) France dans son premier rapport sur l’état de la biodiversité en France hexagonale, publié ce mardi 9 décembre. «Comme les données étaient insuffisantes pour dresser un regard exhaustif sur la biodiversité en France, nous avons dû exclure les outre-mer [qui représentent 80% de la biodiversité française, NDLR] et nous concentrer sur les espèces protégées», détaille auprès de Vert Fanny Rouxelin, directrice du pôle biodiversité terrestre au WWF France et coordinatrice du rapport.

Brochet, grand tétras et dauphin

Pour ce premier bilan national, l’ONG ne donne donc pas d’aperçu chiffré de l’état global des différents groupes d’espèces – contrairement à son rapport international Planète vivante, qui nous apprenait l’an dernier que les populations mondiales de vertébrés sauvages s’étaient effondrées en moyenne de 73% en 50 ans (notre article). Dans un premier temps, les auteur·es ont choisi de se concentrer sur quelques «espèces emblématiques des champs, des forêts, des zones humides ou des océans» en France hexagonale.

Roi des rivières, le grand brochet souffre de la destruction des zones humides. © Guy Buchmann/Flickr

Plusieurs exemples viennent illustrer l’effondrement des populations d’animaux sauvages – déjà largement documenté dans la littérature scientifique (nos articles ici, ou encore ici) – au sein des principaux milieux naturels du paysage.

Dans les champs, la biodiversité souffre de l’intensification des pratiques agricoles (pesticides, homogénéisation des parcelles…). Oiseau typique des grandes pâtures humides, le vanneau huppé est par exemple en déclin sur les deux dernières décennies, en lien notamment avec la perte de son habitat. En outre, si les forêts françaises ont gagné en superficie en un siècle, certaines zones subissent une exploitation intensive quand d’autres font déjà face à l’impact du changement climatique. Entre autres facteurs, la raréfaction des vieilles forêts de montagne nuit par exemple au grand tétras (notre article).

Par ailleurs, la moitié des zones humides françaises a disparu en cinquante ans avec l’urbanisation et le drainage des terres. Privé des eaux peu profondes où il se reproduit, l’emblématique brochet a reculé de 30% en trente ans dans les rivières françaises. Surpêche, pollutions ou encore changement climatique : l’océan fait lui aussi face aux nombreuses pressions humaines. Le long des côtes atlantiques, le dauphin commun reste en déclin malgré de nouvelles mesures de protection (notre article).

+120% pour les espèces protégées en l’espace de trente-cinq ans

«Les espèces payent le prix fort de la dégradation des milieux et des pressions humaines, décrit Fanny Rouxelin. Mais l’autre message de notre rapport, c’est que ce n’est pas une fatalité. Dans ce tableau, sombre, nous avons fait une découverte qui laisse une lueur d’espoir.» Menée avec l’aide du Muséum national d’histoire naturelle, l’étude révèle dans un deuxième temps l’efficacité des mesures de sauvegarde de la biodiversité : d’après ses calculs, le WWF France estime que les populations de vertébrés protégés en France métropolitaine ont augmenté de 120% en moyenne depuis 1990.

Dans le détail, le rapport s’est appuyé sur la situation de 248 espèces bénéficiant d’un statut de protection dans le pays. Représentant un tiers des près de 700 vertébrés protégés en France hexagonale (et 14% de l’ensemble des espèces de vertébrés du territoire, protégées ou non), cet échantillon rassemble les animaux les mieux suivis dans le temps. Si les auteur·es se sont basé·es sur les résultats d’une vingtaine de programmes de recherche historiques de la biodiversité en France, «nous avons une majorité d’oiseaux, car ce sont les données qui sont souvent les plus qualitatives», indique Fanny Rouxelin. Quelques mammifères, poissons, amphibiens et reptiles complètent la liste.

Disparu du territoire français au début du 20ème siècle, le vautour moine fait son retour depuis les années 1990 grâce à des programmes de réintroduction dans les massifs du sud de la France. © Christian Grelard/Flickr

«Quand on se donne les moyens, la protection fonctionne», ajoute la chercheuse. Si toutes les espèces protégées ne remontent pas systématiquement la pente (un tiers du panel étudié reste en déclin), celles qui réussissent les retours les plus spectaculaires sont aussi celles qui bénéficient des efforts de sauvegarde les plus importants. Vautour moine, bouquetin ibérique, chauve-souris… les 19 vertébrés étudiés faisant l’objet d’un Plan national d’actions – ou «PNA», ces grandes feuilles de route de l’État visant à organiser la connaissance et la protection des espèces les plus menacées – ont ainsi vu la taille de leur population multipliée en moyenne par six depuis 1990.

«La protection fonctionne, donc il faut la sauvegarder»

Le rapport révèle également que ces actions sont plus efficaces quand elles s’inscrivent dans la durée. Victime de l’intensification des pratiques agricoles, l’outarde canepetière voit par exemple ses effectifs repartir à la hausse à partir de la fin des années 1990 : depuis la mise en place de son premier PNA en 2002, le nombre d’oiseaux a augmenté de 55%. Mais une infime part des espèces bénéficient de ce type de plans d’action ambitieux, et tous ne respectent pas leurs promesses, dénonce le WWF France. C’est le cas de l’ours brun, où l’État français ne remplace pas les individus tués.

De retour en France depuis les années 1970, les lynx boréaux subissent encore de nombreuses collisions routières et actes de braconnage. © Flickr

D’autres statuts de protection – nationaux ou européens – ont aussi des effets positifs sur la dynamique des espèces concernées. Mais, même strictement protégées, certaines populations restent très fragiles. À l’image du rorqual, ce grand cétacé toujours victime de nombreuses collisions de bateaux en mer Méditerranée, ou encore du lynx boréal, dont la population jurassienne reste menacée de disparition à moyen terme (notre reportage).

«La protection fonctionne, donc il faut la sauvegarder. Or, on observe que l’inverse se produit», déplore Fanny Rouxelin, qui cite par exemple le récent déclassement du statut de protection européen du loup gris. Son association appelle l’État à accélérer sur la restauration des écosystèmes (changement de pratiques agricoles, renforcement de la protection des milieux marins…) et à engager des moyens à la hauteur des enjeux, en réorientant les 37 milliards de subventions dommageables à la biodiversité vers le soutien à des pratiques durables. Reste à voir si ces recommandations seront entendues par l’actuel gouvernement, et notamment par Monique Barbut (notre portrait), actuelle ministre de la transition écologique… et ancienne présidente du WWF France.

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