Décryptage

529 fake news recensées en huit mois : de CNews à France Télévisions, la désinformation climatique infuse dans les médias

Mensonge à faire mieux. Depuis janvier, les associations QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback ont recensé tous les cas de «mésinformation» climatique dans les 18 principaux médias audiovisuels français. Elles montrent des campagnes de désinformation récurrentes sur certains sujets. Vert fait le point.
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Ce qu’il faut retenir :

529 cas de «mésinformation climatique» ont été détectés dans les 18 principaux médias audiovisuels lors des huit derniers mois. Il s’agit des moments où une personne prononce une contre-vérité sur le climat quand elle est à l’antenne, sans être contredite.

👍 L’audiovisuel public apparait comme le meilleur rempart contre la désinformation climatique.

⚡️ 19 narratifs de désinformation climatique sont à l’origine de 80% des fake news comptabilisées. Cela montre l’intention de certains d’imposer ces récits fallacieux dans les médias.

📈 Ces narratifs qui sèment la confusion parviennent à percer dans le discours médiatique lors de moments politiques spécifiques : prise de pouvoir de Donald Trump, canicules estivales, débats à l’Assemblée nationale…

Les énergies renouvelables sont inefficaces ou inutiles. Elles font exploser le prix de l’électricité. Les variations du climat sont normales et naturelles. L’activité humaine n’a rien à voir avec ça.

Vous avez déjà peut-être entendu certaines de ces affirmations à la radio ou sur un plateau télé. Pourtant celles-ci sont toutes fausses ou trompeuses. Elles font partie des 19 narratifs de désinformation climatique identifiés par les ONG QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback dans leur cartographie de la désinformation sur le climat, publiée ce mercredi 22 octobre.

Grâce à un outil d’intelligence artificielle et à une équipe chargée de la vérification des faits, ces associations ont comptabilisé tous les cas de «mésinformation climatique» entendus dans les 18 principaux médias audiovisuels français. Résultat : 529 séquences problématiques ont été comptabilisées lors des huit premiers mois de 2025.

Qu’est-ce qu’un cas de mésinformation climatique ?

Pour être considérée comme de la mésinformation, il faut qu’une contre-vérité sur le climat soit prononcée à l’antenne sans qu’un journaliste en plateau contredise les propos erronés dans les deux minutes suivantes. «On considère que l’auditeur a été trompé s’il n’y a pas de contradiction immédiate», détaille Emmanuel Vincent, directeur de Science Feedback, l’ONG qui a vérifié les faits pour chaque cas recensé dans le rapport.

Par exemple, un «expert» a qualifié les énergies renouvelables de «très dangereuses pour la sécurité électrique de la France», sur France info, au lendemain de la panne électrique géante en Espagne au mois d’avril (notre article). Le tout, sans le moindre élément permettant de les désigner factuellement comme responsables de ce black-out… et sans être contredit par la journaliste.

Autre exemple, Pascal Praud a déraillé en plateau au sujet des voitures électriques, le 10 octobre. Le présentateur vedette de CNews critique régulièrement l’interdiction de la vente des véhicules thermiques prévue en 2035 dans l’Union européenne. Le 10 octobre, après avoir laissé entendre que les batteries électriques ne «sont pas sans danger», il a ajouté : «Depuis 40 ans, l’Union européenne et les petits hommes gris imposent des choix contraires à la volonté des peuples.»

Dans son émission, Pascal Praud s’en prend régulièrement à l’écologie… et aux écologistes. © Capture d’écran CNews/Dailymotion

On peut aussi citer le cas du physicien François Gervais, controversé sur les questions climatiques et invité de Sud Radio le 19 janvier. Au micro d’André Bercoff, il a expliqué que les fluctuations du climat s’expliquent par des cycles naturels et que l’activité humaine n’a rien à voir avec ça. Selon lui, les émissions de CO2 dans l’atmosphère sont mêmes «positives». Le présentateur n’a pas contredit ces fausses informations.

529 cas en huit mois, c’est beaucoup ?

En avril dernier, QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback avaient rendu publique la première partie de leurs travaux, portant sur les trois premiers mois de l’année. 128 cas avaient alors été relevés. Ainsi, 400 cas supplémentaires ont été détectés les cinq mois suivants. Une quantité qui a beaucoup surpris les auteur·ices de l’étude : «On pensait que les volumes qu’on avait détectés sur le début de l’année n’allaient pas évoluer aussi rapidement et qu’on allait garder les mêmes ordres de grandeur, explique Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat. Mais, en l’espace d’une semaine, au mois de juin, on a eu plus de cas que pendant les trois premiers mois de l’année.» La semaine en question, celle du 30 juin, a été marquée par la première canicule estivale et par les débats sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) au parlement.

Investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche, canicules estivales et débats sur la climatisation, vote sur les zones à faibles émissions (ZFE) ou sur la PPE… la désinformation climatique perce dans les médias lors de moments politiques forts.

Qui sont les bons et les mauvais élèves ?

L’audiovisuel public (France Télévisions et Radio France) et les chaînes de télévision généralistes (TF1 et M6) constituent «les remparts les plus actifs contre la désinformation», selon l’étude. C’est dans ces médias qu’apparaissent le plus rarement les fausses informations sur le climat.

Les chaînes d’info en continu BFMTV et LCI sont, elles, considérées comme perméables à la désinformation. Tandis que Sud Radio, CNews, Europe 1 et RMC en sont des relais proactifs. CNews compte le plus de cas (148) et Sud Radio le plus de cas par heure d’antenne sur les sujets climatiques (un cas toutes les 40 minutes).

Selon le rapport, plus les médias abordent les sujets climatiques dans leurs programmes, moins ils sont susceptibles de laisser passer de la désinformation à l’antenne.

Comment mieux faire ?

Dernier enseignement du rapport : 19 récits récurrents sont responsables de 80% des cas de mésinformation comptabilisés. «Le narratif le plus prévalant, c’est celui selon lequel les énergies renouvelables font exploser le prix de l’électricité. Il y a 125 cas associés à ce message», illustre Emmanuel Vincent.

Pour les auteur·ices, la récurrence de ces 19 récits fallacieux suggère que des campagnes de désinformation organisées sont menées «par des acteurs issus des secteurs les plus émetteurs : industrie fossile, automobile… Ou par ceux qui viennent de l’économie de l’attention [la publicité, NDLR], ceux qui défendent les intérêts de puissances étrangères ou ceux qui appartiennent aux mouvements d’extrême droite», précise Lou Welgryn, coprésidente de Data for Good. Mais la récurrence de ces narratifs et leur «faible sophistication» permet aussi de les démystifier plus facilement et de prévoir leur émergence en fonction du contexte politique : événements climatiques extrêmes, période d’élections, loi en discussion au parlement…

Parmi les pistes d’actions pour lutter contre la désinformation climatique dans les médias, les associations appellent à mieux former les journalistes – notamment celles et ceux exposé·es au direct. Elles proposent aussi de protéger l’audiovisuel public, d’aborder davantage les sujets climatiques et de renforcer la réglementation pour dissuader la diffusion de contenus trompeurs.

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