L'hebdo

Les pets de Damoclès

Fuites de méthane fossile ou flatulences de vaches : le trop-plein de gaz nous pend au nez.


Une fois n'est pas coutume, une bonne nouvelle à la Une. Voici l'info qu'il ne fallait pas rater cette semaine. 

Réduire les émissions de méthane : le meilleur moyen d'enrayer rapidement le réchauffement

Tu méthane ! Lutter contre les émissions de méthane (CH4), puissant gaz à effet de serre, serait la manière la plus simple et rapide d'enrayer le réchauffement climatique, selon l'ONU.

2020 fut encore une année record pour les émissions de méthane, au plus haut depuis 800 000 ans. Hélas, ce gaz possède un pouvoir de réchauffement 86 fois plus important que le CO2 au cours des vingt premières années passées dans l'atmosphère. On estime qu'il est responsable d'un quart du réchauffement actuel. Parmi les principales sources d'émissions : l'agriculture intensive (notamment les fameux « pets de vaches »), les décharges à ciel ouvert, et l'exploitation de gaz, de pétrole et de charbon : lors de l'extraction de ces hydrocarbures, d'importantes quantités de méthane sont relâchées dans l'atmosphère.

Autant de secteurs sur lesquels l'on peut agir vite et simplement, selon un rapport optimiste, publié jeudi par la Coalition pour le climat et l'air pur (CCAC), qui regroupe Etats membres de l'ONU, scientifiques, entreprises et ONG.

Fin 2019, le New York Times avait utilisé de nouveaux détecteurs pour visualiser les fuites issues d'installations pétrolières aux Etats-Unis. L'enquête avait permis de montrer que certains sites laissaient s'échapper jusqu'à 500kg de méthane par heure, des quantités largement plus élevées que les déclarations faites aux autorités. © New York Times

Ses auteur·rice·s estiment qu'il est possible de réduire de 45% les émissions d'ici 2030, à moindre coût et en utilisant les technologies déjà disponibles. Il s'agit, par exemple, d'améliorer la détection et la réparation des fuites de méthane de l'industrie. Des entreprises développent actuellement des satellites permettant de voir les moindres échappements (Vert). Le rapport recommande aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire, de développer les énergies renouvelables et de mieux isoler les bâtiments.

Puisque le méthane produit l'essentiel de ses effets dans ses premières années de vie, sa réduction à la source permettrait d'atténuer rapidement le changement climatique. Sa diminution de moitié éviterait 0,3°C de réchauffement, indique encore le rapport. En outre, cette réduction aurait d'innombrables effets positifs, évitant 260 000 morts prématurées, 775 000 hospitalisations pour des crises d'asthme, ou la perte de 25 millions de tonnes de cultures en raison des sécheresses liées au réchauffement.

On se refait le fil de cette folle semaine :

• Lundi, les Etats-Unis ont annoncé vouloir réduire fortement l'emploi des gaz HFC (hydrofluorocarbures). Il s'agit de puissants gaz à effet de serre utilisés dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Leur production et leur importation sera réduite de 85% entre 2022 et 2037, selon un communiqué de l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA). D'ici 2050, cette réglementation devrait permettre d'économiser l'équivalent de 4,7 millions de tonnes de CO2, autant que trois années d'émissions du secteur énergétique du pays. - New York Times (anglais)

• Mardi, à l'issue d'un vote solennel, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi « Climat et résilience ». Le texte a été soutenu par la seule majorité, par 332 voix contre 77, et 145 abstentions. Comme Vert l'avait expliqué, les député·e·s n'ont quasiment pas amélioré la version du gouvernement, et ce texte ne permettra pas de réduire suffisamment les émissions pour atteindre l'objectif de 40% de CO2 en moins d'ici 2030. Le projet de loi sera examiné par le Sénat au mois de juin. - Le Monde (AFP)

• Au même moment, des militantes d'Extinction Rebellion s'enchaînaient aux grilles de l'Assemblée nationale pour dénoncer le manque d'ambition du projet de loi « climat et résilience ». Elles ont fait parvenir les 12 clefs permettant de les libérer à autant de député·e·s et ministres, comme le secrétaire d'Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, fervent défenseur de l'avion. Aucune des personnalités visées n'est venue échanger avec les protestataires. - L'info durable (AFP)

• Mardi encore, pour la première fois l'Union européenne a autorisé la mise sur le marché d'insectes pour l'alimentation humaine. Les larves de ténébrion meunier – ou « ver de farine » - pourront être vendues sous forme d'insecte entier séché, ou en poudre. Il s'agit d'un aliment très riche en protéines et qui nécessite l'emploi de faibles ressources. Onze autres demandes sont en cours pour autoriser la ventes d'autres espèces. - Le Point (AFP)

Des ONG accusent le prince Emmanuel de Liechtenstein d'avoir abattu illégalement « le plus grand ours » de Roumanie. Malgré l'interdiction de chasser les plantigrades dans le pays, le souverain avait obtenu une dérogation pour abattre une femelle qui occasionnait de nombreux dégâts. Mais, selon les associations Agent Green et VGT, le prince aurait tué un très imposant mâle de 17 ans. L'agence Associated press a annoncé avoir eu accès à des documents officiels indiquant que le prince aurait eu droit à une dérogation de quatre jours pour chasser dans une zone protégée des Carpates et qu'il aurait tué le mâle, contre la somme de 7 000€. - The Guardian (anglais)

Le groupe Total a annulé une campagne publicitaire qu'il avait prévu de diffuser dans Le Monde après la publication, jeudi, d'une enquête du quotidien sur ses montages financiers présumés en Birmanie. Comme Vert s'en était fait l'écho, Total est soupçonné d'avoir esquivé l'imposition d'une large part des bénéfices de son exploitation gazière Yadana, et d'avoir partagé ses revenus avec la junte militaire. - Le Figaro (AFP)

+ 2,4°C

Bien mais pas top. Les nouveaux engagements climatiques récemment pris par les principaux émetteurs mondiaux (Chine, Etats-Unis, Union européenne) devraient tout de même entraîner un réchauffement de 2,4°C d'ici 2100, selon un bilan publié mardi par l'ONG Climate tracker action. Une marque bien éloignée de l'objectif de l'accord de Paris, qui vise à contenir l'élévation des températures à 2°C, voire 1,5°C. Pis, les politiques actuelles conduisent à un réchauffement de 2,9°C vers la fin du siècle. - Climate action tracker (anglais)

Cette semaine encore, nous avons appris tout un tas de choses. Par exemple : 

• Il ne faut patron leur en demander. Les dirigeant·e·s des 40 plus grosses valeurs boursières françaises (CAC40) sont majoritairement rétribué·e·s selon des critères financiers de court terme tandis que les objectifs climatiques et sociaux sont inexistants. - Vert

• Au charbon contre le climat. Contrairement à tous les autres grands émetteurs de CO2 de la planète, le gouvernement australien refuse d'accroître ses efforts pour le climat et masque son inaction derrière des chiffres truqués. - Vert

• Ça jette un froid. Au rythme actuel, la fonte de l'Antarctique pourrait connaître une accélération brutale et un basculement irréversible d'ici 2060. - Vert

• Forêt que ça cesse. Au Brésil, les activités humaines et le changement climatique ont à ce point modifié l'écosystème amazonien que la forêt ne joue plus son rôle de puits de carbone et émet désormais plus de CO2 qu'elle ne peut en absorber. - Vert

• Y-a-t-il un climatologue dans l’avion ? Pour faire semblant de concilier lutte contre le réchauffement et croissance du trafic, les compagnies aériennes misent sur des programmes de compensation carbone bidons, notamment dans la forêt amazonienne. - Vert

• Usine à gaz. Les bénéfices du gaz birman exploité par Total s’échappent en partie vers un paradis fiscal, pour le plus grand bonheur des militaires au pouvoir. - Vert

• Poissons énergétiques. Alors que les rivières de Californie (Etats-Unis) sont à sec, des millions de saumons sont acheminés en camion jusqu'à l'océan Pacifique. - Vert

Un extrait de la nouvelle campagne de publicité de la radio Europe 1.

Ah, qu'ils ont dû se sentir malins. « L'écologie est-elle une nouvelle dictature ? », c'est la question faussement potache - et si lourde - posée dans le cadre de la dernière campagne de publicité de la radio Europe 1. Parmi les autres interrogations qui ne manqueront pas d'interpeller les passants : « Faut-il avoir honte de manger de la viande ? » Dépeindre les écolos en dictateurs plutôt que d'interroger leurs motivations, personne n'y avait pensé. En revanche, aucune question sur l'extrême droite aux portes du pouvoir. Un oubli, probablement.

Prendre ses auditeurs pour des imbéciles permettra probablement à la radio de gagner quelques points d'audimat. De faire avancer le débat public sur le bouleversement climatique, certainement pas

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• C'est pas bio, ça ? L'association Terre de liens a mis en ligne une plateforme de petites annonces destinée à faciliter la transmission de terrains et l'installation de nouveaux paysans bio. - Vert

• Trône déter. Les écologistes d’Alternatiba et le syndicat de parents des quartiers populaires Front de Mères unissent leurs forces pour créer Verdragon, une future maison de l’écologie pour toutes et tous. - Vert

• Haies lasses. Les défenseurs de l'agroforesterie militent pour que les haies, qui rendent une foule de services à l'agriculture, soient mieux protégées dans le cadre de la future Politique agricole commune. - Vert

• Wunderbar ! Contraint par la justice et par ses rivaux écologistes, le gouvernement d'Angela Merkel a annoncé de nouveaux objectifs climatiques, plus ambitieux, pour les décennies à venir. - Vert

En cette période de semis, nous vous proposons de quoi bricoler une mini-serre maison avec des cadres de récupération. Si tout se passe bien, votre serre devrait ressembler à ça. Pour savoir quoi semer à cette période de l'année, voici un calendrier des semis. A lire sur le site de Vert.

Giec tout compris. Dans Urgence climatique, bande-dessinée hyper exhaustive sur les enjeux environnementaux, des profs et des expert·e·s du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) nous font tout un dessin des crises du climat et du vivant. Une chronique et des extraits à feuilleter sur le site de Vert

Le corona et le pangolin

Par nécessité, par tradition ou par avidité, les humains ont sans cesse réduit l'espace qui les séparait des animaux sauvages. Or, dans la nature, des millions de virus dorment en attendant de trouver un hôte qui leur permettra de se répliquer et d'évoluer. A l'instar de Zika, Ebola, le SRAS ou le Sida, 60% de nos maladies infectieuses proviennent du monde sauvage, rappelle Le corona et le pangolin. Un documentaire brut et édifiant qui raconte ces maux que nous nous infligeons, à nous-mêmes en même temps qu'à l'ensemble du vivant, des marchés d'animaux sauvages aux entrailles de nos smartphones.

Le corona et le pangolin, Sabine Holzer, 2021, disponible en replay sur le site d'Arte

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