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Le glyphosate de Bayer-Monsanto jugé non responsable du handicap de Théo Grataloup, «une déception pour la famille»

L’herbicide épandu par Sabine Grataloup pendant sa grossesse ne peut être considéré responsable des malformations de son fils Théo, a tranché le tribunal de Vienne (Isère) ce jeudi. Un revers pour la famille, qui compte poursuivre son combat et réfléchit à saisir la cour d’appel.
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C’est un nouvel acte dans cette bataille judiciaire débutée il y a sept ans : ce jeudi, le tribunal de Vienne (Isère) a jugé irrecevable la demande des parents de Théo Grataloup, 18 ans. Ces derniers voulaient faire reconnaître que les malformations congénitales de leur fils étaient liées à son exposition in utero au glyphosate, ce célèbre herbicide du géant de la chimie Bayer-Monsanto.

La mère de Théo, Sabine Grataloup, estime que le handicap de son fils – né avec l’œsophage et la trachée qui ne se sont pas séparés correctement – trouve sa source en août 2006. Elle était alors enceinte et avait utilisé du Glyper, un générique de l’herbicide Roundup de l’entreprise américaine Monsanto (rachetée par le groupe allemand Bayer en 2018), pour désherber une carrière d’équitation. Un produit à base de glyphosate.

Théo Grataloup et ses parents, à la sortie du tribunal de Vienne (Isère), le 3 avril 2025. © Jeff Pachoud/AFP

Convaincus du «lien de causalité» entre le glyphosate et le handicap de leur fils, les parents ont lancé en 2018 une action au civil pour faire reconnaître ce lien par les tribunaux. L’audience s’est déroulée le 3 avril devant le tribunal judiciaire de Vienne.

«Cette décision contribue à l’impunité d’industriels»

Dans son jugement rendu en délibéré ce jeudi, le tribunal estime que la famille de Théo n’a pas apporté la preuve suffisante que du glyphosate a bien été utilisé par Sabine Grataloup. Ses déclarations «ne sont confortées par aucune facture, ou autres pièces, propres à établir l’achat d’un bidon de Glyper au cours de l’été 2005 qui aurait pu être utilisé au cours de l’été 2006», écrit le tribunal.

«Ce niveau de preuve est quasi impossible à avoir, déplore Sabine Grataloup auprès de Vert, ce jeudi. Qui garde les factures de tous les produits qu’il achète pendant des années ? Qui a un huissier derrière lui chaque fois qu’il utilise un produit dans son jardin ?»

«C’est évidemment une grande déception pour la famille Grataloup et pour nous (…) Ce dossier mérite d’être soumis à la Cour d’appel», a réagi le cabinet d’avocats de la famille. De son côté, Bayer «prend acte du jugement (…) qui n’a retenu aucune responsabilité à l’encontre du groupe. Cette décision intervient après plus de sept ans de procédure, dans un contexte humain douloureux, que l’entreprise n’a jamais ignoré».

Sabine et Théo Grataloup chez eux en avril 2025, deux jours avant l’audience au tribunal. © Guillaume Chamerat/Vert

«Cette décision contribue à l’impunité d’industriels qui, comme Monsanto, ont trop souvent dissimulé ou minoré les dangers du glyphosate, en France comme ailleurs. Elle illustre aussi une stratégie bien rodée de dilution des responsabilités dans les grands groupes chimiques, où chaque filiale se dédouane du rôle qu’elle joue dans la fabrication, la commercialisation ou la promotion de substances dangereuses», a réagi l’association de lutte contre les pesticides Générations futures.

Le glyphosate, herbicide le plus vendu au monde (800 000 tonnes en 2014), a été classé en 2015 comme un «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est interdit en France depuis fin 2018 pour un usage domestique. Bayer, exposé à de nombreux litiges coûteux autour de ce produit, a publiquement douté de son avenir commercial au printemps.

«Nous étions seuls, nous sommes maintenant des millions»

La famille de Théo ne souhaite pas s’arrêter là, et en appelle à une évolution de la loi pour mieux protéger les victimes des pesticides. «Tant que l’on maintient un cadre législatif qui donne un totem d’immunité aux entreprises de l’agrochimie en diluant leur responsabilité dans leurs diverses filiales, elles n’auront aucune raison de changer leurs façons de faire et il y aura de plus en plus de victimes, dénonce Sabine Grataloup. On ne peut plus accepter que la santé de nos enfants soit une variable d’ajustement dans leur business plan.» La famille se réserve le droit de porter ce dossier en appel pour poursuivre le combat sur le plan judiciaire.

Ces dernières semaines, la question des victimes de pesticides s’est retrouvée au cœur de l’actualité, après l’adoption de la controversée loi Duplomb et les prises de parole médiatisées d’ancien·nes malades du cancer. Une pétition réclamant l’abrogation du texte a atteint le nombre record de plus de deux millions de signatures sur le site de l’Assemblée nationale, tandis que des prises de position marquantes ont été affirmées par l’Ordre des médecins, des sociétés savantes ou encore le secteur de la restauration contre cette loi. «Ne lâchons rien, continuons à faire entendre nos voix, a encouragé la famille de Théo dans un communiqué. Nous étions seuls, David contre Goliath, nous sommes maintenant des millions.»

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