En Birmanie, l’argent du pipeline de Total fuite aux Bermudes et arrose les militaires

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Usine à gaz. Les béné­fices du gaz bir­man exploité par Total s’échappent en par­tie vers un par­adis fis­cal, au béné­fice des mil­i­taires au pou­voir, selon une enquête du Monde.

Chaque année, le géant français extrait 16 mil­lions de mètres cubes de gaz du champ de Yadana, au large des côtes du Myan­mar. Trans­portés via un gazo­duc sous-marin de 346 km, ils four­nissent 50 % de l’électricité de la cap­i­tale bir­mane Ran­goun.

A la suite du coup d’Etat du 1er févri­er 2021 qui a vu la junte mil­i­taire repren­dre le pou­voir dans ce pays d’Asie du sud-est, 120 000 doc­u­ments admin­is­trat­ifs ont fuité, dévoilés par l’ONG Dis­trib­uted denial of secrets. Par­mi eux, les comptes de la société pro­prié­taire du pipeline, la Moat­ta­ma Gas Trans­porta­tion Com­pa­ny (MGTC), que le Monde a analysés

Le quo­ti­di­en révèle que la MGTC, domi­cil­iée dans le par­adis fis­cal des Bermudes, fac­ture le trans­port du gaz au dou­ble du prix du marché à ses pro­pres action­naires. Ceux-ci sont pour­tant les mêmes que ceux du champ gazier : on trou­ve les pétroliers Total et Chevron, une société publique thaï­landaise (PTTEP) et la com­pag­nie bir­mane MOGE — une entre­prise publique aux mains des mil­i­taires.

Cette bizarrerie masque une astuce : en plaçant tous les prof­its sur le trans­port du gaz, bien moins imposé que la pro­duc­tion, ce mon­tage min­imise les revenus fis­caux de l’Etat bir­man. Et il per­met de max­imiser les div­i­den­des — non imposés aux Bermudes — des action­naires du champ pétroli­er, dont Total et la MOGE.

En 2013, indique le Monde, la MOGE a déposé 1,4 mil­liard de dol­lars sur des comptes dont les béné­fi­ci­aires ne sont pas con­nus. Puis encore 4,5 mil­liards en 2018, avant que l’arrivée d’Aung San Suu Kyi ne mette fin à la pra­tique en 2019. 

Cet argent serait-il directe­ment ver­sé aux mil­i­taires bir­mans ? C’est ce que soupçonne l’ONG Jus­tice for Myan­mar qui a appelé Total à sus­pendre tout paiement à la junte bir­mane en atten­dant le retour de la démoc­ra­tie.