Incendies, inondations, ouragans… lors des catastrophes naturelles, ou juste après, une deuxième vague, plus pernicieuse, frappe les victimes : la désinformation.
L’ONG américaine Center for countering digital hate (CCDH), spécialiste dans la lutte contre la désinformation en ligne, a publié en juillet une étude qui montre que les algorithmes des réseaux sociaux font exploser la désinformation pendant les événements climatiques extrêmes. Et ce, au détriment des informations vitales pour les populations concernées et du consensus sur l’origine humaine du changement climatique.
Ce décryptage a été réalisé en partenariat avec QuotaClimat, une association qui veut mettre l’écologie à la Une des médias, pour Chaleurs actuelles : la rubrique de Vert consacrée à la désinformation climatique et à l’extrême droite. Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Chaleurs actuelles pour tout savoir de ces sujets majeurs.
L’organisation a relevé 300 publications virales sur différents réseaux sociaux (Facebook, X-Twitter, Instagram, Youtube) publiées lors de catastrophes comme les inondations au Texas début juillet, les mégafeux de Los Angeles en janvier ou les ouragans Milton et Hélène aux États-Unis en octobre 2024.
«Les plateformes ont abandonné» face à la désinformation
À chaque fois, les fausses informations ont explosé sur les réseaux, amplifiées par les algorithmes des plateformes, sans aucune modération de leur part. «Il est très clair que les fausses informations surpassent largement les informations exactes sur les réseaux sociaux lors d’événements météorologiques extrêmes, a expliqué Callum Hood, directeur de la recherche de CCDH au site Legal Planet. Les plateformes ont pratiquement abandonné leurs efforts pour fournir à leurs utilisateurs des informations exactes parallèlement aux fausses informations.»
En janvier dernier, à quelques jours du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le patron du groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) Mark Zuckerberg avait annoncé mettre fin à la vérification des informations sur ses réseaux par des équipes de fact-checkeurs. Pour l’association QuotaClimat, le phénomène «relève d’une décision politique de la part des plateformes qui continuent d’amplifier et de monétiser les contenus climatosceptiques, et [elles profitent] d’un vide réglementaire béant sur le sujet».
À cause de la désinformation, un homme armé s’en est pris aux secours pendant les mégafeux de Los Angeles
Dans les exemples donnés dans l’étude de CCDH :
☁️ Le podcasteur d’extrême droite Charlie Kirk affirmait, sans preuve, que les inondations au Texas étaient causées par une manipulation artificielle des nuages.
🔥 À Los Angeles, l’influenceur conspirationniste Alex Jones affirmait que la FEMA (l’Agence fédérale de gestion des urgences) «confisquait la nourriture» et que les incendies étaient un complot «mondialiste».
Dans le cas de ce dernier, ses publications ont généré plus de 408 millions de vues, dépassant largement en audience le cumul des contenus des dix plus grands services de secours et des dix plus grands médias ayant couvert ces incendies.
Une désinformation de masse donc, qui a des conséquences : «Pendant l’ouragan Milton, des gens ont refusé de quitter leur maison car ils ont été exposés à des campagnes de désinformation qui prétendaient que le gouvernement pourrait s’emparer de leur maison si jamais ils s’enfuyaient pour se protéger, détaille Louna Wemaere, responsable du plaidoyer européen chez QuotaClimat. La capacité d’évacuation des gens et de se protéger eux mêmes est amputée». Pendant l’incendie de Los Angeles, un homme armé s’en était pris aux sauveteurs car il pensait qu’ils l’évacuaient pour s’emparer de sa maison.
Louna Wemaere rappelle que, selon l’étude, les campagnes de désinformation vont augmenter à mesure que s’intensifient les événements climatiques extrêmes. «C’est un moment propice pour les campagnes de désinformation car il y a un certain chaos, de la peur et un besoin de sens et de réponses immédiates que les gens vont chercher aux sources qu’ils ont à leur portée, donc sur les réseaux sociaux.»
Si les cas étudiés par l’ONG américaine se centrent principalement sur les États-Unis, l’Europe n’est pas épargnée. Après les inondations de Blendecques, dans le Pas-de-Calais à l’automne et à l’hiver 2023-2024, Le Monde a montré que le ressentiment des habitant·es s’est concentré sur «les écolos» et a favorisé la montée du Rassemblement national suite à une campagne de désinformation. En Espagne, c’est le gouvernement de gauche ou les politiques environnementales européennes qui ont été désignés par l’extrême droite et la droite comme responsables des inondations meurtrières autour de Valence en fin d’année 2024.