Le vert du faux

Comment convaincre ses proches de l’urgence écologique ?

Voilà des années que les scientifiques alertent le grand public sur les dangers du dérèglement climatique. Pourtant, nos entourages sont toujours peuplés d’oncles climatosceptiques, de cousines un peu complotistes ou d’amis qui pensent que la technologie règlera tout. Voici nos sept conseils pour embarquer vos proches à qui les rapports du Giec donnent de l’urticaire.
  • Par et

1. N’ayez pas peur de parler de la crise écologique

Vidéos d’altercations vio­lentes lors de man­i­fes­ta­tions, cul­ture du clash sur les réseaux soci­aux ou sur les plateaux de télévi­sion… Voilà de quoi refroidir les ardeurs de celles et ceux qui voudraient évo­quer les sujets écologiques avec leurs proches, mais craig­nent le con­flit. «On arrive sou­vent à cette con­clu­sion, fausse, que le sujet est méga-clivé et qu’il ne faut pas en par­ler pour ne pas gâch­er la fête», explique Lucas Fran­cou Damesin, directeur de Par­lons cli­mat, un pro­gramme qui cherche à met­tre le cli­mat au cen­tre du débat pub­lic. Pour­tant, 85% des Français·es s’inquiètent des effets du change­ment cli­ma­tique, et 72% souhait­ent en faire davan­tage au quo­ti­di­en pour lut­ter con­tre la crise, d’après une étude réal­isée en juin pour Par­lons cli­mat. «Par­lez-en, c’est le meilleur “petit geste”», insiste Lucas Fran­cou Damesin.

2. Ne tombez pas dans les discours stéréotypés

Pour éviter le dia­logue de sourds, ne vous lais­sez pas enfer­mer dans une case : vous n’êtes pas le ou la porte-parole de la com­mu­nauté sci­en­tifique, des militant·es pour le cli­mat ou d’une quel­conque «élite poli­tique», et vous n’êtes pas astreint·e à une «pureté» dans vos actes, qui est tou­jours inat­teignable. «Avec des proches, on peut plus facile­ment se reli­er à ce que l’autre est en train de vivre, imag­in­er ce qu’il ou elle ressent et ce qu’il ou elle ne dit peut-être pas, notam­ment quand il y a des réac­tions un peu défen­sives», con­seille Jean Le Goff, psy­choso­ci­o­logue, spé­cial­iste dans la ques­tion du vécu émo­tion­nel face au change­ment cli­ma­tique.

3. Témoignez de vos propres expériences

Les dis­cours pon­tif­i­ants, moral­isa­teurs et cli­vants, on l’a vu, ne marchent pas. Plutôt que de dévers­er ses con­nais­sances en matière de cli­mat et de recul de la bio­di­ver­sité, une bonne dose d’humilité s’avère sou­vent plus effi­cace. Pour que le mes­sage passe mieux, on peut par­ler de ce que l’on fait, soi-même, pour la planète. Vous vous êtes lancé·e dans le zéro déchet ? Vous avez décidé de tro­quer la voiture pour le vélo ? Vous pro­jetez de faire de l’éco-rénovation chez vous ? Racon­tez ! «Le but, c’est de sor­tir des dis­cours dog­ma­tiques pour rejoin­dre les dimen­sions pra­tiques de l’engagement», pré­cise Gau­thi­er Simon, enseignant en sci­ences poli­tiques à l’Université de Bor­deaux, qui tra­vaille sur la con­ver­sion écologique. En évo­quant les aspects con­crets, quo­ti­di­ens, les joies comme les dif­fi­cultés, on risque bien de sus­citer la curiosité des autres et, rêvons un peu, de leur don­ner envie d’en faire de même.

4. Aidez à apprivoiser la peur et autres émotions fortes

Le réchauf­fe­ment, ça fait peur. Et l’éco-anxiété touche de plus en plus de monde. Quand les dis­cus­sions en famille atteignent le con­ti­nent incer­tain et risqué des émo­tions (fortes), pas de panique. «On a sou­vent l’idée que l’éco-anxiété con­duit sys­té­ma­tique­ment au décourage­ment, à la sidéra­tion. Ce n’est pas vrai. Il s’agit d’une émo­tion dite “adap­ta­tive”, qui pousse dans la majorité des cas à l’action», indique Lucas Fran­cou Damesin, de Par­lons cli­mat. Si les émo­tions ont longtemps été dis­qual­i­fiées, à cause de leur dimen­sion «déraisonnable», elles font aujourd’hui leur grand retour. «Une sorte de révo­lu­tion», note le chercheur Gau­thi­er Simon, pour qui «la peur et la colère nous per­me­t­tent de retourn­er au con­tact du monde».

5. Partagez des «expériences de nature» au quotidien

Pour sor­tir ses proches de l’indifférence ou du déni face à la crise écologique, on peut aus­si partager ce que la chercheuse du Muséum nation­al d’histoire naturelle Anne-Car­o­line Prévot présente comme des «expéri­ences de nature au quo­ti­di­en». C’est bête comme chou : prêter atten­tion quelques min­utes aux couleurs d’une fleur qui pousse sur le trot­toir, au bour­don­nement d’un insecte enten­du dans un jardin pub­lic, à la sil­hou­ette d’un ani­mal entre­vu sur un chemin de cam­pagne. Cer­taines appli­ca­tions peu­vent accom­pa­g­n­er cette sen­si­bil­i­sa­tion, à l’image de Plant­net : à l’aide d’une sim­ple pho­to, on peut appren­dre à iden­ti­fi­er des mil­liers de végé­taux. Rien qu’avec les arbres des villes, il y a déjà de quoi ani­mer les balades domini­cales.

6. Prenez les choses au sérieux… mais avec humour

Et si, au lieu de par­ler d’un énième arti­cle sur les effets dévas­ta­teurs de la canicule ou l’inexorable mon­tée des eaux, vous pre­niez le par­ti d’aborder ces ques­tions avec humour ? Imag­inez la fête dans le groupe What­sApp famil­ial quand vous partagerez ce post du Gorafi ou les arti­cles du média par­o­dique Mal­heurs actuels. Plus sérieuse­ment, nombreux·ses sont celles et ceux qui infor­ment aujourd’hui de manière plus ou moins décalée sur le réchauf­fe­ment et la bio­di­ver­sité. À com­mencer par vos servi­teurs : toute l’équipe de Vert rivalise de jeux de mots et de vidéos légères con­coc­tées depuis la Bre­tagne par Gaë­tan Gabriele pour faire pass­er la pilule très amère des infor­ma­tions sur l’écologie. Vous pou­vez aus­si abon­ner vos proches aux comptes de Swann Péris­sé, Ophélie ta mère nature, Ami des lob­bies, Girl go green ou du Jeune engagé (entre autres!), qui abor­dent la crise écologique sans jamais tomber dans la déprime.

7. Jouez !

Fini le Monop­oly ou à la Bonne paye après les repas de famille ; faites l’essai des jeux de société qui tour­nent autour de l’écologie. Ils sont de plus en plus nom­breux, à pro­pos­er de sauver la planète à plusieurs, ou à appren­dre à partager les ressources naturelles, comme Terra­bilis, le kit de voy­age en 2030 glo­rieuses ou Famille zéro déchet. Une manière de faire pass­er des mes­sages avec sub­til­ité tout en s’amusant. Pour aller un peu plus loin et impli­quer directe­ment vos proches — notam­ment les plus compétiteur·ices -, vous pou­vez aus­si leur sug­gér­er de vous lancer dans un défi col­lec­tif, comme ceux pro­posés par Ener­gic ou Ma petite planète. Ce jeu en équipe pro­pose une soix­an­taine d’actions à réalis­er pen­dant trois semaines (notre arti­cle). Des plus sim­ples, comme «aller faire un tour dans un mag­a­sin d’occasion», aux plus engageantes, comme «rejoin­dre une asso­ci­a­tion», ces défis per­me­t­tent de sen­si­bilis­er les joueur·ses, chacun·e à son rythme. Et ça tombe bien, puisque le prochain chal­lenge débute dans quelques jours, le 25 sep­tem­bre prochain !

Cet arti­cle est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, ques­tions d’actualité, ordres de grandeur, véri­fi­ca­tion de chiffres : chaque jeu­di, nous répon­drons à une ques­tion choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez vot­er pour la ques­tion de la semaine ou sug­gér­er vos pro­pres idées, vous pou­vez vous abon­ner à la newslet­ter juste ici.