Le Green deal, ce très ambitieux plan de transition écologique adopté par l’Union européenne en 2021, pourrait bien avoir été sauvé de justesse. Vers 13 heures ce mercredi, les eurodéputé·es ont dit non, par 318 voix contre 309, à la demande d’adoption sans débat de la directive Omnibus. Ce texte controversé, présenté comme une mesure de «simplification» du Green deal (Pacte vert, en français), est en réalité soupçonné par nombre d’ONG et d’élu·es d’en réduire la portée (notre décryptage).
Plus précisément, il ne s’agissait pas ce mercredi d’approuver ou de rejeter la directive Omnibus dans son ensemble, mais de décider si l’on faisait confiance à la commission des affaires juridiques (Juri) du Parlement pour porter ce texte. La semaine dernière, celle-ci avait validé une version de la loi. Si un mandat lui avait été accordé par les eurodéputé·es ce mercredi, cela aurait permis de faire passer la loi, sans débat en hémicycle, à l’étape suivante du parcours législatif.
La version de la commission Juri contient plusieurs reculs notables sur les piliers du Green Deal, notamment un affaiblissement de la directive sur le devoir de vigilance. Cette loi européenne oblige les grandes entreprises à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur toute leur chaîne de production (y compris chez leurs sous-traitants). Autre texte menacé par l’Omnibus : la Corporate sustainability reporting directive (CSRD), cette directive qui impose aux entreprises de publier chaque année des rapports sur leurs impacts sociaux et environnementaux.
Le Parlement «résiste à Trump»
En refusant d’octroyer ce mandat, le Parlement n’a pas enterré la directive Omnibus. Il a en revanche exigé qu’un débat ait lieu en séance plénière, avec la possibilité d’amender le texte. Cet examen devrait avoir lieu début novembre.
Il s’agit d’une «victoire d’étape !», a réagi sur LinkedIn Claire Nouvian, présidente de l’ONG de défense de la vie marine Bloom. Le Parlement européen vient de montrer «qu’il résiste à Trump et aux lobbies industriels», estime-t-elle.
Une tribune au Monde qu’elle avait co-signée faisait valoir que la directive Omnibus était le symbole d’un alignement progressif de l’Europe sur l’agenda des États-Unis trumpistes. En mars dernier, le Républicain Bill Hagerty avait proposé une loi visant à interdire aux entités américaines d’être soumises à toute réglementation étrangère en matière de durabilité, y compris la directive européenne sur le devoir de vigilance. Une pression qui aurait poussé Bruxelles à reculer, selon les signataires de cette tribune.
La directive Omnibus bénéficie également du soutien de Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, et de celui de Roland Busch, président de Siemens AG. Il y a deux semaines, ces deux patrons, au nom de 46 grandes entreprises, ont appelé le président français Emmanuel Macron à soutenir cette directive qui, selon eux, permettrait de «réduire la régulation excessive» et «la bureaucratie».
Une victoire «en demi-teinte»
Claire Nouvian salue en particulier la mobilisation des groupes Verts/ALE (Alliance libre européenne) et du groupe politique de gauche GUE/NGL (Gauche unitaire européenne/Nordic green left) : «Le Parlement européen vient de réaffirmer, à une très courte majorité, son importance face à ce premier acte de destruction des normes qu’il a patiemment et démocratiquement élaborées au cours des dernières années.»
Pour Mathilde Pousseo, déléguée générale du collectif Éthique sur l’étiquette, cette «victoire» est à nuancer : «Elle est en demi-teinte. Rappelons-le, le texte doit être examiné de nouveau. Et, si l’extrême droite a voté contre ce mercredi, c’est probablement pour aller plus loin dans le détricotage.» Elle appelle d’ici là les citoyen·nes à «interpeller les députés. En particulier les macronistes qui, aujourd’hui, se sont positionnés en faveur de l’Omnibus.» Elle signale également l’existence d’une pétition contre la directive Omnibus, qui a déjà récolté 89 000 signatures.
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