Edito

En Europe, les populations d’oiseaux s’effondrent sous le poids de l’agriculture intensive

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C’est un effondrement absolu : 20 millions d’oiseaux disparaissent chaque année en Europe, soit -800 millions en 40 ans. La cause principale : l’agriculture intensive. Qui aurait pu prédire…?

Climat, urbanisation, gestion forestière… «Si les populations d’oiseaux souffrent de ce « cocktail » de pressions, les recherches montrent que l’effet néfaste dominant est celui de l’intensification de l’agriculture, c’est-à-dire de l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectare», révèlent les auteur·rices d’une vaste étude internationale. Pour s’en convaincre, les scientifiques ont suivi les populations de quelque 170 espèces issues de 20 000 sites répartis à travers tous les pays de l’Union européenne, sur près de 40 ans.

Leur étude, parue ce lundi dans la revue PNAS, révèle que les espèces déclinent dans tous les milieux (-25% en moyenne entre 1980 et 2016), mais ce déclin est beaucoup plus fort chez les oiseaux des milieux agricoles (-60%). Le moineau friquet, le tarier des prés ou le pipit farlouse sont en chute libre (-75%).

© Vincent Devictor, à partir de l’étude parue dans PNAS

Des oiseaux qui disparaissent, ce n’est pas seulement du folklore en moins : «les oiseaux sont impliqués dans des interactions fondamentales dans les écosystèmes : prédation et régulation d’autres espèces, dissémination des graines, ressources pour d’autres espèces prédatrices», expliquent le CRNS et le MNHN, dont les scientifiques ont contribué à l’étude. C’est «la signature d’une dégradation environnementale profonde».

En France, l’un des pays où l’agriculture s’est le plus intensifiée ces dernières années, les plans successifs de réduction des pesticides ont échoué sous le poids des habitudes et des lobbies ; cet échec a des conséquences majeures sur la biodiversité – donc sur nous-mêmes.

En 1962, la biologiste Rachel Carson alertait sur les dangers que faisaient peser les pesticides sur l’ensemble du vivant. Le «Printemps silencieux» qu’elle décrivait il y a 60 ans, celui où plus rien ne vole, ne piaille ou ne chante, est déjà là.