L'hebdo

Le concours de buts des chefs d’Etat

-50, -55, -78% ! Le sommet sur le climat organisé par les Etats-Unis s'est transformé en festival de surenchères entre leaders mondiaux en manque de résultats.


Voici l'actu qu'il ne fallait pas rater cette semaine. 

La piètre ambition du nouvel objectif climatique européen

Promo sur le climat. L'accord européen obtenu mercredi, qui prévoit la baisse de 55% des émissions de CO2 d'ici 2030, n'est pas du tout à la hauteur de la crise climatique.

Comme pour masquer la faiblesse du résultat obtenu, la presse a abondamment mis en scène les quelque 14 heures de négociations « acharnées » entre eurodéputé·e·s et représentant·e·s des Etats membres de l'Union européenne (UE). Mercredi, à l'issue d'une nuit de tractations, elles et ils ont arrêté un objectif : réduire d'« au moins » 55% les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2030 à l'échelle de l'UE, par rapport à leur niveau de 1990. Le précédent objectif était de -40%.

Le contenu de cet accord, qui prévoit d'autres mesures (Commission européenne), sera inscrit dans la future loi climat européenne, actuellement en préparation. Des esprits chagrins n'ont pas tardé à pointer du doigt la faiblesse de ces dispositions.

Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a applaudi cet accord qui met, selon elle, l'UE « sur une voie verte pour une génération » © Parlement européen

Après un vote en octobre dernier, les eurodéputé·e·s s'étaient entendu·e·s pour relever l'objectif à -60%. C'est finalement celui, moins ambitieux, qu'avait choisi la Commission qui a été retenu.

Par ailleurs, pour atteindre cette marque, l'UE compte beaucoup sur la compensation par l'emploi de puits de carbone. La baisse « brute » des émissions ne serait que de 52,8%. En outre, la trajectoire actuelle de l'Europe menait déjà à une baisse de 46% d'ici 2030. Enfin, l'accord de mercredi a échoué à lier les Etats membres autour de l'objectif de zéro émissions nettes d'ici 2050, à cause du refus de la Pologne, toujours très largement dépendante du charbon.

Comme l'a rappelé au Guardian Wendel Trio, le directeur du Réseau action climat européen, cet objectif de -55% ne permettra pas de respecter l'Accord de Paris qui prévoit de contenir le réchauffement planétaire à moins de 1,5°C. Selon l'écologiste, cette nouvelle marque a été « décidée à la va-vite par les législateurs européens pour ne pas arriver les mains vides au sommet des chefs d'Etats organisé par les Etats-Unis » qui s'est ouvert ce jeudi.

On se refait le fil de cette folle semaine : 

• Samedi dernier, le projet de loi « climat et résilience » a quitté l'Assemblée nationale après trois semaines d'examen par les député·e·s. Hélas, le texte initialement rédigé par le gouvernement n'a été que très légèrement modifié et ne devrait permettre d'atteindre qu'une infime partie de l'objectif français de réduction des émissions de CO2. - Vert

• Samedi encore, le premier ministre Jean Castex a promis la création d’un « fonds de solidarité exceptionnel » doté d’un milliard d’euros pour soutenir les exploitations agricoles meurtries par l'intense épisode de gel qui s'est abattu sur les cultures lors de ces deux dernières semaines. D'autres mesures - report et exonération de cotisations sociales, dégrèvement de taxes foncières sur le non bâti, etc. - devraient être mises en œuvre. - France Inter (AFP)

Poursuivi pour avoir « décroché » le portrait d'Emmanuel Macron dans la mairie d'Amiens, l'écologiste Gaspard Fontaine a été relaxé, mardi. Le tribunal correctionnel d'Amiens a estimé que « l’incrimination de vol serait disproportionnée par rapport au droit à la liberté d’expression ». Son geste s'inscrivait dans le cadre d'une vaste campagne menée, en 2019, par ANV-COP 21, dont les militant·e·s avaient subtilisé plus de 150 portraits du président pour alerter au sujet de son inaction pour le climat. Le parquet a fait appel. - Reporterre

Dans une lettre ouverte publiée mercredi, 101 lauréat·e·s du prix Nobel - dont le Dalai Lama - appellent les nations du monde à signer un « traité de non-prolifération fossile ». Les dirigeant·e·s sont prié·e·s de mettre fin à tout projet d'extension de leur production d'hydrocarbures, principaux responsables de l'élévation des quantités de CO2 dans l'atmosphère. - The Guardian (anglais)

• Mercredi, le ministre de l'agriculture Julien Denormandie a reconnu que l'objectif de 15% des surfaces agricoles françaises cultivées en bio d'ici 2022 ne sera pas atteint. « On sera à 12,5%, je pense » a-t-il déclaré sur BFMTV/RMC. Doté de 1,1 milliard d'euros, ce plan devait permettre de faire passer ce chiffre de 6,5% à 15% sur la durée du quinquennat d'Emmanuel Macron. - BFMTV

• Vendredi, la Chine s'est engagée à réduire fortement l'usage des HFC (hydrofluorocarbures), puissants gaz à effet de serre utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs, dont le pays est le premier producteur mondial. Lors du sommet sur le climat, Xi Jinping, le président chinois, a annoncé la ratification de l'amendement de Kigali au protocole de Montréal, qui prévoit une diminution de 85% de la consommation de HFC d'ici 2047. Un texte déjà signé par 119 pays. - Le Monde (abonnés)

-78%

Cette semaine, au cours de laquelle s'est déroulé le sommet virtuel des leaders mondiaux sur le climat, fut aussi celle de la surenchère. Le premier ministre Boris Johnson a annoncé un nouvel objectif hors-norme, le plus ambitieux de tous les pays du globe : réduire de 78% les émissions de CO2 de son pays d'ici 2035, par rapport à leur niveau de 1990. Un chiffre complètement déraisonnable en l'absence de réel programme de réduction des émissions.

Comme Vert l'avait expliqué, la « révolution industrielle verte » présentée en novembre dernier est une parodie de plan climat. L'actuel gouvernement a longtemps soutenu l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon (Vert) et refuse de lâcher le projet de nouveau terminal à l'aéroport de Hearthrow. Cet objectif permet surtout à Boris Johnson de faire oublier son piètre bilan environnemental, à quelques mois de l'ouverture de la COP26, qui se tiendra, début novembre à Glasgow.

Cette semaine encore, nous avons appris tout un tas de choses. Par exemple : 

• Désespoir de l'énergie. En 2021, la consommation d'énergies fossiles devrait exploser sous l'effet du rebond de l'économie mondiale, révèle l'Agence internationale de l'énergie (AIE). - Vert

• Le doute bénéficie à l'accusé. Dans un récent rapport, l’Anses se veut rassurante au sujet des potentiels effets sanitaires du déploiement de la 5G, tout en reconnaissant que les données manquent pour l'attester. - Vert

• Frappé au coin du mauvais sens. En recréant la notion de rareté en ligne, les NFT attirent une foule de spéculateurs et participent à faire exploser le bilan carbone du numérique. - Vert

• What the fac? Ces dernières années, l'université d'Oxford a reçu des millions de livres de l'industrie fossile et mène des travaux de recherche qui lui bénéficient. - Vert

• Les faux-cils de l'énergie. Les géants du pétrole multiplient les messages trompeurs pour minimiser leur impact sur le réchauffement climatique. - Vert

• America, phoque yeah ? Le nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden, veut diviser par deux les émissions américaines d’ici 2030; un objectif irréaliste, mais qui lui permet de replacer son pays parmi les leaders climatiques. - Vert

La transformation de la mer d'Aral, au Kazakhstan, entre 1984 et 2020 © Google

« Timelapse », l'outil de Google qui permet d'afficher des vues aériennes du passé vient de bénéficier d'une sérieuse mise à jour. A travers Google earth, la mappemonde satellite, il est possible d'afficher des diaporamas, année par année, des observations en haute-définition réalisées depuis 1984. On peut y voir la déforestation qui s'accélère, les traits de côtes qui reculent, les lacs qui s'assèchent, les glaces qui disparaissent. A travers des centaines de vidéos, une playlist sur Youtube raconte la transformation de nombreux paysages emblématiques. On peut également explorer le passé soi-même avec Timelapse en cliquant ici.

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• Conseil d'amis. Dans une décision rendue le 15 avril, le Conseil d'Etat enjoint au gouvernement de rendre systématiques les études d'impacts environnementaux pour tous les projets d'aménagement. Pour l'heure, certaines infrastructures comme les stades sportifs accueillant moins de 1 000 personnes ne font pas l'objet d'évaluations environnementales avant leur construction. - Vert

• Un train d'avance. Dans une tribune, une centaine de chercheur·euse·s de Montpellier promettent de réduire leurs déplacements en avion et de bouder la liaison aérienne vers Paris. - Vert

• Sept extra. Dix nouveaux sites - dont sept en France - enrichissent la liste verte des aires protégées et conservées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). - Vert

• La jouer collectif. Ce jeudi, 20 groupes de salarié·e·s de différentes firmes lancent « Les collectifs », une association qui vise à favoriser la transition écologique dans les grandes entreprises. - Vert

Avec le temps, nos cheveux se chargent de particules de pollution, de résidus de pesticides et de toxines en tout genre. Cette semaine, voici de quoi faire le ménage sur vos têtes avec cette recette de soin « détoxifiant » pour les cheveux glanée sur la page Peau neuve. A retrouver sur le site de Vert.

Tout, ils sauront tout sur le clicli. Dans Dis, c'est vrai qu'on peut soigner la Terre ?, la journaliste Anne Thoumieux trouve les mots pour répondre aux questionnements des enfants sur l'écologie, comme à ceux des adultes. Une chronique à lire sur le site de Vert

L'emprise de Total sur les grandes écoles

© Greenpeace