La faune aphone. Réunis à Strasbourg, les Etats de la Convention de Berne ont approuvé un déclassement du statut de protection du loup, qui va passer d’espèce «strictement protégée» à «protégée».
La décision fait hurler les défenseur·ses de la faune. Sous pression des éleveur·ses, les quarante-neuf États membres de la Convention de Berne se sont mis d’accord mardi à Strasbourg (Bas-Rhin) pour abaisser la protection du loup en Europe. Certains, comme Nathan Horrenberger, chargé de mission à l’association Humanité et biodiversité, redoutent que cet accord n’ouvre «la boîte de pandore» et incite d’autres acteurs à réclamer une baisse de protection pour des espèces comme l’ours, le cormoran ou le lynx.
Le loup, qui avait été exterminé au début du 20ème siècle dans plusieurs pays – dont la France -, a fait son grand retour ces dernières années. Une présence qui suscite la colère d’éleveur·ses, qui dénoncent des attaques de troupeaux. Plusieurs mois après des manifestations d’agriculteur·ices dans toute l’Europe, notamment contre les réglementations écologiques, la Convention de Berne – qui assure la protection de la faune – a approuvé un déclassement du statut de protection du loup. Il va passer d’espèce «strictement protégée» à «protégée».
«On ne pourra pas se mettre à chasser le loup sans aucun cadre», nuance le directeur des programmes du WWF France, Yann Laurans. Mais cette décision permettra «de généraliser la possibilité de tirer et de tuer des loups, selon des règles qui devront être déterminées nationalement». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué «une nouvelle importante pour nos communautés rurales et nos éleveurs», car «il nous faut une approche équilibrée entre la préservation de la faune et la protection de nos modes de vie».
Mais les défenseur·ses des animaux dénoncent «une décision politique et purement démagogique», comme l’a déclaré Nathan Horrenberger. «Ça ne va pas aider à résoudre les difficultés du monde de l’élevage, parce que ça fait des années qu’on tire des loups dans les pays européens, 20% disparaissent chaque année en France, et ça ne porte pas ses fruits», a-t-il ajouté. Selon lui, les tirs sont même «contre-productifs», car ils désorganisent les meutes et créent «des individus plus solitaires, qui se tournent vers les proies plus faciles, à savoir les animaux d’élevage».
Une «honte»
Les 49 États de la Convention de Berne, réunis à Strasbourg à huis clos, ont approuvé une proposition déposée en septembre par l’Union européenne (UE). «La modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne (dix-sept) s’y oppose, précise le Conseil de l’Europe, qui héberge la convention. Si moins d’un tiers des parties s’y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les (pays) qui n’ont pas formulé d’objection».
Mais seuls cinq États ont voté contre, selon l’association écologiste Green Impact : le Royaume-Uni, Monaco, le Monténégro, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine. L’association, qui parle de «honte» pour l’UE, a annoncé son intention de porter la décision devant la justice européenne. Dans l’Union, la décision devra encore être transposée dans la directive habitat.
«Sortir armés et à taper un loup»
Des loups peuvent déjà être tués dans des conditions très précises pour protéger des troupeaux, une disposition mise en œuvre en France avec des dérogations. Dans sa proposition, l’UE, qui assure se fonder sur «une analyse approfondie du statut» du carnivore sur son territoire, fait état d’une population grandissante, atteignant les 20 300 individus en 2023.
La colère des éleveur·ses s’est amplifiée ces derniers mois, par exemple en Haute-Saône, où le président de la Chambre d’agriculture, Thierry Chalmin, a appelé en septembre les exploitants à «sortir armés et à taper un loup si vous en voyez un !».
Interrogé ce mardi, Thierry Chalmin a qualifié la décision de la Convention de Berne de «palabre» qui «prendra encore 15 ans, et pendant ce temps-là les troupeaux continueront à se faire bouffer». «Le problème est loin d’être réglé parce qu’on passe de strictement protégé à protégé. C’est quoi la différence entre super-bandit et bandit ?», a-t-il lancé. L’estimation du nombre de loups en France en 2023 est de 1 003 individus, en baisse de 9% sur un an.
Début octobre, le premier ministre Michel Barnier avait estimé que la nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, attendue d’ici fin 2024, pourrait représenter un potentiel «moment clé» pour augmenter les abattages.
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