Il reste encore beaucoup à faire pour mesurer l’ampleur de la contamination aux PFAS en France, ces «polluants éternels» utilisés dans l’industrie, extrêmement persistants dans l’environnement et qui ont, pour certains, des effets délétères sur la santé. Ce mercredi, après deux ans de travail, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (l’Anses) publie un avis ainsi que deux rapports sur le sujet. Un travail colossal consigné dans un document de plus de 700 pages, qui dresse un état des lieux des connaissances sur ces molécules (Où les trouve-t-on ? Que sait-on de leur toxicité ? Etc.).
Commandé conjointement par cinq ministères, ce bilan vise à «optimiser les dispositifs de surveillance» en France, explique Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle «sciences» pour l’expertise. Comme le précise l’Anses, la restriction de l’usage de ces molécules – comme le font certains pays, dont la France – est «une priorité pour limiter leurs émissions. Et, face à une famille de substances aussi vaste et hétérogène, identifier les plus préoccupantes est un élément majeur.»
En tout, les services de l’agence ont compilé «près de deux millions de données relatives à 142 PFAS», a indiqué Nawel Bemrah, coordinatrice du groupe de travail sur les PFAS au sein de l’Anses.
La contamination dans certains milieux encore mal connue
Ce qui ressort des travaux de l’Anses, c’est d’une part que «les teneurs moyennes en PFAS qui ont été mesurées dans le sang de la population française sont du même ordre de grandeur que celles mesurées chez nos voisins européens», que ce soit chez les enfants ou chez les adultes.
Mais surtout, ces travaux ont permis d’établir «des trous assez conséquents» dans les connaissances : «Dans l’air, dans le sol, dans les poussières, il n’y a pratiquement aucun élément de surveillance» en France, a déclaré Matthieu Schuler lors de la présentation des rapports. L’Anses recommande par ailleurs d’enquêter sur d’autres sources de contamination, comme les matériaux au contact des denrées alimentaires ou au contact de l’eau, et les matériaux de construction, entre autres.
«Il n’a pas non plus été identifié d’étude présentant des résultats de mesure dans l’air des lieux de travail en France visant à caractériser l’exposition professionnelle», pointe le rapport. Un manque de connaissances auquel devrait bientôt pallier l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Financé par une dotation de l’Assurance-maladie, il a lancé fin 2024 une grande enquête à ce sujet, qui doit livrer ses résultats d’ici à la fin 2025.
Élargir la liste des PFAS déjà contrôlés
Dans les secteurs déjà contrôlés, la surveillance doit être renforcée, alerte aussi l’Anses. Parmi ses principales recommandations, l’agence prône une extension de la liste de 20 PFAS qui seront contrôlés en France dans l’eau du robinet à partir du 1er janvier 2026 – une conséquence de la loi anti-PFAS votée en février. Elle demande l’ajout de cinq PFAS supplémentaires, dont l’acide trifluoroacétique-TFA.
Ce dernier est une matière première dans la production de produits phytosanitaires ou pharmaceutiques (antidiabétiques, antiviraux, anti-VIH, thérapies anticancéreuses…). Sa toxicité est en cours d’évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Il est le PFAS «le plus retrouvé» dans l’eau du robinet, selon un rapport d’enquête de Générations Futures, publié en février.
«Le TFA a été intégré parce qu’il répond à des enjeux de santé publique. Il a une forte occurrence essentiellement dans l’eau et, en plus, certaines études ont révélé qu’il se retrouvait également dans le sang humain», a indiqué Nawel Bemrah.
Alors que seuls quatre PFAS (PFOS, PFOA, PFHxS, PFNA) sont réglementés à l’échelle européenne dans certaines familles d’aliments (poissons, crustacés, œufs, viande), l’Agence recommande d’étendre la surveillance à plus d’une vingtaine de PFAS en tout et de contrôler d’autres types d’aliments comme les céréales, les fruits et légumes, le miel, le sucre et la nourriture pour enfants.
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