L'hebdo

Le vivant paie en espèces

Chères toutes et chers tous,

Vous l'avez peut-être vu sur notre site : à l'occasion du congrès mondial de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN), qui s'est tenu toute la semaine à Marseille, nous vous avons concocté une programmation spéciale sur le vivant. Dans ce numéro, vous trouverez de nombreuses données-clef sur la biodiversité, une galerie de portraits d'espèces menacées, mais aussi des bonnes nouvelles (si, si).


La facture que nous règle le vivant est plus salée que l'eau des océans.


C'est l'info qu'il ne fallait pas rater.

Les innombrables liens entre vivant et climat

Vivant et climat, même combat : voici l'un des messages principaux du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui s'est tenu cette semaine à Marseille. Décryptage des principaux mécanismes à l’œuvre.

Premier constat, duquel tous les autres découlent : c'est le vivant qui absorbe et stocke le carbone (C). Grâce à la photosynthèse, les végétaux se nourrissent de cet élément constitutif du dioxyde de carbone (CO2) et du méthane (CH4), les deux gaz à effet de serre responsables de la plus large part du réchauffement climatique. A elles seules, les forêts ont stocké quelque 16 gigatonnes (milliards de tonnes) d'équivalent CO2 par an au cours de la dernière décennie (Nature). A contrario, leur dégradation a entraîné l'émission de 8 Gt de CO2 de plus par an.

Des sommes colossales, à rapporter aux émissions totales de l'humanité : 34 Gt en 2020 (Global Carbon project). D'autres milieux naturels terrestres, en tête desquels les tourbières, stockent également des quantités faramineuses de carbone. Le phytoplancton qui peuple les océans joue également un rôle de premier plan dans ce processus. Mais le réchauffement sans précédent des mers, qui ont absorbé la majeure partie de l'excédent de chaleur planétaire, met gravement en danger ce mécanisme.

Vue satellite de masses de phytoplancton dans la mer de Barents © Nasa

Le bouleversement du climat menace en retour l'ensemble du vivant. Chaleur, sécheresses, acidification et stratification des océans, multiplication des événements extrêmes (tempêtes tropicales, moussons, etc.) rendent invivables les habitats des animaux et végétaux, littéralement forcés à la migration en direction des pôles. Pas une mince affaire lorsque l'on est enraciné comme un chêne, laissant craindre la disparition à moyen terme de milliers d'espèces végétales. Passé un point de rupture, si les végétaux sont trop affectés par la chaleur, ils perdent leur capacité à stocker le CO2.

C'est ainsi qu'entre 2010 et 2019, l'Amazonie brésilienne est devenue émettrice nette de carbone (Vert). Le bouleversement du cycle de l'eau et des températures fait également naître de nouveaux dangers : de nombreux passereaux des îles hawaïennes, en fuite vers les sommets, sont rattrapés et décimés par des moustiques vecteurs du paludisme (Le Monde). En 2018, une étude du WWF avait déterminé qu'un réchauffement de +4,5°C d'ici la fin du siècle menacerait d'extinction au niveau local la moitié des espèces qui peuplent 35 écorégions du globe.

• Dimanche, des représentant·e·s des peuples autochtones ont demandé la protection de 80 % de l'Amazonie d’ici 2025 à l'occasion du congrès de l'UICN. Une motion a été déposée pour réclamer un « plan d’action global » afin de mettre fin à la déforestation et à l’extraction minière dans la plus grande zone forestière de la planète. C'est la première fois que les organisations des peuples autochtones ont un droit de vote lors du congrès de l’UICN. - 20 Minutes (AFP)

TotalEnergies vient de signer un contrat à 10 milliards de dollars (8 milliards d'euros) sur 25 ans avec le gouvernement irakien, a-t-on appris dimanche. Le groupe prévoit d'installer un champ d'éoliennes dans le sud du pays. Une large part du contrat concerne des projets liés au gaz et au pétrole. - Les Echos (abonnés)

• Lundi, le procès d’un réseau international de trafiquants d’ivoire et de cornes de rhinocéros s’est ouvert à Rennes (Ille-et-Vilaine). Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2015, des douaniers avaient saisi quatre défenses d’éléphants d’Afrique et 32 800 euros en espèces dans une BMW. La police avait ensuite découvert des ateliers de transformation de cornes et de défenses et mis au jour un vaste trafic destiné au marché chinois. - Le Monde (AFP)

• Mardi, l'ONU a rejeté la demande de report de la 26ème conférence des parties de l'ONU sur les changements climatiques (COP26) prévue à Glasgow, réclamée le même jour par Climate Action Network, qui regroupe plus de 1 500 ONG. À deux mois de l'échéance, celles-ci estiment « impossible » la tenue d'une réunion en présentiel « inclusive et juste », étant donné « l’échec à soutenir l’accès aux vaccins à des milliers de personnes dans les pays pauvres, les coûts en hausse des voyages et du logement et […] l’incertitude sur l’évolution de la pandémie de Covid-19 ». - Le Monde (AFP)

• Jeudi, à un journaliste qui lui demandait s'il prévoyait d'amorcer la fin de l'industrie du charbon, le premier ministre australien Scott Morrison l'a assuré : « Nous continuerons de miner [...] pendant encore longtemps ». Que l'on se rassure, cette activité se fera d'une manière « bien plus respectueuse pour le climat ». Publiée la veille dans Nature, une étude indiquait que l'Australie devrait laisser 89% de son charbon dans le sol pour espérer contenir le réchauffement à moins de 1,5°C d'ici la fin du siècle (voir plus bas).

N°1

L'été sahélien. L’été 2021 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, selon les données publiées mardi par Copernicus, programme européen d’observation de la Terre. La température moyenne relevée entre juin et août a été supérieure de 0,96°C aux normes de saison observées entre 1991 et 2020, dépassant légèrement les précédents records des étés 2010 et 2018. - Libération

De la nourriture (bio) pour l'esprit.

• Une étude bidoche. La viande ne représente que 18 % des calories consommées dans le monde, mais sa production émet 56% à 58% des émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole, rapporte l'Atlas de la viande 2021 publié mardi par la Fondation Heinrich Böll, un groupe de réflexion allemand sur la transition sociale et écologique. Autre chiffre marquant : la consommation de viande a doublé en 20 ans. - Le Monde (abonnés)

• Pétrole n'en faut. Pour avoir une chance de contenir le réchauffement climatique à moins de 1,5°C d’ici la fin du siècle, il faudrait laisser 90% du gaz et 60% du pétrole dans le sol, révèle une étude publiée mercredi dans Nature. Les scientifiques estiment que la production mondiale de ces deux hydrocarbures devrait décroître de 3% par an jusqu’en 2050. - Le Monde (abonnés)

• Une question à un million d'espèces : le vivant décline, certes, mais à quel point ? Pas facile de répondre avec précision, quand on ne sait pas combien d'espèces animales et végétales peuplent la planète. Mais l'IPBES, sorte de « Giec du climat » a fait ses calculs : depuis 1900 l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 %. Pis, un million d'espèces seraient menacées d'extinction, dont une large part dans les prochaines décennies. - Vert

Cliquez sur l'image pour l'afficher en grand © Justine Prados / Vert

Qu'est-ce qui pèse le plus lourd : une gigatonne de plomb ou de plumes ? En 2018, pour la première fois, des chercheurs ont estimé le poids de tout le vivant sur Terre. Parmi les enseignements révélés par leur étude : les animaux représentent une part infime du total, et notre influence est énorme, alors que la masse des mammifères est presque uniquement constituée d’humains et de bétail. Retrouvez une seconde infographie comportant le détail du poids des animaux dans notre article sur vert.eco.

A l'occasion du congrès mondial de l'UICN, voici une galerie de portraits d'espèces menacées, dont les histoires racontent certains des bouleversements en cours.

🐊 Malgré ses faux airs de Godzilla, le dragon de Komodo s'est trouvé un adversaire plus fort que lui : le réchauffement climatique.

🌴 Le climat et l'artificialisation des sols lui font pourrir les racines ; à Madagascar, le mythique baobab de Grandidier - le plus haut du monde - est en danger.

🐠 Elles font partie des plus belles merveilles du monde et abritent 25% de la biodiversité marine. Pourtant, les barrières de corail sont en voie d'extinction dans plusieurs coins du globe.

🐤 Petit oiseau des champs qui cumule les difficultés, le pipit farlouse a perdu les deux tiers de ses effectifs en moins de 20 ans, devenant l’espèce la plus en déclin en France.

🐀 Il a frôlé l'extinction au début du XXè siècle, mais grâce à des programmes de protection, le castor européen est de retour, une bonne nouvelle pour les écosystèmes.

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• Hallé les verts. Botaniste renommé, il a parcouru le monde depuis les canopées des plus belles forêts. Francis Hallé œuvre désormais aux côtés de scientifiques, de photographes et de citoyen·ne·s, pour recréer une forêt primaire en Europe. Dans un entretien, il raconte les nombreux défis posés par ce fascinant projet. - Vert

• Une trame verte nommée désir. Dans la préservation du vivant et de ses lieux de vie, il est une solution qui fait son chemin en France et en Europe : la trame verte et bleue. Il s'agit de rétablir des « continuités écologiques » en recréant des corridors verts (faits de végétation) et bleus (cours d'eau et zones humides) entre différents réservoirs de vie. De quoi permettre aux animaux de se rencontrer, se reproduire et se perpétuer. - Vert

• C'est de bons thons. Quatre espèces de thons pêchés commercialement sont « en bonne voie de rétablissement » grâce à des quotas de pêche régionaux appliqués depuis une décennie, a révélé l'UICN lors de la mise à jour de sa « liste rouge » des espèces menacées. Les espèces concernées sont le thon rouge de l’Atlantique, le thon rouge du Sud, le thon blanc et le thon albacore. - Vert

• Tribunal féral. Notre Affaire à Tous et Pollinis ont posé un ultimatum au gouvernement d'Emmanuel Macron : si celui-ci n'en fait pas davantage pour protéger la biodiversité française, les deux ONG l'attaqueront en justice. En février dernier, Notre affaire à tous avait réussi à faire condamner l'Etat pour son inaction climatique. - Vert

Ils volent sans s'arrêter pendant des mois, font des pointes à 200km/h, gobent 20 000 insectes par jour. Dans son roman graphique Les martinets se cachent pour dormir, l’italien Franco Sacchetti nous embarque en direction du ciel où les martinets noirs jamais n’arrêtent de battre des ailes. Une chronique à lire sur le site de Vert

Une vie d'abeille

Attire d'elle. Consacré à la transition écologique et démocratique, le site de streaming Imago.tv héberge sur sa plateforme une véritable pépite visuelle : un court-métrage titré « Apis Mellifera » du nom de sa protagoniste. On y suit pendant 10 minutes les battements d'ailes d'une abeille européenne, volant parmi les fleurs ou travaillant dans sa ruche. Un film à taille d'abeille, d'une beauté et d'une précision rare.

© Jean-Michel Poulichot