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En Amazonie et ailleurs, la compensation carbone bidon des compagnies aériennes

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Y a‑t-il un cli­ma­to­logue dans l’avion ? Faute de pou­voir ménag­er engage­ments cli­ma­tiques et crois­sance du traf­ic, les com­pag­nies aéri­ennes mis­ent sur des pro­grammes de com­pen­sa­tion car­bone bidons

Le secteur aérien a promis de réduire de moitié ses émis­sions à l’horizon 2050. Alors qu’il con­tribue déjà à hau­teur de 6 % au réchauf­fe­ment cli­ma­tique et croît de 4 % par an, l’équation sem­ble impos­si­ble à résoudre (Vert). Aucun sub­sti­tut au kérosène, extrait du pét­role, n’est prêt à pren­dre le relai pour ali­menter les avions (Vert).

Pour con­cili­er l’inconciliable et faire bonne fig­ure, le secteur aérien a opté pour la « com­pen­sa­tion car­bone ». Il s’agit de retir­er de l’at­mo­sphère et de stock­er de manière durable l’équivalent du car­bone émis, en sou­tenant des pro­jets de plan­ta­tion d’arbres ou de pro­tec­tion de forêts. C’est ain­si qu’Air France a van­té, pen­dant un temps, des vols pré­ten­du­ment « neu­tres en CO2 » (France info).

Jusqu’en juil­let 2020, Air France van­tait des vols « neu­tres en CO2 », arguant qu’il s’agis­sait d’une recom­man­da­tion du Giec. Sur Twit­ter, la cli­ma­to­logue Valérie Mas­son-Del­motte avait répon­du que le Giec « ne fait pas de recom­man­da­tion, et ne sou­tient pas ces options ». La com­pag­nie avait ensuite sup­primé cette men­tion de son site.

Menée par Green­peace, le Guardian et le col­lec­tif de jour­nal­istes Source Mate­r­i­al, une vaste enquête s’est penchée sur dix pro­jets béné­fi­ciant à six com­pag­nies aéri­ennes, dont Air France, British air­ways ou Easy Jet. Tous sont cer­ti­fiés par l’organisme Ver­ra, à l’origine de 1 700 ini­tia­tives sim­i­laires. 

Ces pro­jets con­sis­tent à pro­téger des forêts, situées en Amérique du Sud (Brésil, Pérou) ou en Afrique (Ethiopie), qui auraient dû être défrichées. Ce qui octroie des tonnes de CO2 « com­pen­sées » aux com­pag­nies qui les finan­cent. Or, révèle l’enquête, il est impos­si­ble de définir avec cer­ti­tude quelles par­celles auraient véri­ta­ble­ment risqué la déforesta­tion. L’analyse d’images satel­lite révèle que les hypothès­es de Ver­ra sont exces­sives. Les béné­fices des pro­grammes de pro­tec­tion sont impos­si­bles à véri­fi­er ou suré­val­ués. Par ailleurs, cer­tains pro­jets courent sur seule­ment vingt ans, ne garan­tis­sant absol­u­ment pas que les arbres ne seront pas abat­tus à court terme. Les com­pag­nies béné­fi­cient ain­si de crédits car­bones « fan­tômes ». 

Dans cette aire de l’A­ma­zonie brésili­enne, les pré­dic­tions de déforesta­tion dans la zone du pro­jet de Ver­ra (rouge) sont basées sur le défriche­ment con­staté dans la zone de référence (vert). Des obser­va­tion satel­lite révè­lent que 97% de la déforesta­tion dans cette sec­onde zone a eu lieu à moins de 20km d’une route majeure (tracée en jaune). Or, aucune ne tra­verse la zone de pro­jet. © Georgie John­son / Unearthed

Pour le spé­cial­iste de la mod­éli­sa­tion de la déforesta­tion Brital­do Sil­veira Soares Fil­ho, qui a con­tribué à l’en­quête, il s’ag­it d’« une arnaque. Ni les plan­ta­tions d’arbres ni l’évitement de la déforesta­tion ne ren­dront un vol neu­tre en car­bone ».